Comment les personnages arabes sont-ils représentés? Le conte des Mille et une nuits influence-t-il cette représentation? Qu’en est-il de la musique orientale? Autant de questions auxquelles répond Rachid Naim, enseignant et critique cinéma. Nous l’avons interrogé en marge de sa conférence au Festival international du cinéma d’animation de Meknès (FICAM).
Telquel.ma : Quelle place occupe le personnage arabe dans le cinéma d’animation américain?
Rachid Naim : Le personnage arabe dans le cinéma d’animation américain est héritier d’une longue tradition de représentation arabe. C’est presque un réservoir de représentation essentiellement négative, qui a commencé depuis l’avènement de l’islam.
Et c’est justement cet avènement qui va faire en sorte que l’arabe, qui va devenir après l’arabo-musulman, soit présent dans la production américaine. Cela fait à peu près un millier d’années de représentation. Ce qui a permis à Hollywood – ou ce qu’on appelle le cinéma traditionnel – d’hériter de ce réservoir incroyable de représentation, qui sera par la suite recyclé.
Comment le personnage arabo-musulman y est-il représenté?
Quand on évoque le personnage arabo-musulman, on a tendance à évoquer le syndrome des trois B: bombers (kamikaze ou auteur d’un attentat-suicide, NDLR), billionaires (milliardaire, NDLR) et belly dancers (danseuses orientales ou danseuses du ventre, NDLR). C’est une étiquette, elle aussi essentiellement négative, qui peut disparaître pendant des années, comme elle peut réapparaître rapidement.
Cette réapparition s’accompagne généralement d’événements souvent sociopolitiques, après une guerre par exemple. On remarque notamment la recrudescence de ces représentations négatives pendant les années 1970 avec le choc pétrolier. Les produits culturels occidentaux se sont forcément inscrits dans une logique de règlement de comptes vis-à-vis des Arabes.
Quel personnage incarne le plus cette « altérité arabe » dans le cinéma d’animation américain?
Plusieurs personnages du conte des Mille et une nuits ont été adaptés par l’animation américaine. Sinbad, Ali Baba, Aladdin…etc. Le seul détail qui fait la différence, c’est que cette animation américaine a ses propres héros, à l’instar de Popeye, Bugs Bunny, Droopy…etc. Quand les personnages arabes sont invités, alors qu’ils sont eux aussi des héros dans leurs propres contes, ils sont obligés d’être méchants pour laisser la lumière, la bonne place et la bonne image aux héros américains.
Quid de la perception érotique, inspirée des Mille et une nuit?
C’est un peu plus complexe, c’est pour cela que j’ai dit qu’il s’agit d’une représentation essentiellement négative et pas négative seulement. Chaque produit culturel est héritier de l’idéologie dominante, les traces de celle-ci s’immisçant dans les produits culturels: dans les livres, dans la peinture, le cinéma traditionnel ou le cinéma d’animation.
Selon vous, la musique orientale est-elle confrontée au même traitement que le personnage arabe dans les films d’animation ?
La musique a été introduite par le cinéma américain et Hollywood bien évidemment. C’est quelque chose qui donne une indication et une appartenance géographiques. Dès qu’on a une note de quart de temps orientale avec le violon, on arrive à dire qu’il s’agit de la musique arabe. Ce qui va aider le spectateur à localiser l’histoire. Cette musique est souvent très pauvre, c’est-à-dire une musique très stéréotypée contrairement à la musique arabe qui est extrêmement riche.
Vous devez être enregistré pour commenter. Si vous avez un compte, identifiez-vous
Si vous n'avez pas de compte, cliquez ici pour le créer