Miloud, le naïf
Quittant sa Kelâat Seraghna natale, Miloud Labied s’installe, avec sa mère Radia Bent Lhoussine, également peintre, à Salé. A la fin des années 50, il cumule des boulots de jardinier ou de barbier et finit par sauter le pas en intégrant des ateliers libres de peinture menés par Jacqueline Brodskis à Rabat. Miloud commence par peindre des oeuvres naïves. « Une représentation des scènes populaires locales, avec parfois une dimension fantastique dénuée des règles de l’observation, » écrit Benyounès Amirouche, un des contributeurs à la publication Miloud Labied: un art magistral de l’ellipse. Des œuvres de ses débuts « il n’en reste aujourd’hui qu’une dizaine acquises par des collectionneurs privés et ne circulent que très rarement publiquement, » nous explique Abderrahman Benhamza, commissaire de l’exposition.
La mixologie de l’abstraction
C’est dans les années 60, que l’artiste bifurque vers l’abstraction dans sa vaste compréhension. Il expérimente alors les courbes et les signes amazighs parfois de manière déroutantes, tant le contraste est grand avec des œuvres d’autres artistes de la même période…
Une dizaine d’années plus tard, Miloud Labied s’affirme. Il s’essaie à la suggestion, notamment phallique avec « Personnage » (1970), un tableau où l’on distingue clairement des sexes masculins aux sombres tonalités. A ce sujet le sculpteur Alain Flamand écrit : « Le cercle n’était pas une idée achevée du monde, mais la répétion nostalgique d’un éblouissement premier dont le caractère sexuel se laissait lire à fleur de tableau« .
Le corps féminin
Les courbes, une obsession qui poursuivra l’artiste jusqu’à la fin de ses jours en 2008. Dans une des rares sorties médiatiques de l’artiste citée dans le texte du critique d’art Farid Zahid, Labied explique que sa « touche circulaire » n’a pas été « inspirée par un peintre« , mais par deux images allégoriques de son enfance qui font effet de boutades. D’abord, le jour où il a vu les parties génitales de son père rentré trempé des champs. « Cette image est restée incrustée dans ma mémoire, » dira-t-il. Puis celle de sa tante, vêtements retroussés, qui découvre qu’elle a eu ses règles pour la première fois. Quoiqu’il en soit, le corps (surtout féminin) se transposera dans ses œuvres « par la figure féminine maternelle et matricielle, » philosophe Farid Zahi.
Peintures à géométrie variable
Expérimentant de nouvelles techniques d’appréhension de la forme et de l’espace, Labied se portera sur une expression picturale géométrique et impersonnelle. « La période géométrique de Miloud Labied avec ses carrés et ses rectangles fut ‘une tentative’ d’échapper à cette image pressante des touches circulaires, » analyse l’universitaire Azdine Hachimi Idrissi. Un changement radical qui ne l’empêchera pas de revenir à ses courbes sitôt sa lubie géométrique passée. Dans les années 90, il se consacre à monter sa propre fondation d’art à Assif El Mal dans la province de Chichaoua. « Il arrêtera de peindre pendant sept à huit ans pour mettre en place la fondation, » précise le commissaire de l’exposition. Le projet sera finalement inauguré en 2004, quatre années avant sa disparition.
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