Dans sa chronique parue dans l’édition du mardi 16 janvier du quotidien Akhbar Al Yaoum, le journaliste Jamal Boudouma relate « le sort tragique d’Ibn Rochd (Averroès, NDLR) à Echemmaïa ». Cette petite localité de 24.000 habitants, située à 92 kilomètres de Marrakech dans la province de Youssoufia, « a été la scène de la détresse du philosophe andalou, 9 siècles après l’autodafé de ses livres à Cordoue ».
Passée la figure de style, Jamal Boudouma raconte que « la projection du ‘Destin’, le biopic sur la vie d’Averroès réalisé par l’Égyptien Youssef Chahine, a été censurée par un directeur de lycée ». Celui-ci aurait estimé que « le film n’est pas conforme aux spécificités de la région ». Le chroniqueur s’interroge sur les « spécificités de ladite région, si ce n’est les oliviers et l’élevage des ovins ».
« Le Destin » avorté
Contacté par nos soins, Mohamed Youssefi, directeur provincial de l’Éducation nationale, a d’abord qualifié les faits relayés dans la chronique de « surdimensionnés », avant de nous livrer sa propre version de l’histoire. L’action prend place au lycée Al Qods, où l’association Fadwa Touqan a demandé, dans le cadre de son partenariat avec le ciné-club, de projeter le film « Le Destin » aux jeunes de l’établissement. Une semaine avant l’évènement, le directeur du lycée a proposé au président de l’association de soumettre le film au visionnage du Conseil pédagogique de l’établissement.
« Cela ne pose aucun problème, puisque l’une des attributions du Conseil consiste à rendre son avis sur les activités organisées au profit des lycéens« , relève Mohamed Youssefi. Ce dernier nous affirme au passage « avoir regardé le film plusieurs fois et n’y avoir rien repéré de problématique ».
Entre-temps, l’association ayant vu dans cette procédure un ralentissement bureaucratique de l’initiative, décide sur aval du directeur de l’établissement de remplacer « Le Destin » par un film marocain, en l’occurrence « Majid » du réalisateur Nassim Abbassi.
« Des scènes indécentes » dans le film ?
Mais pour quelle raison le directeur de l’établissement s’est-il opposé à la projection de ce film, récompensé par le jury du Festival de Cannes, lors de son 50e anniversaire en 1997 ? « J’ai expliqué au président de l’association qu’il était préférable de passer le film marocain plutôt que ‘Le Destin’, car celui-ci comportait des scènes indécentes et hostiles à la pudeur publique« , explique-t-il, ajoutant qu' »il était plus souhaitable de proposer à nos écoliers un produit local joué par des acteurs marocains« .
Jamal Boudouma s’est désolé du comportement de « cet homme qui a pratiqué la censure et la prohibition dans un établissement du ministère de l’Éducation nationale« , affirmant que « son cas n’est pas isolé, les lycées marocains regorgeant de personnes spécialisées dans la prolifération de l’ignorance et l’expiation« . En tout cas, le directeur provincial de l’Éducation nationale nous a promis qu’il « veillerait à ce que ‘Le Destin’ soit bientôt visionné au lycée« .
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