Qui est Lilya Adad, la Marocaine qui a conquis The Voice ?

Auteure-compositrice-interprète, elle a conquis les coeurs lors de son passage samedi dernier dans The Voice, sur la chaîne française TF1. Rencontre avec cette jeune Marocaine originaire de Rabat, qui n’en est pas à son premier essai.

Par

Par Anis Hajjam

 

Elle est belle, classieuse, submergée d’une énergie qu’elle dissimule derrière un sourire radieux. Lilya est une force de la nature. A 17 ans, son parcours donne le vertige. Malgré des prix et des récompenses à faire rougir, elle sait qu’elle ne peut cesser de s’élever si elle veut tutoyer les étoiles. La tête sur les épaules, elle avance en composant avec sa jeune existence. Humble et forte d’esprit, elle entend continuer à se faire plaisir, à surprendre, à se surpasser. Lors de sa prestation à l’aveugle sur TF1, elle réussit à toucher en plein coeur l’orientalisant Mika qui lâche : “C’est impossible !” en se retournant en même temps que Florent Pagny. Elle finit par le choisir comme coach face au regret assumé de Zazie et Pascal Obispo, les deux autres jurés –ils ne se sont pas retournés – de cette
septième édition de The Voice.

De Rabat à Berklee

Pourtant, la frêle Lilya est arrivée à ce concours décidée à gratter là où l’émotion est à fleur de peau. Car avant cette aventure, elle a vécu : “Mes parents, qui ont détecté chez moi une envie de faire de la musique, m’ont inscrite à l’âge de quatre ans à des cours de piano. Et c’est à partir de là que mon histoire avec la musique a débuté. A six ans, j’ai commencé à chanter au sein de la chorale de l’école. Au début, j’étais dans le lyrique, mais plus tard j’ai commencé à me diversifier. C’est comme ça que j’ai découvert le R&B, le jazz, la pop, le rock… Depuis, je me produis principalement en anglais, mais je le fais aussi en arabe et en français. Dans le cadre des opéras auxquels j’ai déjà pris part, j’ai chanté en italien et en latin.” Si c’est à Rabat que son ambition prend forme ou ailleurs, comme au Printemps des Alizés en 2013, Lilya aspire à plus corsé : “Au fur et à mesure de mon cheminement, j’ai réalisé que je me passionnais de plus en plus pour la musique, au point d’en faire un métier. A ce stade, mes parents ont opté pour la grande porte, c’est-à-dire m’intégrer à une grande université de musique, bien apprendre le métier et me perfectionner.” Cette belle folie familiale débouche sur une “externalisation”. Lilya en rend compte : “Mes parents m’ont donné la chance, à quinze ans, d’entreprendre un stage à Berklee College of Music au campus de l’Opéra de la Reine Sofia à Valence. Les professionnels qui m’ont encadrée ont eu foi en moi et m’ont offert une bourse pour que je puisse poursuivre, en 2016, toute une cession d’été à l’univer- sité mère, le Berklee College of Music à Boston. Là, c’est une bourse de quatre ans qui m’a été octroyée pour entamer des études de composition de musiques de film et de son. Ainsi, je peux faire de ma passion un métier.” Elle présentera dans cette université, en exclusivité en 2017, son premier single, Baby. Lilya s’est aussi essayée, très jeune, à la danse et au… karaté (elle est ceinture noire de l’Association Artemesia), toujours sur l’impulsion des parents. Ses soeurs ne sont pas en reste : “Ils nous ont encouragées à apprendre à nous défendre. Et pour garder une grâce féminine, ils nous ont dirigées vers la danse classique.” Avec ça, elle a un baccalauréat en sciences mathématiques à passer en juin prochain. Gérer tout cela en même temps ne semble pas la déstabiliser: “Pour moi, la musique a toujours été une belle échappatoire et une excellente manière de décompresser. D’ailleurs, même les autres activités m’ont beaucoup aidée à m’organiser. La clé, c’est l’organisation.”

La musique en héritage

Finalement, la musique est une histoire de famille chez les Adad. Le grand-père, Mohammed Ali, est l’une des grandes figures de la chanson marocaine dite moderne. Dans les années 1960, il sort l’inoubliable Lillah ya Lamkhantar. Le père, juriste et informaticien, est guitariste chanteur. Les soeurs jumelles, Maysan et Jihane, sont respectivement violoncelliste et guitariste. Seule la maman
se pose en spectatrice. Elle est biochimiste et biologiste moléculaire. A croire qu’à la maison, ils utilisent des partitions pour communiquer : “Exceptée ma mère qui communique en code génétique, j’ai beaucoup de respect et d’amour pour mon grand-père et pour la musique marocaine et arabe. Ce sont mes racines, bien que mon inspiration soit anglophone. D’ailleurs, j’intègre souvent des mélopées orientales dans mes arrangements et mes compositions.” Lilya, même sur un nuage, ne perd pas le nord : “Il faut bien garder les pieds sur terre, car ce n’est que le début de mon cheminement. Je considère que les concours auxquels je participe sont comme des évaluations et des étapes dans mon parcours d’apprentie.” Paroles de bûcheuse. Son père, Mohammed Adad, est sans équivoque là-dessus: “Il n’y a pas de secret. C’est beaucoup de travail, de sérieux et de persévérance. Entre le piano, la guitare, le chant, la composition, la danse, les arts martiaux… C’est du boulot”.

Alicia, Mika et les autres

Aujourd’hui, ça paie. Mais il faut croire que Lilya est sur tous les fronts. Parmi les plateformes Web où on peut la croiser, il y a sa chaîne YouTube, où elle reçoit un jour un lien émanant d’une abonnée. Le contenu laisse la prodige sans voix. Sa reprise de Fallin’ d’Alicia Keys en 2017 figure dans le top ten des covers sur le site de Keys elle-même. Après un éclat de rire, Lilya confie : “C’est arrivé en août alors que j’étais encore aux Etats-Unis. Je n’étais pas au courant. Ce n’est qu’en janvier qu’on m’a avisée. C’est un grand honneur. Vous savez, je suis toujours heureuse quand les gens apprécient mes covers. Mais lorsque l’auteur-compositeur en personne aime ma version, je suis carrément aux anges.” C’est grâce à ces mêmes covers que Lilya est contactée par la production de The Voice. On lui propose de passer à la moulinette des auditions avant de la confirmer pour le passage à l’aveugle. Du coup, c’est une énorme fierté qui s’empare des téléspectateurs marocains et pas seulement, des réseaux sociaux et des oreilles fines. Quant à la famille au complet en coulisses, “elle était heureuse, zen, dans l’attente, impatiente, stressée… mais avec beaucoup de soutien et d’amour”, raconte Lilya, qui a merveilleusement fait revivre Les Feuilles mortes d’Yves Montand sur des paroles de Jacques Prévert : “Les Feuilles mortes est l’une des chansons françaises que j’ai toujours fredonnées au piano, ayant écouté plusieurs versions. J’ai fini par créer cet arrangement fusion francophone/anglophone avec un zest oriental.” On la verra dans quelques semaines pour la suite de son aventure sur TF1. Et après, elle fera quoi ? “Réussir mon baccalauréat et regagner Berklee aux Etats-Unis pour poursuivre mon apprentissage. Entre-temps, sortir mon premier album en juillet. Un bouquet de chansons sur lesquelles je travaille dur.” Pour l’instant, The Voice l’habite : “C’est l’une des prestations les plus marquantes de ma vie.” Retenons cette voix qui suggère la douceur et ce prénom qui symbolise la fidélité.

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