L’indépendantiste catalan Carles Puigdemont s’apprête à sortir de prison, après l’abandon par la justice allemande de l’accusation de « rébellion » à son encontre. Il reste sous la menace d’une extradition vers l’Espagne, mais pour des charges moins graves.
« Nous nous voyons demain (vendredi). Un grand merci à tous! », a tweeté jeudi soir le leader indépendantiste catalan, après la décision surprise du tribunal régional allemand compétent dans son dossier, dans le Schleswig-Holstein.
L’horaire de sortie de l’ancien chef du gouvernement de Catalogne n’a pas été communiqué. Le centre de détention de Neumünster, dans le nord de l’Allemagne, où M. Puigdemont se trouve depuis une dizaine de jours, a simplement indiqué qu’il serait relâché dans le courant de la journée. Vendredi matin, sa sortie ne semblait toutefois pas imminente : remis en liberté sous contrôle judiciaire, M. Puigdemont n’avait toujours pas payé sa caution de 75.000 euros, selon le parquet général allemand. C’est l’une des conditions fixées par la justice pour sortir de prison.
Une fois dehors, il lui sera interdit de quitter l’Allemagne en attendant une décision finale sur son cas, et devra pointer une fois par semaine dans un commissariat. Il peut toutefois se targuer d’un premier succès judiciaire notable.
Sous contrôle judiciaire pour « détournements de fonds »
La justice allemande poursuit certes l’examen de la demande d’extradition de l’Espagne. Mais elle a infligé un camouflet politico-juridique aux autorités espagnoles, en rejetant leur accusation de « rébellion », clé de voûte du mandat d’arrêt européen récemment réactivé par Madrid à l’encontre de M. Puigdemont. Madrid soutient que l’organisation du référendum sur l’indépendance de la Catalogne en octobre 2017, en dépit du refus du gouvernement et de la Cour constitutionnelle espagnols, relève de la « rébellion ». Une accusation passible d’une peine allant jusqu’à 30 ans de prison.
Les magistrats allemands ont, eux, estimé que cette charge ne pouvait être retenue au regard du droit allemand: elle supposerait en effet que Puigdemont se soit directement rendu coupable de faits de violence, ou que l’ampleur des violences ait contraint l’État espagnol « à céder ». « Ce n’est pas le cas ici », tranchent-ils, prenant à leur compte la position des partisans de l’ancien chef du gouvernement autonome catalan.
Le tribunal continue en revanche à examiner l’accusation moindre de détournements de fonds publics en lien avec l’organisation du référendum d’indépendance, qui selon Madrid a coûté 1,6 million d’euros. Il a demandé à l’Espagne davantage d’éléments pour étayer sa position.
Vers la fin des poursuites pour « rébellion » en Espagne?
« C’est une nouvelle qui enlève momentanément de la tension et de la pression en Catalogne, au niveau de la rue, en écartant la possibilité que M. Puigdemont soit extradé pour rébellion, même si rien n’est résolu sur le fond », a déclaré à l’AFP le politologue Oriol Bartomeus, professeur de sciences politiques à l’Université autonome de Barcelone.
Si le leader indépendantiste n’est remis à l’Espagne que pour détournement de fonds, c’est le principal pan de l’accusation de Madrid qui tombera: en vertu de la législation européenne, il ne pourra plus en effet être jugé en Espagne pour rébellion. Les faits de « détournement » de fonds restent, eux, punis de quatre à huit ans de prison.
Destitué par Madrid après la vaine déclaration unilatérale d’indépendance de la Catalogne le 27 octobre, M. Puigdemont avait été interpellé fin mars dans le nord de l’Allemagne. Il revenait d’un déplacement en Finlande, en voiture, en route pour la Belgique, où il s’est installé pour échapper à la justice espagnole. En partant à l’étranger, M. Puigdemont et six autres indépendantistes ont échappé aux poursuites en Espagne, et cherché à « internationaliser » leur cause en impliquant d’autres pays européens.
Jeudi, la justice belge a aussi remis en liberté sous conditions trois anciens ministres indépendantistes catalans, dont l’Espagne réclame l’extradition. Neuf indépendantistes sont actuellement en détention provisoire en Espagne, dont six anciens membres de l’exécutif de la province et l’ancienne présidente du parlement catalan.
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