Telquel Arabi: Quel est votre position sur la retraite des parlementaires ?
Driss Lachgar: Dans toutes les sociétés du monde, le système des retraites est l’une des formes de solidarité. En l’occurrence, celle des parlementaires n’est pas semblable à celle des ministres, dans la mesure où les premiers y contribuent dans une caisse qui leur est dédiée.
La situation critique dans laquelle se trouve actuellement cette caisse est due aux choix de l’État qui a décidé d’ajouter une liste (électorale, NDLR) de femmes et d’introduire une seconde liste pour les jeunes. Les répercussions de ces deux mesures n’ont pas été réfléchies, et nous nous sommes retrouvés dans la situation d’un jeune parlementaire d’une trentaine d’années, bénéficiant d’une retraite à l’issue d’un seul mandat.
Il y a deux solutions pour résoudre ce problème. On peut supprimer ce régime de retraite de manière définitive, ou on peut le réformer et se projeter dans l’avenir. Notre projet de réforme prévoit de fixer à 65 ans l’âge pour bénéficier de cette retraite ainsi que l’augmentation des cotisations parlementaires à hauteur de 500 dirhams par mois. Elles peuvent être augmentées à 700 dirhams par mois pour chaque année législative complète.
La quasi-totalité des groupes parlementaires, qu’ils soient de la majorité ou de l’opposition, est convaincue par ce projet , à l’exception de celui du PJD qui a mis en avant des arguments populistes et appelé à la suppression de ce régime de retraite. Je me demande ce qu’est devenu leur référentiel islamique et le principe de solidarité qui caractérise notre culture marocaine…
Quelle est la nature de vos rapports avec le chef du gouvernement ?
Elle est bonne. Nous saluons sa manière de présenter à chacune de nos rencontres sans jamais émettre de réserve ou d’opposition. Nous souhaitons maintenir cette bonne entente de manière durable. Quelques fois, certaines choses sont en désaccord avec nos convictions, mais nous croyons fermement que l’entente repose sur des concessions mutuelles. Sinon, nous ne pourrons pas tracer un bout de chemin ensemble.
Lors des récentes élections législatives partielles, votre parti a pu gagner deux sièges parlementaires. Certains attribuent toutefois ce succès au soutien que vous a apporté le RNI…
L’USFP a non seulement récupéré deux sièges, mais aussi sa force et son ancrage dans la société. Vous n’avez qu’à voir les nombreuses voix que nous avons pu obtenir à Sidi Ifni, M’diq, Beni Mellal, et Agadir.
Ceux qui affirment que nos victoires sont dues au soutien du RNI doivent comparer le score que nous avons obtenu le 7 octobre 2016 (lors des élections législatives, NDLR) et celui des partielles. Ils réaliseront qu’il ne s’agit pas d’une fraude, et que l’USFP aurait pu l’emporter dans de nombreuses circonscriptions. Quant au RNI, ce sont nos alliés. Je ne vais donc pas sous-estimer leur soutien.
Il semble y avoir une certaine complicité entre vos deux formations. Cela pourrait-il vous amener à coordonner vos actions lors de prochaines échéances électorales ?
Aujourd’hui en politique, l’efficacité est devenue un élément de base. Il s’est avéré que notre projet sociétal revendiquant l’égalité des sexes, plus de libertés individuelles, de droits de l’Homme et de développement rencontre à point nommé le projet du RNI.
Nous partageons cela avec d’autres partis, mais l’efficacité est du côté du RNI. Quand nous nous mettons d’accord, les résultats ont toujours été bons. La famille de gauche à laquelle nous appartenons a souvent réagi négativement sur de nombreux sujets que nous avons tenté de soumettre au débat, contrairement au RNI. Nos convergences relèvent d’une attitude responsable et d’une réalité concrète.
La divergence sur des thèmes identitaires ou de valeurs ne constitue-t-elle pas un obstacle dans la coopération avec le PJD ?
À l’heure qu’il est, je ne vois aucun obstacle. Par exemple, il peut y avoir des désaccords au sujet de l’homme qui bénéficie de la pension de sa femme décédée. C’est illogique de penser qu’au décès d’un père de famille, tout son foyer perçoive une pension, et que lorsqu’il s’agit de femme, le mari ne perçoive rien du tout. Il est primordial de s’accorder sur ce genre de point.
Comment jugez-vous la nouvelle loi de lutte contre la violence faite aux femmes ?
Nous avons exprimé notre position en votant « pour » au parlement. Et ce qui ne peut être atteint aujourd’hui ne doit pas non plus être délaissé.
Comment envisagez-vous l’issue du procès des militants du Hirak du Rif?
Je n’interviens pas sur des dossiers qui sont entre les mains de la justice.
Mais, d’un point de vue politique, quel regard portez-vous sur cette affaire ?
Politiquement parlant, nous confirmons avoir fourni les garanties nécessaires, à même d’assurer un jugement juste et équitable. Jusqu’à présent, aucune violation n’a été évoquée. De même, aucun organisme militant dans le domaine des droits de l’Homme n’a émis de position à ce sujet.
Quelle est votre réaction suite à la proposition de la ministre de la Famille Bassima Hakkaoui d’avoir recours à l’ADN pour désigner le père biologique et la bonne filiation ?
Je suis entièrement d’accord avec cette proposition.
Vous avez par le passé appelé à l’égalité dans la répartition de l’héritage entre les deux sexes. Êtes-vous toujours aussi déterminé ?
Je n’ai fait qu’appeler à ouvrir un débat sérieux sur la question de l’héritage et je suis content de voir que cela commence à prendre forme aujourd’hui. Nous avons vu des oulémas présenter leurs explications sur ce sujet, mais aussi le Conseil national des droits de l’Homme. Et c’est sans compter les partis politiques.
Concrètement, je dis qu’il est primordial d’ouvrir un débat national, élargi et ouvert à toutes les composantes de la société afin d’arriver à une solution unifiée. C’est l’appel que je lance à travers vous.
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