L’ONG internationale, créée en France mais qui compte 40.000 employés permanents dans le monde, a indiqué dans un communiqué avoir été saisie de 146 plaintes ou alertes reçues par sa direction. Ce recensement n’est sans doute que partiel car l’ONG n’y inclut pas « les cas directement gérés par les équipes sur le terrain et non signalés au siège » opérationnel à Paris.
« Bien que les signalements d’abus soient en augmentation régulière, MSF est consciente que les abus en son sein sont sous-rapportés », a précisé l’ONG.
Quarante cas ont été identifiés comme des « cas d’abus ou de harcèlement », sexuel ou non, au terme d’une investigation interne, et, parmi ces 40 cas, 24 étaient des cas de harcèlement ou d’abus « sexuel », a précisé MSF.
Sur ces 24 cas, 19 personnes ont été licenciées, a ajouté l’organisation. « Dans les autres cas, les employés ont été sanctionnés par des mesures disciplinaires ou des suspensions », précise le communiqué.
MSF fait ces révélations en plein scandale Oxfam, où les accusations éclaboussant l’ONG se multiplient, notamment celle de ne pas avoir signalé les agissements d’un de ses cadres mis en cause.
Cible de plusieurs accusations, le Belge Roland van Hauwermeiren, ancien directeur pays au Tchad et en Haïti pour Oxfam avant de démissionner, avait fait l’objet dès 2004 d’une plainte pour abus sexuel, lorsqu’il était en poste au Libéria pour l’ONG britannique Merlin. Après Oxfam, il avait rejoint l’ONG française Action contre la faim au Bangladesh, cette dernière déplorant ne pas avoir été prévenue.
Après les révélations sur le recours à des prostituées et de potentiels abus sexuels au Tchad et en Haïti, Helen Evans, directrice de la prévention interne à Oxfam entre 2012 et 2015, a dénoncé mardi l’existence d’une « culture d’abus sexuels au sein de certains bureaux », faisant état de viols ou tentatives de viols au Soudan du Sud ou d’agressions sur des mineurs bénévoles dans des magasins de l’ONG au Royaume-Uni.
Et l’ONG est aussi ébranlée sur un autre front: l’arrestation mardi au Guatemala du président d’Oxfam International, l’ancien ministre des Finances Juan Alberto Knight, cette fois dans le cadre d’un scandale de corruption, sans lien avec les affaires sexuelles en cours.
Les effets n’ont pas tardé à se faire sentir pour Oxfam. Lundi, la directrice générale adjointe d’Oxfam Penny Lawrence a démissionné.
Mardi soir, l’actrice et chanteuse britannique Minnie Driver, nommée au Oscars, a annoncé sa démission de son rôle d' »ambassadrice » d’Oxfam, première célébrité à claquer la porte.
Mercredi, une porte-parole de l’ONG a indiqué que l’organisation humanitaire avait enregistré 1.270 annulations de dons par prélèvement automatique entre samedi et lundi – contre une moyenne mensuelle de 600.
Jeudi, des représentants de l’ONG sont convoqués par le ministère haïtien de la Planification et de la Coopération externe pour fournir des explications. Le président Jovenel Moïse a dénoncé mardi une « violation extrêmement grave de la dignité humaine ».
A la suite de ces accusations, la secrétaire d’Etat britannique au développement international, Penny Mordaunt, a écrit à toutes les ONG pour leur demander de renforcer leurs procédures de contrôle.
« Nous voulons un changement des procédures (…), que les personnels rendent compte de leurs actions », a déclaré Mme Mordaunt lors d’un colloque international à Stockholm, dont des extraits ont été diffusés par ses services à Londres.
Pour Mike Jennings, directeur des études sur le développement à l’Ecole des Etudes Orientales et Africaines de Londres, les situations d’urgence constituent un environnement propice aux abus. « Vous avez des personnes extrêmement vulnérables, qui ont tout perdu bien souvent, et d’autres qui ont accès à beaucoup de ressources, ce qui leur donne du pouvoir », explique-t-il à l’AFP.
A Londres, des habitués des magasins Oxfam ne semblaient pas tenir rigueur à l’ONG. « C’est comme une branche d’une chaîne de magasins, ce n’est pas le tout », estime Richard.
Pourtant, les abus sexuels sont « une pratique courante » dans le milieu humanitaire, a dénoncé sur la BBC Megan Nobert, une jeune femme qui avait été droguée et violée par un confrère lorsqu’elle travaillait pour un programme de l’ONU au Soudan du Sud en 2015.
« Le communauté humanitaire n’est que la dernière sur la liste », estime-t-elle, dans la lignée du scandale Weinstein ou de la campagne #MeToo. « Elle doit maintenant se pencher publiquement sur un problème qu’elle voulait résoudre discrètement ».
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