Comment investir en Afrique? Terrab, Bensaleh et d'autres personnalités répondent

Lors des travaux de la World Policy Conference, trois responsables d'agences de développement et deux patrons marocains ont livré leur vision du potentiel et des défis de l'investissement en Afrique.

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Crédit: World Policy Conference

En 2050, le PIB de l’ensemble des pays africains sera équivalent à celui de l’Union européenne et ce malgré le ralentissement de la croissance dans les pays pétroliers affirment les experts. Dans le même temps,  la population du continent aura doublé puisqu’elle devrait atteindre 2,6 milliards d’habitants. Des données qui suscitent des interrogations quant à l’investissement dans un continent  miné par les crises et l’instabilité dans certaines régions. A l’occasion de la World Policy Conference, qui se tient jusqu’au 5 novembre à Marrakech, cinq experts ont répondu à la question « Comment investir en Afrique ? »

Meriem Bensalah, présidente de la CGEM

Le Rwanda, un paradis pour investisseurs

Meriem Bensalah, présidente de la CGEM. Crédit : Yassine Toumi.
Meriem Bensalah, présidente de la CGEM. Crédit : Yassine Toumi.

Le premier défi pour investir en Afrique, c’est celui de la régulation. A titre d’exemple, le Rwanda est un paradis pour les investisseurs ( le pays a intégré le top 50 du classement Doing Business, ndlr) car il y’a un faible taux de corruption. L’absence de régulation ou une mauvaise régulation compromettent  la viabilité des investissements. Une bureaucratie lourde peut freiner les investisseurs même si les opportunités économiques sont intéressantes.

Un autre défi pour investir en Afrique est celui de l’éducation. L’Afrique manque de travailleurs qualifiés . Les investisseurs marocains ont financé la formation et l’éducation car cela permet l’accès à certains canaux d’investissements. Il existe également un travail de prospection et une entraide entre investisseurs marocains. Par exemple, l’OCP est un précurseur dans certains pays et vient en aide aux autres entreprises marocaines.

Malgré ces défis, il existe des opportunités.  De nouveaux leaders politiques émergent et il existe de plus en plus de visibilités en terme d’investissement. Qui plus est, les acteurs du secteur privé africain sont de plus en plus impliqués dans les plans stratégiques sectoriels de leurs pays respectifs.

Christoph Beier , Directeur du GIZ ( agence de développement allemande)

Investir dans les petites industries

beier-christophLa question de l’investissement en Afrique est cruciale pour ce continent, l’Europe et le monde entier. Elle est essentielle car il faut revoir  l’investissement sur ce continent.  La création d’emploi, en Afrique subsaharienne en particulier, est faible. Il faut investir afin de permettre de créer des emplois africains.

Par exemple, en Ethiopie, l’Etat a collaboré avec plusieurs agences de développement afin de faire construire 10 universités. En plus de bénéficier à l’éducation, ces investissements ont également contribué au secteur de la construction local.

Il faut investir dans les petites industries afin de tirer la croissance des pays africains. Il faut commencer par les secteurs créateurs d’emploi. Nous devons avoir plus de cohésion dans nos investissements car la création d’emploi est le premier enjeu de stabilité pour l’Afrique et l’Europe.

Mostafa Terrab, PDG de l’OCP

Nous investissons en Afrique car le continent dispose de 60% des terres arables de la planète

Mostafa Terrab. Crédit : Tniouni
Mostafa Terrab. Crédit : Tniouni

On nous pose souvent la question « pourquoi l’Afrique »?  Je pense qu’il y’a un problème de conception vis-à-vis  de notre situation géographique. Le Maroc est un pays africain mais se retrouve étiqueté sous l’ensemble régional MENA. Cette étiquette affecte le développement de certaines relations.

Nous investissons en Afrique car le continent dispose de 60% des terres arables de la planète. Notre action a permis  des « révolutions vertes » en Inde et au Brésil. Dans le cas de l’Inde il s’agissait d’auto-suffisance tandis que le Brésil avait pour objectif de nourrir le monde avec une agriculture destinée à l’exportation. Nous sommes convaincus que l’Afrique nourrira le monde elle aussi.

Les pays africains consomment de plus en plus de fertilisants. En Guinée, la consommation a été multipliée par 5,8 tandis qu’au Nigéria elle a été multipliée par 2,5. Dans ce pays,  une voie ferrée, qui n’a pas été opérée depuis 25 ans, est réutilisée depuis que l’OCP exporte ses fertilisants.

Rémi Rioux, Directeur de l’Agence française de développement (AFD)

L’Afrique dans son entièreté représente 2 500 milliards de dollars de PIB

Remy-Rioux-nouveau-president-lInternational-development-finance-Ici-Musee-Quai-Branly-Parisles-75-lAgence-francaise-developpement-directeur-general_0_1399_933Notre stratégie d’investissement se résume en deux mots: Tout Afrique. L’Afrique représente la moitié des investissements de l’agence. Elle est cruciale pour nous. Malheureusement, certaines institutions internationales ont encore cette vision dépassée en divisant l’Afrique en deux (Afrique du nord et Afrique subsaharienne, ndlr). L’Afrique dans son entièreté représente 2 500 milliards de dollars de PIB. C’est équivalent à un pays comme l’Inde alors qu’avant on comparait l’Afrique à la Belgique. L’Afrique est un continent innovant où l’on découvre une nouveauté dans chaque pays visité.

Toutefois la crise du Sahel est un élément inquiétant. Nous avons sous-investi dans cette région et on en voit la conséquence. La France compte porter son aide publique au développement à 0,5% de son PIB d’ici 2022.

Shinichi Kitaoka, Directeur de la JICA (Agence de dévelopement japonaise)

Nous nous concentrons sur la santé, l’agriculture et l’éducation

20151001_01Au Japon, nous avons une méconaissance de l’Afrique. Même si le sommet Japon-Afrique est une preuve de notre engagement, il n’atteint pas le niveau de pays comme la France, l’Allemagne ou la Chine.  Le premier sommet a fait office de « semaine de l’Afrique » pour nous. Depuis il y’a eu deux changements positifs. Le premier est l’arrivée au pouvoir de bons leaders qui ont su faire le point sur les qualités et défauts de leurs pays. Autre élément, de nombreux pays comptent de moins en moins sur leurs ressources naturelles. Les pays sans ressources connaissent un développement plus important que les pays qui en disposent d’ailleurs.

Dans le cas de la JICA nous nous concentrons sur la santé, l’agriculture et l’éducation. En, Ouganda, par exemple nous avons financé des réfugiés sud-soudanais afin de leur permettre de faire du riz. Nous voulons également  encourager la création de PME afin de permettre aux Africains de générer des revenus. L’Abe Initiative est un autre exemple et a pour but d’encourager l’éducation. Nous souhaitons également introduire une dimension relationnelle et faciliter les échanges entre entreprises japonaises et africaines.

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