Déployé sur 15 hectares, le business social de Moulat L’Kheir, inauguré le 1er novembre, vise un objectif de production de 900 tonnes de pommes de terre par an.
L’économiste Bangladais Muhammad Yunus, prix Nobel de la paix en 2006 et pionnier du microcrédit, a pris la pelle à deux mains avant de fouler la terre d’un champ à 8 kilomètres de Berrechid. Le 1er novembre, il y a planté la première pomme de terre du nouveau business social de Moulat L’Kheir, créé en partenariat avec McCain, Label’Vie, Agropros et Yozifood.
À côté, Mohamed, 34 ans, le regarde avec un grand sourire. Cet ouvrier agricole travaille quelques mois par an pour un propriétaire terrien et gagne entre 100 et 150 dirhams par jour. Grâce à ce projet, il va être salarié de l’entreprise sociale, avoir un revenu régulier autour de 1.600 dirhams et une couverture sociale. « C’est une première étape« , explique Muhammad Yunus, qui estime que la solution à l’exclusion sociale et à la mauvaise répartition des richesses se trouve du côté de l’entrepreneuriat social, vers lequel les villageois pourront se tourner une fois leur situation stabilisée.
À partir de février, ils seront six ouvriers agricoles de la région à planter sur 15 hectares des pommes de terre, dont les semences sont fournies par Agropros. Après la récolte du printemps viendra le temps du traitement des pommes de terre. Celles qui seront triées et lavées, puis mises sous filet et étiquetées pour être vendues dans les rayons de 10 magasins Label’Vie Premium. Un autre atelier de transformation tenu par 10 femmes du même village sera chargé de découper les patates en frites, qui seront distribuées dans les restaurants de Casablanca par Yozifood.
« Muhammad Yunus nous a conseillé de commencer petit pour tester le produit et rôder la formation. Il faut consolider l’entreprise« , explique Jean Bernou, CEO de McCain en Europe continentale, Russie, Moyen-Orient et Afrique.
Il faut dire que la société canadienne a l’habitude de travailler sur les entreprises sociales avec la fondation de Muhammad Yunus. Avant de créer des business sociaux en Belgique, en France et en Grèce, les deux partenaires ont lancé leur premier programme en Colombie, qui a d’abord bénéficié à 25 familles avant de s’étendre à 550 en moins de cinq ans.
Au total, ils espèrent produire 900 à 1.000 tonnes de pommes de terre par an. Cette pomme de terre sera d’ailleurs une grande innovation, car elle sera entre la patate rouge destinée aux frites et la blanche des tajines. « Cette nouvelle variété pourra être utilisée pour les deux plats à la fois« , explique Hanane Amraoui, de Label’Vie. « Le coût de revient sera plus élevé de 4% par rapport aux pommes de terre en vrac dans les rayons de Label’Vie« , explique-t-elle.
Les frites fraîches resteront sur les mêmes prix de vente qui sont actuellement pratiqués sur le marché marocain, précise Faouzi Lyami, deYozifood.
Chacun des cinq partenaires de ce « social business » a engagé 600.000 dirhams. Soit 3 millions de dirhams qui sont destinés à louer les terres, payer les salariés, acheter les semences, le matériel, former et assurer le transport du personnel.
Dans la charte, les actionnaires se sont engagés d’une part « à ne recevoir aucun dividende ni bénéfice » et à « redistribuer 100% des profits à l’entreprise pour des projets sociaux« .
D’autre part, ils promettent de respecter le social et les sept piliers du business social défini par le professeur Yunus. Tous les profits seront donc réinvestis pour participer au financement de l’éducation des 75 enfants des 15 familles visées, et de 300 autres enfants scolarisés dans le même établissement.
La première étape sera d’améliorer la structure de l’école publique la plus proche, avant de s’attaquer au transport des enfants ou au développement de nouveaux outils pédagogiques.
Karima Essabbak, cheffe de projet innovation sociale McCain, espère recruter très prochainement un directeur manager qui sera autonome pour faire fonctionner le business, tout en s’appuyant sur les compétences marketing, juridiques ou commerciales des cinq partenaires en fonction de ses besoins.
Elle explique que sur cinq ans, l’objectif est d’opérer un changement d’échelle, à la fois sur le tonnage et sur les régions touchées, mais aussi sur le type de légumes produits. « Il est nécessaire de faire de la rotation sur les terres pour qu’elles ne s’appauvrissent pas« , explique Jean Bernou de McCain, qui prend l’exemple de la France qui alterne entre des betteraves et des céréales. « Sur le long terme, nous espérons exporter le produit en nous appuyant sur le réseau Carrefour à l’international« , ajoute Hanane Amraoui de Label’Vie.
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