Lors du 2e China-Africa Investment Forum, 150 investisseurs chinois étaient invités à Marrakech. L’occasion idéale de les convaincre de s’installer en Afrique, mais surtout au Maroc.
Au Four Seasons de Marrakech, on entend principalement parler anglais, chinois et français. Mais la langue qui relie tout ce beau monde en costume-cravate et tailleur cintré, c’est celle du business.
Une délégation de 150 investisseurs chinois a été invitée le 27 et 28 novembre à la deuxième édition du China-Africa Investment Forum, notamment organisé par le ministère marocain de l’Industrie et de l’investissement.
« L’Afrique a besoin de la Chine qui lui apporterait des avantages tangibles pour son besoin d’emplois et de développement, et la Chine a besoin de l’Afrique pour améliorer sa compétitivité et accéder à un marché de plus d’un milliard d’habitants« , a résumé le ministre Moulay Hafid Elalamy lors de son discours inaugural, où il a expliqué vouloir s’appuyer sur l’initiative de la « Nouvelle Route de la soie » (en anglais « One Belt One Road », ou OBOR) que vient d’intégrer le Maroc.
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« Les infrastructures financées par la Chine dans le cadre de cette initiative devraient permettre de mieux connecter les pays africains, surtout ceux dépourvus de littoral, et ouvrir de nouvelles opportunités commerciales sino-africaines et intra-africaines. À condition que les fonds alloués à cette initiative soient investis dans les chantiers industrialisants« , a averti le ministre devant 400 décideurs chinois et africains réunis dans une salle plénière pleine à craquer.
Selon Moulay Hafid Elalamy, le Maroc est l’un des catalyseurs de cette relation. « La Chine promeut l’exportation de ses entreprises et l’alliance avec des entreprises et banques marocaines parce que nous sommes dans un processus de mondialisation et le Maroc est l’un des maillons de cette chaîne« , a ensuite confirmé Xie Hong, président et fondateur de l’Alliance de financement et de la chaîne d’approvisionnement de l’initiative OBOR.
Le Maroc, 2e investisseur en Afrique, est une tête de pont entre l’Afrique et l’Europe pour la Chine. L’argumentaire du Maroc durant le Forum de Marrakech a particulièrement mis en avant le système politique et juridique stable.
Les zones franches industrielles, Tanger Med et les compétences locales sont aussi brandis comme des atouts non négligeables par les différents acteurs marocains qui se sont exprimés. Parmi eux, Othman Benjelloun, président de BMCE Bank of Africa, Mustapha Bakkoury, wali de Casablanca, Hakim Abdelmoumen, président de l’AMICA, Rakiya Eddarhem, secrétaire d’État au ministère de l’Industrie et de l’investissement ou encore Saïd Ibrahim, PDG de Casablanca Finance City.
Par ailleurs l’urbanisation galopante et la transition démographique sont présentées comme les principales raisons de l’attractivité du continent africain en général pour les investisseurs chinois.
Les opportunités
« La première opportunité à développer, c’est le secteur financier, les banques et l’assurance. C’est le moteur pour ensuite développer l’industrie« , a estimé Othman Benjelloun. Un avis que partage Liu Yumeng, le représentant en Afrique du Nord, du Centre et de l’Ouest de Sinosure, société chinoise d’assurance-export et de crédit. « Nous allons dans ce sens signer un mémorandum d’entente avec Attijariwafa bank. Il est nécessaire de renforcer le partenariat entre les banques marocaines et chinoises pour soutenir les investissements sur le continent africain. Elles connaissent le marché et peuvent assurer que le crédit soit remboursé à temps« , nous a-t-il expliqué.
Selon Liu Yumeng, l’intégration du Maroc à l’initiative OBOR permet de mettre la lumière sur les différents acteurs marocains que les entreprises chinoises ne connaissent pas, comme la BMCE Bank of Africa. « L’Afrique est un grand marché, c’est compliqué de s’adresser à 54 pays. Il vaut mieux avoir une empreinte sous-régionale, grâce à un point d’entrée comme le Maroc« , a ajouté Saïd Ibrahimi, de Casablanca Finance City (CFC).
Les autres atouts mis en avant par le Maroc sont principalement industriels et logistiques. « Les 90% du management des grandes multinationales implantées dans le Royaume sont marocains », s’est félicité Hakim Abdelmoumen, président de l’Association marocaine pour l’industrie et le commerce automobile (AMICA).
Il explique que le Maroc propose toute une filière et une zone franche aux investisseurs chinois, dont il a besoin dans la chaîne de valeur. Hakim Abdelmoumen est aussi le patron d’Induver, société marocaine spécialiste du vitrage automobile, qui a récemment signé une joint-venture avec Asahi, le leader mondial japonais du secteur. « Nous allons accompagner six investissements majeurs chinois dans l’automobile dans des métiers à haute valeur ajoutée, comme les boîtes de suspension« , a-t-il annoncé.
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Le discours est sensiblement le même chez les représentants du secteur du textile. Karim Tazi, président de l’Association marocaine de l’industrie du textile et de l’habillement (AMITH), propose une synergie entre les compétences techniques et technologiques chinoises en amont de la production de collections « fast fashion » et les compétences marocaines dans la transformation et l’habillement en aval, ajoutées à leur connaissance des marchés occidentaux.
« Il faut surtout renforcer les investissements chinois dans la chaine de valeur et aller au-delà des investissements dans les infrastructures. Nous avons besoin de partenariats avec des joint-ventures dans les processus industriels, qui se fassent avec des compétences locales, grâce à des étudiants qui vont en Chine », a revendiqué Jean-Claude Brou, ministre ivoirien de l’Industrie et des Mines. Ce responsable a aussi exprimé sa volonté de voir des pays de l’Afrique de l’Ouest intégrer l’initiative OBOR.
Et qu’en pensent les Chinois ?
Les investisseurs chinois ne sont pas venus pour papoter. À chaque question adressée aux intervenants, ils vont droit au but : ils veulent savoir où sont les opportunités de développement et d’investissement selon le secteur de leur entreprise.
À la fin de la journée, une représentante d’une compagnie d’assurance, une entreprise chinoise de big data, un industriel automobile en énergie renouvelable, et une société d’électricité se sont succédé pour demander comment investir au Maroc, avec comme perspectives d’aller ensuite vers le reste de l’Afrique ou l’Europe.
De ce qu’on constate, les investisseurs chinois sont encore réticents à l’idée de s’installer en Afrique et ont des exigences précises. « Selon plusieurs CEO chinois, il faut des gouvernements stables avec des économies stables pour gagner en crédibilité pour établir une collaboration gagnant-gagnant« , témoigne Tony Dong, président exécutif de la fédération des entrepreneurs sino-européens. Autant de défis à relever pour le Maroc et les autres pays du continent.
« L’Afrique a des richesses uniques et un potentiel de source de fruits pour la Chine, mais elle reste un marché vierge pour nous, car la logistique et le transport sont encore un défi« , explique Chen Jianhua, directeur exécutif des investissements à l’étranger de Joyvio, groupe agroalimentaire dont la seule succursale sur le continent se trouve en Afrique du Sud.
« Si je veux développer notre business en Afrique, mon conseil d’administration va se préoccuper de deux choses: d’abord le retour sur investissement, et ensuite la sécurité, c’est à dire comment est-ce qu’on récupère notre argent« , résume-t-il. La solution évoquée durant le forum est l’harmonisation de la stratégie au niveau continental et régional, afin qu’un investissement bénéficie à plusieurs pays.
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