Procès du Hirak: Allégeance à Zafzafi, M18S, séparatisme... l'interrogatoire fleuve d'Abdelali Houde

Mardi 27 février, lors du procès des détenus du Hirak à Casablanca, l'accusé Abdelali Houde s'est livré durant plusieurs heures à une séance de question-réponse avec le juge dans le but de démonter les accusations de séparatisme portées contre lui.

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Crédit : Yassine Toumi / TELQUEL

« Au nom de tous les détenus, je félicite le roi Mohammed VI pour la réussite de l’opération chirurgicale et lui souhaite un prompt rétablissement ». C’est sur ces mots de Nasser Zafzafi que s’est ouverte l’audience des 54 détenus du Hirak, mardi soir à la cour d’appel de Casablanca.

Abdelali Houde, 29 ans, est le seul détenu à comparaitre ce jour-là devant le juge Ali Torchi, pour un interrogatoire-fleuve de près de six heures. Il est notamment poursuivi pour « incitation contre l’intégrité territoriale du royaume« , mais également la « participation à la fomentation d’un complot avec pour objectif l’atteinte à la sûreté intérieure de l’État« , un crime passible de 5 à 20 ans de réclusion.

D’un ton décidé et dans un arabe classique parfait, il répond aux questions du juge avec application et précision, n’omettant aucune occasion de rappeler que « les accusations de séparatisme sont purement erronées ».

À l’instar de plusieurs de ses codétenus, Abdelali Houde est ainsi interrogé sur ses publications sur Facebook, dans lesquelles il affiche tantôt « un soutien au mouvement du 18 septembre » [créé en 2014 par des Rifains résidant aux Pays-Bas, le M18S milite pour la création d’un gouvernement provisoire du Rif, NDLR], tantôt un désaccord avec « l’occupation du Rif par le Maroc », tantôt une affinité pour « la révolution et la rébellion du peuple rifain ».

Mais ce natif de Rotterdam qui se définit comme « chercheur amateur, spécialisé dans l’histoire du Rif » se défend. Il signale à plusieurs reprises que les publications Facebook servant de base aux accusations sont antérieures à la naissance du Hirak. Elles datent en effet de 2015 pour la majorité. Abdelali Houde s’attarde aussi sur les mots employés pour en décortiquer le sens exact.

Glossaire

Ainsi, l’accusé explique en substance qu’il avait soutenu le M18S alors que celui-ci n’avait comme dessein que de raviver la mémoire du Rif, et ce, bien avant sa récupération par Said Chaou et Fikri Lazraq, qui l’ont transformé en mouvement séparatiste.

« De plus, je remarque que cette publication a été ‘photoshoppée’ par la Brigade nationale de la police judiciaire. Puisque je vous dis que je suis chercheur et m’intéresse à l’histoire de la région, pourquoi écrirais-je que la République du Rif a été proclamée en 1921 alors que c’est plutôt en 1923?« , accuse-t-il devant le juge.

Ce dernier a également fait projeter sur les écrans géants de la salle d’audience, la photo d' »un passeport de la République du Rif » sur lequel apparaissent la photo d’identité et les coordonnées d’Abdelali Houde. « Cette image circulait sur les réseaux sociaux. Je l’ai personnalisée, car elle m’avait plu », a-t-il commenté, avant de s’insurger : « Où est le problème ? La République du Rif n’est-elle pas une vérité historique? ».

Qui de ses allusions à l’occupation de Trougout ? « Je fais là allusion à la mafia de l’immobilier qui a volé les terres des pauvres, et s’est enrichie à leurs dépens ». La colonisation marocaine du Rif ? « Je dénonce ici une mentalité arabisante [3roubi dans le texte, NDLR] qui cherche à détruire les symboles de notre culture amazighe. D’ailleurs, notez bien que je ne parle pas de colonisation par l’État marocain ». La révolution ? « Une révolution intellectuelle, non seulement dans le Rif, mais partout au Maroc. Voyez ce qui se passe à Jerada et à Zagora ». L’allégeance des Rifains à Zafzafi ? « Nous avons approuvé ses revendications et ses idées ».

L’interrogatoire dure six heures. La fatigue commence alors à se faire sentir tant sur les visages de l’auditoire que dans l’élocution de l’accusé, obligeant celui-ci à s’asseoir afin de poursuivre l’audience. Sur les coups de 21h00, et sur demande des avocats de la défense, le juge décide de reporter le procès à l’après-midi du jeudi 1er mars.

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