« L’attente est forte », a prévenu dimanche sur la radio France Inter Gilles Simeoni, président du conseil exécutif corse, après « la réussite éclatante », selon lui, de la manifestation de samedi à Ajaccio.
Entre 6.000 personnes, selon les autorités, et 25.000, selon les organisateurs, ont défilé dans la « capitale » de l’île méditerranéenne française. Le journal Le Monde, qui a fait son propre décompte, a évalué la foule à environ 8.000 personnes, sur une population de 330.000 habitants en Corse.
Peu importe, les nationalistes estiment avoir atteint leur but, qui était de « convaincre » Emmanuel Macron d' »ouvrir un dialogue » après les « fins de non-recevoir sur la quasi-totalité des dossiers » que les nationalistes ont soumis les 22 et 23 janvier à Paris au Premier ministre Edouard Philippe.
Les dirigeants corses ne demandent pas l’indépendance de l’île mais la reconnaissance de sa spécificité, par son inscription dans la Constitution française. Ils réclament aussi, comme en Nouvelle-Calédonie ou en Martinique un statut fiscal et social spécial, la co-officialité de la langue corse et le rapprochement des prisonniers corses.
Les indépendantistes sont minoritaires en Corse et l’île n’est pas la Catalogne. Ainsi, M. Simeoni est un nationaliste modéré, tandis que son allié Jean-Guy Talamoni, président de l’Assemblée corse, même s’il est indépendantiste, a mis entre parenthèses ses revendications les plus fortes. S’ils obtiennent un « véritable statut d’autonomie« , les Corses « s’en satisferont« , a assuré M. Simeoni.
La Corse a été pendant des décennies le théâtre de violences avec plus de 4.500 attentats – provoquant très majoritairement des dégâts matériels – en grande partie revendiqués par le Front de libération nationale de la Corse (FLNC).
Cette organisation indépendantiste radicale a déposé les armes en 2014, mais certains nationalistes ne se privent pas d’avertir Paris que si, malgré l’abandon de la lutte armée, ils n’étaient pas écoutés, les violences pourraient reprendre.
« La disparition de la violence doit être irréversible« , a assuré dimanche M. Simeoni. Mais « il y a aujourd’hui une situation potentiellement explosive » et « c’est aussi la responsabilité des gouvernants français d’ouvrir le dialogue que nous demandons« , a-t-il mis en garde.
Le tout récent retour sur le devant de la scène politique corse de Charles Pieri, ancien homme fort du FLNC, a pu également susciter des craintes.
Emmanuel Macron doit « adresser un signal très fort d’ouverture et de dialogue« , loin de « l’indifférence » dont il a fait preuve jusqu’à présent, a également prévenu Jean-Guy Talamoni.
Officiellement, la visite présidentielle vise à commémorer l’assassinat du préfet de Corse Claude Erignac, tué le 6 février 1998 par un indépendantiste. Cet acte terroriste avait été vivement condamné par les Corses, qui avaient été entre 30.000 et 40.000, selon les sources, à descendre dans la rue quelques jours plus tard.
Mais le point fort sera l’allocution d’Emmanuel Macron mercredi. Que dira-t-il? Lors d’un discours prononcé sur l’île, en tant que candidat, le 7 avril 2017, il avait martelé que « la place de la Corse est dans la République« .
Il avait cependant semblé ouvrir la porte à une décentralisation accrue, une petite révolution dans une France jacobine. « S’il apparaît que le cadre actuel ne permet pas à la Corse de développer ses potentialités, alors nous pourrons envisager d’aller plus loin et de réviser la Constitution« , avait-il ajouté.
Sous pression, le président français l’est d’autant plus après le triomphe des nationalistes aux élections locales de décembre dernier, qui leur a permis de prendre le contrôle des autorités régionales de l’île.
Son propre camp pousse de plus Emmanuel Macron à la flexibilité. Le président de l’Assemblée nationale française François de Rugy, membre du parti de M. Macron, a ainsi estimé qu’il fallait « reconnaître la spécificité de la Corse« .
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