Marouan Benabdellah, jeune pianiste marocain, s’est donné comme ambition de remettre au goût du jour, la musique classique du monde arabe (et d’ailleurs) à travers son projet » Arabesques« . Une série de concerts menée en collaboration avec l’Académie du Royaume du Maroc mettant en lumière une sélection d’importants compositeurs de musique classique (très souvent méconnus) du Maroc jusqu’à la Syrie en passant par le Liban ou l’Egypte.
Le 8 décembre, juste avant son concert décrit comme un » avant-goût » de ce projet novateur, nous nous entretenons avec le pianiste dans ses loges. Sur sa chemise officielle à col long, Marouan Benabdellah porte une veste à carreaux plutôt excentrique pour un pianiste. Il est décontracté, assez cash et lâche souvent des rires nerveux.
A peine les salamalecs expédiés, il nous confie, en faisant la moue : « il n’y a pas de bons pianos au Maroc, j’ai d’ailleurs fait appel à un professionnel qu’on a dû ramener de Budapest pour le régler « . Sur Arabesque, il nous explique : » Sa majesté veut que cette institution ait un rayonnement culturel et artistique et ce projet qui met en valeur les compositeurs arabes, rentre parfaitement dans cette logique « . Pour ce premier concert introductif, Marouan Benabdellah jouera, devant un public plutôt vieux, les compositions de sept artistes du monde arabe. Zoom sur quatre profils différents racontés par le pianiste marocain.
La légende : Dia Succari – Syrie
» J’ai une drôle d’histoire avec Dia Succari. C’était le professeur de solfège de mon frère dans la région parisienne. A l’époque, je n’avais aucune idée de la stature de ce grand compositeur syrien. Et en entamant mes recherches sur ce projet, je tombe sur ses compositions et je me dis comment j’ai pu passer à côté ? Depuis, j’ai acheté toutes ses partitions trouvables sur le marché, j’ai aussi rencontré sa veuve qui m’a donné des partitions non publiées. C’est excitant et j’ai hâte de faire découvrir son travail. Les motifs rythmiques de sa musique sont assez impressionnants car ils sont typiquement moyen orientaux. En même temps, il y a un côté impressionniste imprégné des harmonies de compositeurs français. En somme c’est une musique sincère qui me touche. »
Le virtuose contemporain : Zad Moultaka – Liban
» C’est un artiste aux talents multiples. Il a commencé par jouer au piano avant d’arrêter pour se consacrer à la composition puis à l’art plastique. Il est aussi curateur (Pavillon du Liban à la biennale de Venise et d’autres expositions). Sa musique est fantastique car ses compositions transcendent les limites du piano du fait de son passif de pianiste. Sa connaissance millimétrée du piano fait qu’il a réussi à utiliser des pièces du piano qu’on n’utilise rarement comme la troisième pédale. Il a introduit le Tak’ssim (cadence en musique occidentale) et ce n’est pas très courant. Ce compositeur a, à mon sens, créé une langue et un pont entre la culture occidentale et orientale. Je l’ai découvert grâce à Rachid Benabdeslam qui écrivait une thèse sur Zad Moultaka. Une fois à Marseille, j’ai couru chez son éditeur pour me procurer ses partitions et depuis je joue souvent ses pièces. »
Le master : Boghos Gélalian – Arménie/ Liban
« Bien qu’il soit arménien, il a grandi et évolué au Liban. Boghos a écrit de belles pièces pour piano et violon et c’était le premier à avoir créer une musique pianistique de haut niveau. Là aussi, je n’ai découvert son travail que tardivement, en effectuant des recherches sur internet. Les compositions de ce master sont inspirées du folklore arménien avec des nuances moyen-orientales, c’est assez spécial. Pour me procurer ses partitions, c’était un véritable casse-tête, car elles sont rares sur le marché. J’ai du prendre contact avec son fils, un homme généreux qui n’a pas hésité à m’aider dès que je lui ai parlé du projet. »
Le scientifique : Salim Dada – Algérie
« C’est l’un des compositeurs les plus méticuleux du monde arabe et d’Afrique du nord. On sent la rigueur dans ses partitions, chaque note a son instruction, rien n’est fait au hasard. C’est quelqu’un qui a voulu être médecin, il a d’ailleurs terminé ses études mais il s’est découvert une passion pour la composition pour piano. Il n’hésite pas à introduire le folklore algérien de manière assez subtile dans ses créations. »
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