Pour un prévenu placé en détention provisoire depuis plus de 9 mois, la comparution devant le juge s’apparente à une forme de délivrance. Les 54 détenus du Hirak à Casablanca ne dérogent pas à cette règle.
Face au président de la Chambre criminelle de la Cour d’appel, Ali Torchi, ils se lâchent, et évacuent leur frustration, leur colère, leur peine. Ils savent que les médias et les associations de droits de l’Homme sont là. Alors ils les prennent pour témoin et transforment la barre à laquelle ils sont accoudés en tribune.
Zakaria Adahchour, 27 ans, est un de ces exemples. En cette après-midi du lundi 26 mars, il doit répondre à de lourdes accusations: « atteinte à la sûreté de l’Etat« , « mise à feu volontaire d’un bâtiment habité et d’un véhicule« , « rébellion armée« … S’il est reconnu coupable, Zakaria Adahchour risque 20 ans de prison au mieux, et la peine de mort, dans le pire des cas.
Il est soupçonné, comme ses deux prédécesseurs à la barre, Bilal Ahbbad et Karim Amghar, d’avoir incendié la résidence de police à Imzouren, mais aussi d’avoir entravé la circulation d’une ambulance qui se dirigeait vers les lieux des évènements, le 26 mars 2017, il y a un an.
Avant de répondre des accusations portées contre lui, Zakaria Adahchour prend le temps de raconter son interrogatoire, portant de graves allégations contre les autorités . « On me poussait à témoigner contre Nasser Zafzafi. Mais j’ai refusé. Alors, on m’a battu, et étranglé avec des menottes. On m’a même menacé de m’asseoir sur une bouteille de Coca-Cola si je ne signais pas le procès-verbal de mes dépositions« , a déclaré le jeune homme.
A ce moment précis, il fond en larmes, dans le silence pesant de la salle 7. « Un des officiers m’a dit: ‘si nous n’étions pas en plein mois de ramadan, je t’aurais violé moi-même‘ », sanglote-t-il. Comme le prévoit la loi, le tribunal enregistre ses déclarations. Il n’est pas possible à ce stade d’y apporter du crédit ou un démenti aux assertions dites devant un juge.
Concernant son implication dans les évènements d’Imzouren, Zakaria Adahchour affirme qu’il se trouvait ce jour-là à Tamsaman. « J’ai travaillé sur un chantier jusqu’à 17 heures. Je n’ai eu vent des évènements que le soir, une fois attablé à un café d’Imzouren, où je me suis connecté à internet et j’ai vu les vidéos qui circulaient sur les réseaux sociaux« , se défend-il.
Mardi, ce sera au tour de Rabie El Ablak, journaliste et militant du noyau dur du Hirak de se présenter à la barre.
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