Le séisme lié au fiasco des projets Al Hoceïma Manarat Al Moutawassit n’a pas uniquement été ressenti du côté des ministres limogés : le 13 novembre, la secousse a également affecté les secrétaires généraux de plusieurs ministères. C’est dire le poids de cette catégorie de serviteurs de l’Etat. Quelles sont leurs prérogatives, quels sont leurs profils et comment sont-ils recrutés ?
Des cracks et des anonymes
En proposant et en obtenant la nomination, le 2 novembre, de Zouhaïr Chorfi (alors directeur général des douanes) au poste de secrétaire général du ministère de l’Economie et des Finances, Mohamed Boussaïd a trouvé la perle rare. Mais dénicher ce genre de profils n’est pas chose aisée.
Il faut dire que la procédure suivie ne facilite pas les choses non plus : pour devenir SG, il faut avoir servi pendant au moins dix ans dans la fonction publique ou dans le secteur privé avec, au moins aussi, quatre ans à un poste de directeur central.
La maîtrise du secteur où l’on aspire à devenir SG est aussi requise. Pour répondre à l’appel à candidatures lancé par le ministre concerné, après consultation avec le Chef de gouvernement, il faut bétonner son dossier, et surtout présenter une vision que le candidat devra défendre devant une commission spéciale. Cette commission arrête son choix et transmet sa décision au ministre, qui doit en référer encore une fois au chef de l’Exécutif.
Les nominations à cette catégorie de postes sont validées en Conseil de gouvernement, excepté pour le poste de secrétaire général du ministère de l’Intérieur, qui est nommé en Conseil des ministres car il fait partie des cadres de l’Administration territoriale ayant le grade de wali.
Mais ce n’est pas toujours acquis d’avance. « Avant de telles nominations, un rapport, sous forme de fiche de renseignements, est élaboré par les services du ministère de l’Intérieur et transmis aux autorités, qui peuvent opposer leur véto« , explique un ancien secrétaire général.
Un SG, pourquoi faire ?
Dans chaque département, le SG est le numéro deux après le ministre ou le secrétaire d’Etat. Selon un décret de 1993 qui fixe leurs attributions, les SG ont pour responsabilité le contrôle, la coordination et l’animation des activités des directions, divisions et services du ministère. Autrement dit, ils sont responsables de toute l’administration, aux niveaux central et local.
Plus que cela, il revient aux secrétaires généraux d’assurer la gestion du personnel, la préparation et l’exécution du budget du ministère, l’élaboration des projets de textes ayant trait aux domaines d’activité du département, en plus de l’instruction des questions juridiques et contentieuses.
« C’est ce qui fait toujours de lui l’homme le plus craint, voire le plus haï au sein d’un ministère« , commente un ancien secrétaire général. Mais pour la bonne marche du département, il faut un minimum d’entente entre le ministre et son SG, ce qui n’est pas toujours le cas.
« Des ministres du gouvernement Youssoufi ont eu la vie dure avec des secrétaires généraux hérités de leurs prédécesseurs. Ils ont dû batailler pour les remettre à leur place« , se souvient une source qui a vécu de près l’expérience de l’Alternance, époque où les SG étaient encore nommés par dahir. Actuellement, dans l’écrasante majorité des départements, les ministres s’entourent de secrétaires généraux qui leur sont proches ou qui sont proches de leur famille politique.
Et quand le courant ne passe plus entre le ministre et son SG, le premier est en droit de remplacer le second après en avoir référé au chef de gouvernement. Rappelons aussi que le mandat d’un SG n’est limité dans le temps par aucun texte de loi, même si, en général, les nominations aux postes de responsabilité se font pour des mandats de quatre ans.
SG et « ministres stagiaires »
Certains secrétaires généraux ont mené leur barque sans empiéter sur le pouvoir des ministres. D’autres, en revanche, ont fait la pluie et le beau temps dans les départements qu’ils cogéraient. L’un des cas les plus emblématiques reste Mohamed Hajjaj, ex-SG du ministère de l’Intérieur sous Driss Basri, remercié début 2000.
« Basri était au summum de sa puissance, mais rien ne se faisait sans Hajjaj, qui avait la maîtrise de l’Administration centrale« , témoigne un agent d’autorité casablancais à la retraite. Contrairement à cet ancien SG, d’autres ont fait de leur poste un véritable tremplin.
Nasser Bourita, l’actuel chef de la diplomatie, Omar Hilale, le représentant permanent du Maroc à l’ONU, et Youssef Amrani, chargé de mission au cabinet royal, sont tous passés par le poste de SG du ministère des Affaires étrangères et de la coopération. Noureddine Boutayeb, actuel numéro deux de l’Intérieur, a été SG du même département, tout comme l’a été Chakib Benmoussa, l’actuel ambassadeur du Maroc à Paris.
Chez les femmes, Latifa El Abida a exercé les mêmes fonctions au sein du ministère de l’Education nationale avant de devenir secrétaire d’Etat en 2007. Dans le gouvernement actuel également, on a parfois tendance à oublier que Abdellatif Loudiyi, titulaire du portefeuille de l’Administration de la Défense nationale, a été SG du ministère de l’Economie et des Finances.
Mais que devient-on lorsqu’on n’est plus secrétaire général d’un ministère (avec les avantages qui vont avec, dont, entre autres, des indemnités de plus de 60 000 DH) ? « Si on vient du secteur public, on regagne son poste avec le grade hors échelle », explique un ancien secrétaire général. Mais quand on a été débauché dans le privé, on doit se débrouiller pour rebondir.
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