Photovoltaïca 2018: à quand la libéralisation du marché de la moyenne tension?

Si les projets comme les centrales de Noor Ouarzate, Laâyoune ou Midelt ont le vent en poupe au Maroc, la moyenne et la basse tension peinent encore à peser parmi les sources d'approvisionnement d'électricité. La raison: les acteurs économiques attendent encore l'ouverture des réseaux par les pouvoirs publics, et c'est là tout l'enjeu de la troisième édition du salon Photovoltaïca à Marrakech.

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Le ministre de l'Energie et des Mines Aziz Rebbah prenant part au dialogue stratégique sur l’énergie avec la participation d'Israël Crédit: MAP

Même si le mercure en ce début du mois de février indique le contraire, le Palais des congrès de Marrakech bouillonne depuis le 13 février. Et pour cause, plus de 700 personnes s’activent dans les couloirs de l’enceinte marrakchie qui abrite la troisième édition du congrès Photovoltaïca.

Un salon auquel participent cette année le ministre de l’Énergie et des Mines Aziz Rebbah, la secrétaire d’État au Développement durable Nezha El Ouafi, et le président du directoire de l’Agence marocaine pour l’énergie durable (MASEN) Mustapha Bakkoury.

Fruit de la collaboration entre le ministre de l’Energie, MASEN et la Société d’investissements énergétiques (SIE), l’évènement a rassemblé des participants venus des quatre coins de l’Afrique, mais aussi de la rive nord de la Méditerranée.

Représentant des structures gouvernementales, des fonds d’investissement nationaux ou internationaux dans le secteur des énergies renouvelables, ou encore la communauté scientifique, ils se sont rendus dans la ville ocre pour « tâter le terrain et jauger les évolutions du marché marocain et africain ainsi que la capacité des pouvoirs publics à accompagner des projets« , affirme le représentant d’une PME italienne produisant des panneaux photovoltaïques.

Dans la vingtaine de stands érigés dans le hall de l’imposant Palais des congrès de Marrakech, les professionnels s’affairent pour tisser des liens pouvant déboucher sur des contrats. De la logistique à base de produits recyclables aux maquettes futuristes, tout a été passé au peigne fin pour se hisser à la hauteur de l’évènement.

Des entreprises en attente du feu vert

Mais dans les petites réunions, les opérateurs discutent d’abord des conditions d’accès et de production sur le marché marocain, présenté comme plaque tournante des énergies renouvelables sur le continent.

Si les projets comme les centrales de Noor Ouarzate, Laâyoune ou Midelt ont le vent en poupe au Maroc, la moyenne et la basse tension peinent encore à peser parmi les sources d’approvisionnement d’électricité. La raison: les acteurs économiques attendent encore l’ouverture des réseaux par les pouvoirs publics, et c’est là tout l’enjeu de cette troisième édition de Photovoltaïca où de nombreuses entreprises sont venues exposer leur savoir-faire dans cette catégorie de production.

« 2018 doit être l’année de la moyenne tension et peut-être même qu’on commencera à fixer les conditions et les modalités d’accès au réseau électrique de basse tension« , a promis Aziz Rebbah dans son allocution prononcée lors de cette rencontre.

Après la très haute et haute tension, le marché de la moyenne tension est le 3e marché électrique en attente de libéralisation. Une libéralisation qui pourrait permettre aux producteurs d’énergie électrique tirée des panneaux photovoltaïques d’être raccordés au réseau électrique moyenne tension en vue de commercialiser cette énergie propre.

Photovoltaïca est justement une plateforme permettant à ces entreprises, généralement des PME, d’entrer en contact avec des fournisseurs et autres potentiels clients.

Dans les faits, la moyenne tension permet le transport de l’électricité à une échelle locale vers des petites industries, et des commerces. Ces lignes, dont les développeurs espèrent une prompte libéralisation, ont une tension comprise entre 15 et 30 kilovolts (kV).

Les lignes basse tension sont, quant à elles, les plus petites lignes du réseau. Leur tension est comprise entre 230 et 380 volts. Elles desservent essentiellement les ménages et les artisans.

« Il y a des entreprises marocaines et étrangères qui ont atteint la maturité, mais qui restent en attente des autorisations pour délivrer des contrats d’achat d’électricité (par l’ONEE, NDLR)« , nous explique Denis Grelier, gérant de Douar&Den, un cabinet casablancais de conseil en développement durable.

Le spécialiste en énergies renouvelables ajoute que l’une des solutions pour de nombreuses PME du secteur reste de se faire absorber par les grands groupes dans le but de se raccorder au réseau électrique. « Ça coince beaucoup avec l’ONEE (l’Office national d’Eau et d’électricité) quand il s’agit de boîtes de taille inférieure« , relève-t-il.

Sacrosainte ONEE

Au Maroc, le marché de l’électricité est en effet soumis à une réglementation stricte. Promulguée en février 2010 et amendée en décembre 2015, la loi 13.09 qui régit le secteur divise encore.

« Nous comprenons les différentes contraintes de cette loi, mais nous demandons plus d’ouverture », manifeste pour sa part Azelarab El Harti, président de la Fédération nationale de l’électricité, de l’électronique et des énergies renouvelables (FENELEC). Cette structure regroupe près de 650 entreprises marocaines.

De son côté, le ministre de l’Énergie est catégorique: « il faut prendre en considération que l’État a déjà signé avec des développeurs privés des contrats d’achat d’électricité de très longue durée« .

Rappelant que le Maroc compte encore s’appuyer sur des solutions classiques comme les énergies fossiles dans le cadre de la production d’électricité, Aziz Rebbah n’exclut pas le fait d’ajouter plus d’énergies propres au mix énergétique.

De son côté, Mustapha Bakkoury nous déclare que « concrètement, il y a des projets portés par des développeurs qui ont décidé d’exploiter les possibilités de la libéralisation de la production électrique au Maroc pour développer la vente directe à des clients qu’ils ont eux-mêmes prospectés ».

Le président du directoire de MASEN précise que « ceci ne doit pas se faire au détriment de [nos] réseaux et de l’équilibre du système électrique dans sa globalité« .

Un certain prisme africain

Au vu de la thématique choisie (« le développement durable en Afrique), l’édition 2018 du salon Photovoltaïca était résolument orientée vers des enjeux continentaux. D’autant plus que le salon s’exportera dès sa prochaine édition et deviendra « PhotovoltAfrica« , annonçait d’emblée Ahmed Baroudi, directeur général de la SIE et maître de cérémonie du lever de rideau de l’évènement. Dans les travées du Palais des congrès, il se murmure déjà qu’Abidjan pourrait accueillir la prochaine édition.

Comme pour confirmer le tropisme afrocentré de ce Photovoltaïca 2018, des « rencontres Afrique » ont été programmées dans le but de rapprocher les économies africaines des investisseurs en énergies renouvelables désireux de s’implanter sur le continent.

« Les énergies renouvelables ne sauraient se cantonner à des frontières« , souligne Mustapha Bakkoury. Le président PAM de la région Casablanca-Settat rappelle au passage que le Maroc est attaché à sa réussite dans le domaine des énergies renouvelables, car « l’inverse sèmerait le doute dans la tête des partenaires africains vu qu’il y’a encore des détracteurs du secteur« .

« Je ne le disais pas avant, mais je peux l’affirmer aujourd’hui. La seule condition est de savoir dans quel contexte les utiliser, avec quelle technologie et pour quel usage« , conclut-il.[/encadre]
 

 

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