C’est l’une des premières mesures prises pour les ouvriers travaillant dans des puits clandestins de charbon, à l’origine du soulèvement populaire que Jerada connait depuis fin décembre 2017. Au siège de la préfecture de Jerada, le gouverneur de la province, Mabrouk Tabet a délivré mercredi 21 mars trois licences d’exploitation de charbon. Des licences au profit de trois coopératives créées au niveau des quartiers Ouled Ameur et B2 de la ville.
«Durant notre dernière réunion avec le wali, nous avions scindé en trois les catégories d’ouvriers travaillant dans les descenderies clandestines» nous explique Aziz Aït Abbou, alias «Errach», longtemps absent de son rôle de leader suite à une hospitalisation au CHU d’Oujda. Il ajoute que d’«autres coopératives seront appelées à voir le jour».
Dans leur diagnostic, les comités de quartiers avaient listé les ouvriers souhaitant continuer à travailler dans l’exploitation du charbon, ceux qui souhaitent se reconvertir dans d’autres activités productives, ainsi que les détenteurs de diplômes réclamant des emplois équivalents à leurs formations.
En vertu de ces coopératives crées, les bénéficiaires auront le droit d’extraire et vendre le charbon à la branche électricité de l’ONEE (Office nationale d’eau et d’électricité). L’accord signé prévoit en outre de garantir aux ouvriers desdites coopératives une assurance maladie, une couverture sociale et une assurance travail. Une première pour les mineurs de Jerada depuis la liquidation des Charbonnages du Maroc en 1998 et la distribution de quatre licences d’exploitation, retirées aux barons par décision gouvernementale le 10 février dernier.
Les comités du Hirak émettent des réserves
Dans les comités des quartiers institués à Jerada, cette mesure n’a pas été accueillie favorablement. «Sur le papier, il était prévu que ce soit le comité de suivi des projets du gouvernement qui propose les coopératives» précise Yahya Khayar, membre du comité du quartier Al Manar.
Représentant local du Centre marocain des droits de l’Homme, Abdelkader Aguili évoque pour sa part «la nécessité d’inclure les syndicats et la société civile de Jerada dans la détermination des coopératives devant bénéficier des licences d’exploitation des descenderies, comme annoncé initialement». Notre interlocuteur précise que cette mesure découle d’une initiative exceptionnelle sur la base d’un document signé par le ministère de l’Enérgie et des Mines. «Tant que ces coopératives n’auront pas le financement promis par le conseil régional de l’Oriental, cette décision restera au stade d’intention» souligne-t-il
«On ne sait pas qui se trouve derrière les présidents des coopératives présent lors de la cérémonie d’octroi des licences» indique un membre du Hirak souhaitant garder l’anonymat. Présentant ces trois personnes comme «analphabètes ou pourvu d’un faible niveau d’instruction au vu des responsabilités qu’ils devront assumer», notre interlocuteur présume qu’ «il est normal pour les comités de quartiers de soupçonner qu’ils soient poussés par les anciens barons de charbon». Allusion faite aux quatre anciens détenteurs du précieux sésame et dont «la population exige la reddition des comptes» d’après notre source.
Dans cette optique, le Hirak de Jerada a annoncé via son comité de communication à poursuivre le programme contestataire tracé ce lundi 19 mars et étalé sur deux semaines. A partir du lundi prochain, la deuxième phase des manifestations prévoit en effet un boycott général des cours du primaire jusqu’au lycée. «Il deviendra difficile de poursuivre les manifestations à cause des arrestations quotidiennes depuis le jeudi 15 mars» rapporte Abdelkader Aguili du CMDH.
Hier encore, trois «figures importantes» du Hirak de Jerada ont été arrêtés. Il s’agit d’Abdelhak Bouregba, alias «Kerboub», les frères Salah et Mourad Zanana, ainsi que le photographe Ahmed Belkhiri. «Personne ne sait comment les choses vont évoluer. Mais nous voulons, en cas d’éventuelles d’arrestations, que les habitants aient déjà un programme de lutte pour faire pression sur les autorités» nous expliquait Abdelhak Bouregba le samedi 17 mars, aujourd’hui en état d’arrestation.
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