Ce serait une première depuis la réforme constitutionnelle de 2011. En discussion restreinte au sein du groupe parlementaire du PAM, la déposition d’une motion de censure contre le gouvernement El Othmani n’est pas exclue par les députés du parti du tracteur. « Rien n’est encore officiel, mais la question fait l’objet d’un sérieux débat interne », nous déclare Mohamed Chrourou, président du groupe parlementaire du PAM. « La réponse devrait venir du bureau politique du parti », ajoute-t-il, signifiant qu’une telle décision relève d’un caractère purement politique.
Contraintes constitutionnelles
Selon l’article 105 de la Constitution, la Chambre des représentants peut engager la responsabilité du gouvernement par le vote d’une motion de censure. Cette dernière n’est recevable que si elle est signée par au moins un cinquième des membres composant la Chambre des représentants, soit 78 députés. Avec 103 députés, le PAM est donc en mesure de soumettre la motion de censure au vote du parlement.
Le cas échéant, la démission collective du gouvernement El Othmani ne peut en revanche être effective que par un vote pris à la majorité absolue des membres de la Chambre. Soit 198 députés sur 395.
Depuis le 21 avril dernier, le PAM a été rejoint par le parti de l’Istiqlal au sein de l’opposition. Pour que la première chambre approuve la motion de censure, le PAM devra donc rallier le parti de la balance à sa cause. « Nous tenterons de les convaincre au cas où la motion serait soumise au vote, même si ce ne sera pas suffisant », explique Mohamed Chrourou. PAM et Istiqlal réunis ne forment en effet qu’un bloc de 148 voix, en deçà des 198 requises par la loi suprême du pays.
Des ententes à créer
Le reste des groupes parlementaires étant dans la majorité gouvernementale, les députés PAM observent avec attention la tension régnant au parlement entre le RNI (41 députés) et l’UC (19 députés). « Nous attendons qu’ils clarifient leur position, car nous souhaitons faire bon usage de la motion de censure », nous indique Hicham El M’hajri, député PAM. Lorsque le gouvernement est censuré par la Chambre des représentants, une seconde motion devient irrecevable pendant un délai d’un an. Notre interlocuteur, membre de la commission des finances, rapporte également que son groupe pourrait renoncer à déposer cette motion – lourde de conséquences – dans le cas où « le gouvernement formulerait des solutions économiques viables ».
Le dépôt d’une motion de censure nécessitant entente et pourparlers entre les partis, les députés du PAM craignent que ce procédé se retourne contre eux. « Nous risquons de revivre le débat désuet du Tahakkoum (hégémonie, NDLR), des diables et des crocodiles (termes utilisés par Abdelilah Benkirane pour désigner ses adversaires politiques, NDLR) », prévient El M’hajri. Il estime que « l’état alarmant de l’économie nationale ne permet pas de perdre du temps ».
En alternative à ce scénario, le député PAM de Chichaoua propose à Saâd-Eddine El Othmani de faire usage de l’article 104 de la Constitution. « Après consultation du roi, le chef de l’exécutif pourra dissoudre le parlement et rester à la tête d’un gouvernement en charge des affaires courantes, en attendant la tenue d’élections anticipées dans un délai maximum de deux mois », précise notre interlocuteur.
Une décision sur les rails
Député-maire PAM de Sidi Ifni, Mohamed Aboudrar a été le premier parlementaire à évoquer l’optique de forcer le gouvernement El Othmani à démissionner. C’était le 14 mai dernier, deux semaines avant l’élection de Hakim Benchamach en tant que nouveau secrétaire général du PAM.
Depuis, le député de Taroudant et membre du bureau politique Abdellatif Ouahbi a également fait part de cette hypothèse à ses camarades du parti, comme nous le confie une source au sein du PAM. « J’ai dit que nous devons user de tous les moyens, dont la motion de censure, pour faire sortir le gouvernement de sa torpeur », nous confirme Abdellatif Ouahbi. Et d’ajouter : « Cela doit se faire après réajustement des appareils internes du parti ».
Le dirigeant et élu cite notamment le bureau politique, qui est selon lui « non opérationnel parce qu’il doit se recomposer suite à l’élection du nouveau secrétaire général ». Mais d’après une source au parti, la prochaine réunion du bureau politique du PAM inclura dans son programme de travail la discussion autour de la motion de censure.
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