Le poing droit levé, Xi Jinping, 64 ans, a juré de respecter la constitution lors d’une cérémonie inédite organisée dans le cadre grandiose du Palais du peuple à Pékin.
« Je jure (…) de travailler à l’édification d’un grand pays socialiste et moderne », a-t-il déclaré devant les députés, la main gauche sur la constitution, qu’il a pris soin de faire modifier il y a moins d’une semaine afin de pouvoir enchaîner les mandats sans limite de temps.
Pas un seul des 2.970 députés présents n’a osé voter contre le président sortant ni même s’abstenir. Xi Jinping, qui était seul candidat, fait encore mieux que lors de sa première élection en 2013, lorsqu’un député avait voté contre lui et que trois autres s’étaient abstenus, soit un taux d’approbation de « seulement » 99,86%.
Un nouveau vice-président, Wang Qishan, 69 ans, a été un peu moins bien élu que M. Xi, récoltant… un vote contre. Une quasi-unanimité qui n’était pas gagnée d’avance, M. Wang s’étant attiré quelques ennemis au sein du régime communiste lorsqu’il était chargé de diriger les services de lutte contre la corruption.
Le premier mandat de Xi Jinping a été marqué par une lutte acharnée contre les pots-de-vin, qui a sanctionné au moins 1,5 million de cadres du Parti communiste chinois (PCC). M. Xi est soupçonné de s’être servi aussi de cette campagne pour éliminer des opposants internes et asseoir son autorité.
Après avoir placé des hommes à lui aux postes-clés, il concentre les pouvoirs comme aucun dirigeant ne l’a fait depuis au moins un quart de siècle… aux dépens du Premier ministre Li Keqiang, qui doit être pour sa part réélu dimanche par l’ANP.
Outre sa fonction largement honorifique de vice-président, Wang Qishan, en bon anglophone, pourrait être chargé des difficiles relations avec l’Amérique de Donald Trump.
« Excellent » économiste, M. Wang formerait « une équipe de rêve » avec une étoile montante du PCC, Wang Yang, afin de gérer « la tempête géante qui se prépare autour des droits de douane » que menace d’imposer le président américain, observe le sinologue Kerry Brown, du King’s College de Londres.
La désignation de Wang Qishan, un très proche du président, révèle que M. Xi, en dépit de sa toute puissance, manque d’alliés loyaux et compétents, souligne à Pékin le politologue Hua Po.
« Je pense que sa priorité pour ce deuxième mandat sera de renforcer encore son pouvoir », prévoit-il. Comme il l’a fait durant son premier mandat, il pourrait aussi accroître l’emprise du parti sur la société, « en restreignant par exemple la liberté de parole », selon l’analyste.
La répression sur les dissidents s’est encore accentuée ces dernières années et le pouvoir a encore renforcé son contrôle des médias et d’internet, avec une législation qui réprime toute critique du régime communiste.
L’homme fort de Pékin devra aussi répondre à bon nombre de griefs immédiats « s’il veut conquérir entièrement les cœurs », selon M. Hua: inégalités sociales, flambée de l’immobilier, coût des frais médicaux et de scolarité, démolitions forcées…
A grands renforts de propagande et une omniprésence dans les médias, Xi Jinping s’est fait le héraut d’une « Nouvelle ère », peignant pour ses compatriotes le tableau d’une Chine moderne et respectée à l’horizon 2050.
« La campagne contre la corruption est populaire, le ménage dans le parti est populaire, et son programme de modernisation est attrayant s’il débouche sur une administration moins corrompue, plus fiable et au service des citoyens », observe le sinologue Jean-Pierre Cabestan, de l’Université baptiste de Hong Kong.
« Les gens sont fiers de leur chef, ils trouvent qu’il représente bien la Chine à l’étranger », estime-t-il. Même si « l’image du pays s’est dégradée » avec la réforme constitutionnelle qui ouvre la perspective d’une présidence à vie pour Xi Jinping.
Vous devez être enregistré pour commenter. Si vous avez un compte, identifiez-vous
Si vous n'avez pas de compte, cliquez ici pour le créer