Pour Nasser Zafzafi, Nabil Ahamjik et les autres militants du Hirak jugés à Casablanca, chaque nouvelle audience prend des allures de baroud d’honneur. Le mardi 12 juin, alors que le président Ali Torchi venait d’ouvrir le procès à la salle 7 de la Cour d’appel, la voix du leader du Hirak a dominé brusquement le bourdonnement du public et des avocats qui prenaient place sur les bancs de bois roussi du tribunal. « Au nom des militants du Hirak sacré, je notifie la Cour de notre décision de boycotter le procès !« , l’a-ton entendu tonner depuis le box des accusés.
Pendant de longues minutes, Nasser Zafzafi énumère les différents motifs motivant cette résolution : partialité de la Cour, refus systématique des demandes de la défense, propension à accéder aux doléances du Parquet… La liste est longue. Une fois la lecture de son « communiqué » terminée, Nasser Zafzafi en remet une copie à ses avocats, tout en leur demandant de faire de même et de garder dorénavant le silence. La lettre comporte 49 signatures, les 5 manquantes sont celles de Hamid El Mahdaoui et des 4 militants du Hirak poursuivis en état de liberté. Aussitôt les détenus entonnent les célèbres slogans du Hirak, quittant tour à tour le box. L’espace d’un instant, le temps est figé. Par dessus ses lunettes, le président observe le tumulte, les avocats se dévisagent, l’inquiétude se confond avec l’incompréhension.
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Le procureur Hakim El Ouardi est le premier à prendre la parole. Il ne cache pas son incompréhension quant au timing choisi. « Le procès entre dans une étape cruciale, celle des plaidoiries. Cette attitude, synonyme de fuite en avant, trahit tout simplement une espèce de peur chez les accusés, celle de voir la vérité surgir d’audience en audience », a-t-il souligné, provoquant les railleries de l’assistance, composé majoritairement des familles des détenus. Hakim El Ouardi a également regretté la prise en otage du groupe par le leader du Hirak , sans toutefois nommer Nasser Zafzafi.
« Il est déplorable de voir un détenu accusé de plusieurs crimes entraîner dans son entreprise d’autres accusés poursuivis pour de simples délits ». Pour finir, le représentant du ministère public invite le juge à poursuivre le procédure, rappelant que rien dans la loi n’empêche le procès de continuer en cas de retrait des concernés, comme le dispose l’article 312 du Code de procédure pénal. En effet, si l’accusé est présent lors de l’ouverture de l’audience par le juge, « il ne peut plus être considéré comme absent, même en cas de retrait ou s’il refuse de se défendre », dispose le texte de loi. « Nous avons préparé un réquisitoire long de 2000 pages qui parviendra jusqu’aux accusés en prison », a-t-il conclu.
Après une interruption d’environ 45 minutes, sollicitée par la défense afin de se concerter, c’est au tour de Me Abderrahim Jamaï de s’exprimer. D’une voix troublée, l’ex-bâtonnier annonce à la Cour la décision du comité de défense de se joindre à l’appel de Nasser Zafzafi et de ses compagnons, « par souci d’intégrité ». A sa gauche, Hakim El Ouardi fulmine. « C’est aux avocats de déterminer leur stratégie de défense, l’accusé ne peut se permettre de la dicter. Le silence est du ressort de l’accusé, non de sa défense ! », rouspète-t-il. Rien n’y fait.
D’habitude prompts à rebondir avec véhémence aux remarques du procureur, les avocats présents ce mardi sont cette fois-ci sidérés et muets. Dans un silence assourdissant, Ali Torchi annonce le report du procès au mardi 18 juin, afin d’écouter les plaidoiries de la partie civile.
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