Politiques publiques inefficaces, non-conformité avec les normes internationales... 5 choses à savoir sur la protection sociale au Maroc

Dans son dernier rapport, rendu public le 7 juin, le Conseil économique, social et environnemental (CESE) dresse un bilan très négatif des systèmes de sécurité et d’assistance sociales du royaume.

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60% de la population active non couverte 

Près des deux tiers de la population active, soit 60%, ne sont pas couverts par un régime de pension. Près de la moitié de la population active (46%) ne bénéficie pas à cette date d’une couverture médicale. D’autre part, la quasi-totalité des actifs (hormis une minorité de salariés du secteur privé formel) ne bénéficie pas d’une assurance sociale spécifique contre les accidents du travail et les maladies professionnelles.

Pas de régime dédié pour les personnes en situation de handicap…

La protection sociale pour les personnes en situation de handicap n’est, à ce jour, régie par aucun texte spécifique, législatif ou réglementaire. L’article 6 de la loi 97-13 de 2016 relative à la protection et à la promotion des personnes en situation de handicap prévoit la mise en place d’un « régime de soutien social, d’encouragement et d’appui au profit des personnes en situation de handicap ». Les prestations, le financement et l’organisation de ce régime doivent encore être fixés par voie législative. Les deux tiers des personnes en situation de handicap (66,9%) ne bénéficient donc d’aucun régime de sécurité sociale.

…ni pour les enfants, ni pour les chômeurs

La protection sociale est un droit de l’enfant affirmé par l’article 26 de la Convention internationale des droits de l’enfant, ratifiée par le Maroc le 21 juin 1993. Mais, malgré l’adoption de la politique publique intégrée de protection de l’enfance au Maroc en 2015, le royaume ne dispose toujours pas de systèmes intégrés de protection sociale pour les enfants, comme le recommande toutefois l’Organisation internationale du travail ou encore l’UNICEF.

Toutefois, il existe une forme de protection sociale de l’enfance. Il s’agit d’allocations familiales versées aux parents salariés du secteur privé et employés du secteur public. Une assistance, par financement public, est destinée aux catégories de populations vulnérables dans le cadre de programmes d’appui à la cohésion sociale.

Même chose pour les personnes en situation de chômage. A ce jour, seule la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS) alloue aux salariés qui ont perdu leur emploi une indemnité dite de « perte d’emploi », appelée IPE. Or, comme le précise le rapport du CESE, cette indemnité n’est pas une allocation de chômage. Elle s’adresse au salarié qui perd de manière involontaire son emploi, et qui est en recherche active d’un nouvel emploi. Il s’agit d’un revenu minimum, versé pendant une période plafonnée à six mois et d’un montant mensuel égal à 70% du salaire de référence. C’est pourquoi le CESE considère que cette indemnité de « perte d’emploi » s’assimile davantage à un mécanisme d’aide au retour sur le marché du travail que d’un remplacement de revenu pour cause de chômage.

Des politiques publiques inefficaces 

Les politiques publiques en faveur de l’emploi et de la protection sociale des personnes sans emploi sont limitées, aussi bien en termes de ressources qu’en termes de vision stratégique et d’efficacité. La loi de finances 2018 consacrait un budget prévisionnel de 1,25 milliard de dirhams en faveur de la politique de l’emploi, soit moins de 0,5% du total des dépenses de l’Etat. Le gouvernement avait adopté, en 2015, une stratégie nationale pour l’emploi (SNE) couvrant une période de dix ans (2015-2025).

Cette stratégie avait, entre autres, recommandé « d’élargir le champ de la sécurité sociale en vue d’assurer la couverture médicale de la population non couverte par l’AMO, d’étendre l’accès à un régime de retraite pour tous les travailleurs, d’élargir les prestations familiales aux populations non couvertes (…) consolider le système d’indemnisation de la perte d’emploi, et d’optimiser les services et les prestations de santé ». Cependant, le rapport du CESE explique que cette stratégie n’a pas fourni de lignes directrices précises concernant le financement, le portage institutionnel, le calendrier de mise en œuvre ou les indicateurs de suivi de ses recommandations.

Encore loin des normes internationales

Le Maroc ne fait plus, comme au lendemain de l’indépendance, office de leader régional africain et arabe en matière de développement du cadre législatif et réglementaire de la protection sociale. Aujourd’hui, le royaume est devenu l’un des pays qui a le moins ratifié les conventions de l’Organisation internationale du travail (OIT) relatives à la sécurité sociale.

A ce jour, sur un total de 177 conventions, le Maroc a ratifié seulement 62 conventions de l’OIT. 48 conventions sont en vigueur, 11 ont été dénoncées et trois abrogés. Aussi, le Maroc n’a ratifié aucune convention au cours des cinq dernières années. La convention 102, dont l’approbation a pourtant été publiée au Bulletin officiel, n’a toujours pas fait l’objet d’un dépôt de ses instruments de ratification auprès de l’OIT.

Le Maroc n’est, à ce jour, officiellement pas signataire des normes de l’OIT relatives à la protection sociale en matière d’emploi. Au total, 42 conventions techniques de l’OIT relatives à la protection sociale ne sont pas ratifiées par le Maroc. Les politiques publiques ne rendent pas compte non plus de leur degré de convergence avec la recommandation 67 sur la garantie des moyens d’existence et la recommandation 176 sur la promotion de l’emploi et la protection contre le chômage.

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