Le jihadiste français Salah Abdeslam, ainsi que son complice tunisien Sofiane Ayari, ont été condamnés ce lundi 23 avril à Bruxelles à 20 ans de prison. Ils étaient jugés pour leur participation à une fusillade avec des policiers, survenue le 15 mars 2016 dans la capitale belge.
Dans son jugement, conforme aux réquisitions du parquet fédéral, le tribunal correctionnel de Bruxelles les a reconnu coupables de tentative d’assassinat à caractère terroriste. « Leur ancrage dans le radicalisme ne fait aucun doute », a notamment relevé le jugement. Quatre policiers avaient été blessés lors d’une perquisition qui avait mal tourné, ce jour-là dans la commune bruxelloise de Forest.
C’est la première fois qu’un tribunal statue sur le sort du seul membre encore en vie des commandos jihadistes qui ont attaqué Paris le 13 novembre 2015, faisant 130 morts. Salah Abdeslam, incarcéré en région parisienne depuis deux ans, était absent pour la lecture du jugement, tout comme Sofiane Ayari.
« Le tribunal a été informé qu’aucun des deux ne serait présent aujourd’hui », a déclaré la présidente Marie-France Keutgen en entamant le prononcé de la décision peu après 08H45 (06H45 GMT). Le jugement devait répondre à « des questions multiples, variées, compliquées d’un point de vue technique », avait fait valoir devant la presse Luc Hennart, président du tribunal de première instance francophone de Bruxelles. Le magistrat n’a pas exclu que la lecture puisse durer au moins « deux ou trois heures ».
Lors du procès début février, où les deux prévenus répondaient notamment de « tentative d’assassinat sur plusieurs policiers dans un contexte terroriste », aucun d’eux n’avait voulu s’expliquer sur les faits. Salah Abdeslam avait assumé, pour sa première apparition publique depuis son arrestation, un profil d’islamiste convaincu, en défiant la justice dès l’ouverture des débats.
Ce Français de 28 ans, d’origine marocaine, ancien petit délinquant de la commune bruxelloise de Molenbeek, avait refusé de répondre aux questions, affirmant « placer sa confiance en Allah et c’est tout ». Il n’était pas revenu le second jour, laissant Ayari seul face aux juges.
« Folie médiatique et sécuritaire »
Le 15 mars 2016, c’est lors d’une perquisition de routine dans un logement supposé vide – dans le cadre de l’enquête sur le 13 novembre – que des policiers belges et français avaient été visés par des tirs d’armes automatiques, au 60 rue du Dries, à Forest. Quatre d’entre eux avaient été blessés, et un jihadiste algérien de 35 ans tué fusil en mains en couvrant la fuite d’Ayari et d’Abdeslam – dont les enquêteurs retrouveront rapidement une empreinte ADN sur les lieux. Ce raid policier avait précipité la fin de la cavale de celui qui était alors l’homme le plus recherché d’Europe. Abdeslam avait été arrêté le 18 mars à Molenbeek avec Ayari.
Au procès, accusation et parties civiles ont rappelé le contexte de la fusillade, survenue dans une des multiples planques belges de la cellule jihadiste à l’origine des attaques du 13 novembre. Un groupe, dont d’autres membres allaient commettre une semaine plus tard, le 22 mars 2016, les attentats-suicides de Bruxelles (32 morts), également revendiqués par l’organisation État islamique (EI).
Pour justifier la peine de 20 ans de prison réclamée contre Abdeslam et Ayari – soit le maximum pour les faits jugés – la représentante du parquet fédéral Kathleen Grosjean avait fustigé leur « ancrage sévère » dans l’idéologie de l’EI, et leur absence de regrets pour ces tirs d’une « extrême gravité ».
Parmi les policiers blessés, un membre des unités spéciales touché à la tête n’a jamais pu reprendre le travail en raison de ses lésions cérébrales, avait raconté son avocat, Me Tom Bauwens. De leur côté, les avocats des prévenus avaient mis en garde le tribunal contre la tentation d’être influencé par « la folie médiatique et sécuritaire » entourant ce procès, et imploré son impartialité. « Ce dossier est pollué par tout ce que vous avez lu, vu, entendu », avait lancé Me Sven Mary, qui défend Abdeslam. Lundi matin, le palais de justice de Bruxelles était de nouveau placé sous haute sécurité pour le prononcé du jugement.
Salah Abdeslam est un suspect-clé du 13 novembre 2015. Les investigations ont montré qu’il a déposé ce soir-là les trois kamikazes du Stade de France, près de Paris, avant d’abandonner une ceinture explosive. Ce qui laisse penser qu’il devait lui aussi mener une attaque suicide, même si au final la ceinture s’était avérée défectueuse. Le Français est aussi soupçonné d’avoir convoyé à travers l’Europe à la fin de l’été 2015 dix jihadistes. Parmi eux, un certain Sofiane Ayari, qui avait rejoint l’EI en Syrie fin 2014.
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