A la différence de plusieurs de ses codétenus, Rabie El Ablak observe un grand calme devant le juge Ali Torchi, malgré la lourdeur des accusations retenues contre lui. Inculpé pour « incitation à porter atteinte à la sûreté intérieure de l’Etat », il risque la peine capitale, selon les dispositions de l’article 201 du Code pénal.
A la barre, il s’exprime en arabe classique. Concis, il marque régulièrement des pauses et répète ses fins de phrases, comme pour aider le greffier à consigner son propos. Le juge lui-même avouera que « l’accusé sait bien se défendre« .
Théorie du complot
Il s’étale pendant de longues minutes sur les circonstances de son interrogatoire. « On m’a ordonné de me tenir debout sur un pied, drapeau marocain à la main, d’insulter Nasser Zafzafi et de crier mon allégeance au roi« , raconte-t-il, regrettant que le juge d’instruction ait « rapidement expédié son interrogatoire« .
Rabie El Ablak est formel. Il affirme même que l’on a voulu l’utiliser comme « pion » pour « enfoncer » Nasser Zafzafi. « Malgré la mise sur écoute de son téléphone pendant plus de 7 mois, ils ont été incapables de prouver l’existence de fonds étrangers, alors ils m’ont approché pour fomenter un complot contre lui« , lance-t-il.
Deux individus qu’il présente comme des « agents des services« , « Farid et L’haj » lui auraient proposé de « transférer 100.000 dirhams à Nasser Zafzafi, avec l’idée de le prendre en flagrant délit« , affirme-t-il.
La défense exige alors l’ouverture d’une enquête au sujet des allégations « dangereuses » de son client, pour savoir « si oui ou non les services de renseignements sont impliqués dans le Hirak« . Rabie El Ablak ajoute que ses propos peuvent être vérifiés en consultant les deux téléphones qui ont été réquisitionnés par la BNPJ.
Expertise technique
Il est ensuite interrogé sur des publications Facebook, où il se définit comme un « Rifain républicain« , rêve d’une « insurrection populaire pour récupérer la république du Rif« , et renie le drapeau marocain, qu’il attribue au maréchal Lyautey. Des publications dont les contenus ont été compilés dans un fichier PDF. « Je n’ai jamais publié cela. Pourquoi ne pas extraire les publications directement de ma page Facebook?« , s’interroge-t-il au moment où l’avocat Mohamed Aghnaj n’exclut pas « la possibilité d’une intrusion externe » dans le compte de son client.
« La BNPJ disposait des mots de passe des comptes de Rabie dès février 2017« , révèle-t-il en lisant un procès-verbal d’une expertise technique effectuée par le service de cybercriminalité de la BNPJ. L’avocat est immédiatement mis à mal par le procureur, Hakim El Ouardi : « Me Aghnaj a-t-il omis de lire le reste du rapport, où l’on apprend que les experts n’ont pas pu accéder aux comptes de Rabie El Ablak puisque les identifiants qui leur ont été remis étaient erronés? Il est également mentionné noir sur blanc que la BNPJ s’est contentée de consulter les publications publiques de l’accusé« .
Comme pour le reste des allégations et accusations de détenus, le tribunal enregistre ses déclarations. A ce stade, il n’est pas possible d’apporter du crédit à ces assertions ou de les démentir, en attendant une éventuelle réponse qui pourrait être contenue dans le réquisitoire du procureur. Le procès reprend ce vendredi 30 mars. Les trois figures majeures du mouvement contestataire seront les derniers à passer à la barre. Il s’agit de Mohamed Jelloul, Nabil Ahamjik, et Nasser Zafzafi.
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