C’est à l’issue de trois journées marathon que nous parvenons à joindre le ministre délégué chargé de la Coopération africaine. En début de semaine, Mohcine Jazouli était à Kigali, capitale du Rwanda, où il a pris part à un sommet extraordinaire de l’Union africaine à l’issue duquel les accords relatifs à la Zone de libre échange continentale et à l’instauration de la libre-circulation ont été signés par 44 membres de l’organisation panafricaine.
A peine sorti d’un Conseil du gouvernement, Mohcine Jazouli évoque dans cette interview l’importance de ces accords, leur concrétisation, mais aussi l’impact du retrait du Nigéria qui a voulu temporiser son adhésion à la ZLEC.
Telquel.ma: Quand verra-t-on la mise en œuvre des accords signés ce mercredi à Kigali?
Mohcine Jazouli: Il faut tout d’abord distinguer la signature, la ratification et la mise en œuvre. Entre cette signature et le dépôt des instruments de ratification, chaque Etat devra consulter ses propres organes. Dans notre cas, il s’agit en l’occurrence du parlement. L’objectif fixé par l’Union africaine est de réussir l’entrée en vigueur début 2019. En termes d’opérationnalisation, cela va demander du temps et dépend de l’agenda de chaque pays. En Europe, cela ne s’est pas fait en un jour. On espère toutefois que ça ira plus vite que l’Europe et j’en suis convaincu. En tout cas, la volonté est là pour les Etats africains. Au début du Sommet extraordinaire de Kigali, il était question d’avoir 25 pays signataires. A la fin du sommet, nous étions près d’une quarantaine sur les 54 pays membres de l’UA. Je suis donc confiant quant à l’adhésion de l’ensemble de la communauté, mais aussi à l’exécution de ce projet.
Faut-il s’attendre, au moins pour les marchandises, à une ouverture prochaine des frontières Sud et Est du Royaume ?
Je commencerai par vous dire que le Maroc a une grande tradition d’accords de libre-échange que ce soit sur le plan bilatéral ou multilatéral. Nous avons donc l’habitude que nos frontières soient ouvertes dans le cadre d’accords de libre-échange. Quant à celles relatives à nos voisins directs, le Maroc a déjà ouvert ses frontières à l’Est. Reste à savoir ce que feront nos voisins algériens. Nous espérons vivement que la réussite du projet de la ZLEC nous permettra de voir l’ouverture de ces frontières. Cela ne peut être que bénéfique à l’économie des deux pays.
Quel regard portez-vous sur le retrait du Nigéria de ce projet de libre-échange continental ?
On ne peut que respecter le choix des pays qui n’ont pas signé. Cela relève des attributs de souveraineté de chacun. Certains organes ont demandé à avoir plus d’informations au sujet de la ZLEC. Qui plus est, le fait de ne pas avoir signé l’accord mercredi ne signifie pas que la signature du Nigéria soit exclue de manière définitive. Il faut rappeler qu’entre mardi et mercredi, le nombre de signataires (de l’accord relatif à la ZLEC, NDLR) a presque doublé. Je ne désespère pas de voir la dizaine de pays qui n’ont pas signé l’accord se joindre aux autres signataires.
Cette absence nigériane ne remet-elle pas en cause la viabilité de la ZLEC ?
C’est le propre de tous les accords de libre-échange et de toutes les économies dont les budgets dépendent des recettes douanières de manière directe ou indirecte. Il faut forcément analyser les impacts et prendre le temps, peut-être, de proposer des solutions transitoires ou graduelles.
Lors de ce sommet de Kigali, le Maroc a signé l’accord relatif au libre-échange ainsi que la déclaration de Kigali, mais n’a pas signé l’accord relatif à la libre circulation des personnes. Pourquoi ?
C’est une question de timing. Depuis le retour du Maroc au sein de l’Union africaine, le Maroc a pris part à quatre rounds de négociations sur la ZLEC qui est sur la table depuis 2012. En ce qui concerne la libre circulation, c’est beaucoup plus récent. Nous analysons encore les impacts que peut avoir cet accord avec les départements concernés et nous serons en mesure de répondre par la suite. Cela n’exclut donc pas pour autant une future signature de cet accord.
Les communautés économiques régionales auront un rôle important dans la mise en place. Le Maroc fait à la fois partie de l’UMA, du CENSAD et ambitionne de rejoindre la CEDEAO. Cela ne risque-t-il pas de compliquer les choses ?
Les Communautés économiques régionales sont des « boosters d’intégration ». Si vous analysez la carte de l’Afrique, vous verrez que certains pays sont membres de plusieurs de ces communautés à la fois, parce qu’elles sont complémentaires. La position du Maroc par rapport à la CEDEAO ne change pas. L’intégration à la ZLEC est encore plus forte que celle de la CEDEAO, en termes de volumes impliqués.
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