"Prêt" à entamer des pourparlers, le Polisario brandit la menace d'une "intervention militaire de l'UA"

Le ministre des Affaires étrangères de la RASD menace le Maroc d'une "intervention militaire de l'Union africaine" s'il refuse de prendre part à des pourparlers directs. Que vaut cet avertissement?

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Crédit: AFP
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Le ministre des Affaires étrangères de la RASD, Mohamed Salem Ould Salek, a tenu une conférence de presse au sein de l’ambassade du Polisario à Alger, principal soutien du mouvement séparatiste, le 5 février.

Cité par l’agence de presse algérienne APS, le diplomate a déclaré que le Polisario était « prêt » à entamer des « négociations directes » avec le Maroc au sujet du Sahara. Ould Salek a également affirmé qu’en cas de rejet de ces négociations directes par le Maroc, le Polisario était en droit « de demander l’intervention militaire » de l’Union africaine.

« La RASD en tant que pays membre de l’UA, peut et elle a bien le droit de demander l’intervention militaire de l’UA au cas où le Maroc refuse la solution pacifique au conflit du Sahara occidental et dans le cas où il rejette les négociations directes, formule envisagée par l’Envoyé spécial des Nations-Unies, Horst Köhler« , a-t-il déclaré.

« Aux termes des dispositions de l’Acte constitutif qui octroie aux États membres de l’organisation panafricaine de demander l’intervention militaire pour libérer tout pays agressé, pour libérer son territoire, chacun va tirer à son niveau les conclusions qui s’imposent, » ajoute Ould Salek.

Zéro intervention militaire

Dans les faits, l’organisation panafricaine dispose bien d’une Force africaine en attente (FAA). En revanche, celle-ci n’est jamais intervenue dans un état membre de l’Union.

En cas de crise, l’UA a surtout eu recours à des missions de maintien de la paix comme c’est actuellement le cas en Somalie, à travers la mission de l’UA pour la Somalie (AMISOM), ou encore au Darfour où l’organisation travaille en collaboration avec l’ONU.

En outre, la sortie belliqueuse d’Ould Salek contraste avec l’esprit des pourparlers proposé par Horst Köhler. L’envoyé personnel du secrétaire général des Nations unies pour le Sahara avait en effet adressé fin janvier des invitations au ministre des Affaires étrangères du Maroc Nasser Bourita et au secrétaire général du Front Polisario pour la tenue de discussions bilatérales à Berlin.

Des invitations avaient également été envoyées à l’Algérie et à la Mauritanie. « Horst Köhler a l’intention de tenir des discussions bilatérales avec les parties et les pays avoisinants en janvier et février« , avait indiqué Stéphane Dujarric, porte-parole du secrétaire général de l’ONU, le 23 janvier à New York.

Le 25 janvier, des discussions entre une délégation du Polisario et l’envoyé personnel du secrétaire général des Nations Unies pour le Sahara Horst Köhler ont bien eu lieu à Berlin. Le même jour, le gouvernement marocain, par l’intermédiaire de son porte-parole Mustapha El Khalfi, avait exclu toute possibilité de s’asseoir à la même table que les représentants du Polisario.

Une source diplomatique marocaine nous confirme l’intention du Royaume de ne pas mener de pourparlers directs avec le mouvement séparatiste et estime que la sortie d’Ould Salek est une « fuite en avant » pour le Polisario qui a recours à de « l’agitation médiatique« .

« La population des camps (de Tindouf, NDLR) a de sérieuses interrogations au sujet du leadership du Polisario. Face à ces interrogations, ils cherchent à créer une bulle médiatique pour rassurer la population en affirmant que des négociations seront menées avec le Maroc, qu’ils disposent du soutien de l’UA et qu’ils contrôlent Guergarat« , affirme notre interlocuteur.

Selon lui, le Polisario « est en train de mendier des contacts directs et de fixer des dates et des lieux alors qu’il n’en est rien ». La même source réaffirme qu’un « contact bilatéral, et strictement bilatéral, sera convenu avec l’envoyé personnel du secrétaire général de l’ONU à une date et un lieu arrêtés d’un commun accord« .

Ce contact devrait se faire dans le « cadre des constantes de la position du Maroc et d’une solution sauvegardant la souveraineté, l’unité nationale et l’intégralité territoriale du Maroc », précise notre interlocuteur.

Va-t-en-guerre

Cette conférence de presse d’Ould Salek intervient aussi au lendemain de la nomination d’un nouveau Premier ministre du Polisario en la personne de Mohamed El Ouali Akeik. Selon le360.ma, ce lauréat de l’académie militaire « Cherchell » d’Alger est « un inconditionnel de la ‘reprise des armes’ contre le Maroc« .

Installé le 5 février dans ses nouvelles fonctions, Akeik remplace Abdelkader Taleb Omar qui occupait cette fonction depuis 2003. Selon notre source diplomatique marocaine, cette nomination a pour but de « calmer des dissensions internes » au sein du Polisario.

Cette sortie du Polisario intervient également dans une phase de communication après le sommet de l’Union africaine qui s’est clos fin janvier à Addis-Abeba. C’est au cours de ce sommet que les chefs d’États africains ont adopté un rapport du Conseil paix et sécurité reprenant le vocabulaire du mouvement séparatiste.

Tout en présumant que « le blocage actuel dans le processus de paix est largement dû à l’insistance marocaine que seule sa proposition d’autonomie doive servir de base aux négociations« , le document recommande notamment le renforcement du rôle des instances de l’UA dans la résolution du conflit – quand les efforts du Maroc convergent pour confier ce dossier à l’ONU -, entre autres « boycott » du Forum Crans Montana à Dakhla.

Réagissant à ce rapport, notre source diplomatique affirme que « la même décision est prise depuis cinq ans« . Notre interlocuteur relève également que « des voix de plus en plus nombreuses se sont élevées pour exprimer, par écrit, leur opposition à ce rapport lors des 29e et 30e sommets de l’Union africaine ».

Notre source signale que cette décision du CPS pourrait être la « dernière« , car « la composition du Conseil paix et sécurité aura une nouvelle configuration«  à l’issue du mois de mars.

C’est en effet lors de ce 30e sommet que le Maroc a obtenu un siège au Conseil Paix et sécurité de l’Union africaine, où il siègera en avril. En intégrant cet organe pivot de l’UA, la diplomatie marocaine compte agir de l’intérieur pour éviter ce genre de rapports. Enfin, c’est aussi au sein de ce Conseil que se décide la mobilisation de la Force africaine en attente qu’Ould Salek verrait bien intervenir au Maroc.

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