Cette démission doit permettre d’apaiser les tensions provoquées par l’adoption d’une loi de finances qui a eu pour effet d’augmenter la TVA et provoqué ces derniers jours des manifestations d’une rare ampleur dans le royaume hachémite.
Le départ du chef du gouvernement jordanien était une des revendications des manifestants.
La Jordanie est le théâtre depuis plusieurs nuits de manifestations contre des hausses de prix et un projet de loi augmentant les impôts, alors qu’Amman est sous pression du FMI pour entreprendre des réformes économiques structurelles.
Les syndicats ont appelé à une nouvelle grève nationale mercredi en regrettant que « les négociations avec le gouvernement aient échoué à faire retirer » le projet de loi fiscal.
Ils comptent adresser une lettre au roi Abdallah II pour l’appeler à intervenir « dans cette situation délicate que traverse la nation« .
Le roi avait auparavant appelé à « un dialogue national global et raisonnable à propos du projet de loi sur l’impôt sur le revenu » qui, après son renvoi au Parlement, a déclenché mercredi ces manifestations, parmi les plus importantes des cinq dernières années.
Manifestations ramadanesques
Des rassemblements ont eu lieu à Amman et d’autres villes contre ce texte qui prévoit notamment l’imposition de revenus modestes, selon des correspondants de l’AFP. Ils ont lieu la nuit, en plein ramadan.
Quelque 3.000 personnes se sont ainsi rassemblées près des bureaux du Premier ministre Hani Mulqi dans le centre de la capitale jusqu’à 03H30 le 3 juin en dépit de strictes mesures de sécurité.
« Celui qui augmente les prix cherche à enflammer le pays« , « Nous sommes le peuple, nous sommes la ligne rouge« , ont scandé les manifestants arborant des drapeaux jordaniens et appelant de nouveau au départ du chef du gouvernement.
Quelques heures auparavant, des négociations avaient échoué entre représentants des syndicats et M. Mulqi, qui a souligné que le renvoi du projet de loi devant le Parlement ne veut « pas forcément dire qu’il sera approuvé par l’Assemblée, qui est souveraine« .
Des réformes dictées par le FMI
Le président de la principale fédération syndicale, Ali al-Abbous, a appelé l’Etat « à garder son indépendance et ne pas se plier aux exigences du Fonds monétaire international (FMI)« .
Le FMI avait approuvé en 2016 une ligne de crédit de 723 millions de dollars sur trois ans pour la Jordanie. En contrepartie, le pays s’était engagé à mettre en place des réformes structurelles et à réduire progressivement sa dette publique à 77% du Produit intérieur brut (PIB) d’ici 2021, contre 94% en 2015.
L’accueil de centaines de milliers de réfugiés syriens pèse lourdement sur l’économie jordanienne.
Le roi Abdallah II a estimé le 2 juin au soir « injuste que le citoyen paie seul les conséquences des réformes fiscales« .
Le projet de loi fiscal, présenté sur les recommandations du FMI, prévoit une augmentation d’au moins 5% des impôts pour les particuliers et impose désormais les personnes ayant un salaire annuel de 8.000 dinars (environ 9.700 euros). Les impôts des entreprises vont eux être augmentés d’entre 20 à 40%.
Les « fauteurs de troubles » dans le collimateur
Le Sénat s’est réuni le 3 juin pour discuter « des moyens de faire face à la crise« . Son président, Fayçal al-Fayez, a exprimé la « nécessité d’ouvrir un dialogue national« , mettant toutefois en garde contre « les actions violentes et le chaos« .
Il a appelé les autorités concernées à « traîner en justice » les « fauteurs de troubles« , selon l’agence de presse officielle.
Une première grande manifestation organisée par les syndicats s’était tenue le 30 mai contre ce texte. Après l’annonce de l’entrée en vigueur le lendemain d’augmentations des prix du carburant et de l’électricité, les protestataires avaient aussi réclamé l’annulation de cette mesure, dont le gel a finalement été annoncé vendredi.
« Nous voulons dire au gouvernement que le revenu du citoyen jordanien ne convient pas à une telle loi et que nous avons le droit de descendre dans la rue » pour protester, a expliqué à l’AFP Mohamed Chalabiyé, un employé de banque de 28 ans qui manifestait samedi soir devant les bureaux du Premier ministre.
Hausse des prix du carburant
Depuis janvier, plusieurs hausses de prix ont été décidées en Jordanie notamment sur le pain, ainsi que des augmentations des taxes sur des produits de première nécessité.
Le prix du carburant a augmenté à cinq reprises depuis le début de l’année, alors que les factures d’électricité ont connu une hausse de 55% depuis février.
Selon des chiffres officiels, 18,5% de la population est au chômage et 20% est à la limite du seuil de pauvreté.
« Le mouvement populaire (…) a surpris le gouvernement« , affirme à l’AFP Adel Mahmoud, analyste jordanien spécialisé en sciences politiques. Selon lui, la grogne sociale pourrait « grossir comme une boule de neige (…) entraînant la Jordanie dans une crise interne« .
« Le mouvement de rue continuera jusqu’à ce que les revendications soient satisfaites« , prédit-il.
(Avec agences)
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