La boxeuse a la peau ébène, est assise sur un tabouret, une paire de gants autour du cou couvrant à peine ses seins nus. Elle retire les bandages qui serrent ses mains, laissant apparaître des ongles soignés et vernis. Ce tableau est l’un de ceux de la série « Ring my belle » du graffeur français Fenx, exposée dans la résidence artistique Jardin rouge de la fondation Montresso, à Marrakech. L’artiste utilise l’imagerie et le rituel du ring pour remettre en question la domination. Son personnage de boxeuse est imaginaire. Mais il a été pensé après un travail photographique réalisé avec une mannequin malienne répondant au nom de Soukaina.
Telquel.ma: Cette femme boxeuse peinte sous toutes les coutures est imposante. Comment avez-vous travaillé pour arriver à ce résultat ?
Fenx: J’avais des idées de poses que j’ai photographiées lors d’un shooting avec une mannequin. Ces photos ont été ma base de travail. J’ai dessiné le contour de ses formes avant d’incorporer les couleurs et la calligraphie de mon nom de tag « Fenx » que j’avais quand je faisais du graffiti. J’ai décidé de faire de grands formats car j’ai toujours aimé peindre en grand mais ici, la femme prend particulièrement le pas sur le spectateur masculin et s’impose. Ensuite, chaque titre des tableaux sont empruntés à des boxeurs masculins. J’ai pris les citations qui correspondaient à une vie de femme pour que cela devienne une devise.
Pourquoi avez-vous choisi cette mannequin malienne comme modèle de féminité africaine ?
Soukaina a ce côté féline, même lionne, qui représente la femme africaine et guerrière. Quelque soient les communautés en Afrique, les femmes ont à la fois la vie dure et mènent la société africaine. Soukaina a ce côté dur. De l’autre côté elle est très féminine. Elle a toujours ses longs ongles, peins de rose ou de jaunes. Même si elle est déjà grande, elle porte souvent des talons.
Si elle a cette dualité, pourquoi la transformer en boxeuse ?
La boxe c’est quelque chose de fort. Et je trouvais qu’elle avait une tête et une attitude à représenter la boxe et la dureté de la vie de tous les jours des femmes.
Pourquoi la peindre torse nu ?
C’est pour représenter la féminité. Nous, les hommes, avons des pectoraux, alors que les femmes ont des seins. Ce n’est pas parce que tu es guerrière que tu enlèves ta féminité. Pourquoi être choqué quand une femme est torse nu alors que les hommes sont tout le temps torse nu ?
D’où vient cet engagement pour la cause des femmes ?
Les trois et quatre dernières années, j’ai parlé avec mes compagnes successives ainsi qu’à mes amies qui me racontent ce qu’elles vivent tous les jours. J’étais ébahi de me dire que je ne vis pas cela, surtout quand j’ai pris conscience que c’était régulier et quotidien. Et puis j’ai une fille pour qui je ne veux pas d’une vie comme cela.
En quoi ce travail est différent des graffiti que vous faisiez dans la rue ?
En arrivant sur la toile, je voulais faire quelque chose de nouveau. Dans la rue j’allais vite et c’était sale, je peignais beaucoup en noir et gris. Sur la toile il fallait que ce soit propre. Dans la ville, je faisais une ou deux couleurs ou pas de couleur. Maintenant j’ai du temps, il fallait que ça pète ! Je m’inspire aussi du pop art qui me touche beaucoup.
« Ring my belle »
Exposée jusqu’au 15 novembre dans la résidence artistique Jardin rouge – Fondation Montresso,
Par Théa Ollivier
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