« Sans surprise… le poulet refusé par l’UE!« , titre l’Économiste dans son édition du lundi 9 octobre. L’auteur de l’article rapporte que la commission d’inspection de l’Union européenne, dépêchée suite à la demande formulée par le Maroc en 2014 pour exporter ses produits à base de viande de volaille traitée thermiquement vers l’Europe, dénonce « des conditions d’hygiène déplorables et peu de traçabilité » et relève « la faiblesse » de l’Office national de sécurité sanitaire et des produits alimentaires (ONSSA).
Toujours selon L’Économiste, les experts européens auraient pointé du doigt « des trous dans la surveillance de la grippe aviaire et de la maladie de Newcastle« . D’autre part, la délégation aurait relevé « des lacunes dans la traçabilité et les conditions sanitaires » du transport des volailles ainsi que l’absence de bases de données nationales qui pourraient faciliter ces contrôles.
Enfin, les experts dénonceraient le fait que « les volailles de basse-cour et les tueries traditionnelles ne soient pas du tout sous le contrôle de l’ONSSA » et que cet organisme ne dispose que d’un seul laboratoire à Casablanca capable de déceler les maladies avicoles.
Pas un refus, mais des recommandations
Ces manquements ont été consignés dans le rapport de la commission d’inspection de l’UE qui conclut que « les conditions ne sont donc pas pleinement réunies pour une certification sanitaire des élevages produisant de la viande de volaille pour l’exportation de produits carnés vers l’UE« .
De leur côté, l’ONSSA et la Fédération intersectorielle du secteur agricole (FISA) rappellent dans un premier temps qu’il ne s’agit pas de poulet frais, mais de « viande de volaille transformée et traitée thermiquement« . Les deux organismes précisent que le poulet marocain n’a pas été « refusé par l’Union européenne« .
Selon Choukri El Jirari, secrétaire général de la fédération, « les conclusions du rapport de l’audit qui s’est tenu en mars dernier ne font absolument pas office de décision finale et sont de simples recommandations d’amélioration qui s’inscrivent dans le cadre d’une procédure sur le long terme« .
En effet, suite à l’audit du mois de mars qui portait sur l’amont de la filière avicole, la commission d’inspection avait émis plusieurs recommandations auxquelles l’ONSSA devait répondre dans un délai de vingt-cinq jours, avec un plan d’action en vue du second audit qui s’est tenu du 11 au 27 septembre dernier.
Lors de ce second audit, les experts européens ont procédé à la vérification des mesures prises par l’ONSSA en matière de sécurité sanitaire des viandes et produits à base de viande de volaille , ainsi que des produits de l’aquaculture. À ce sujet, l’ONSSA affirme, dans son communiqué publié le 30 septembre dernier, que cette deuxième partie de l’enquête s’est déroulée dans de « bonnes conditions« .
L’ONSSA explique que la deuxième visite avait pour objectif de « vérifier que les circuits de commercialisation et d’utilisation des médicaments vétérinaires sont bien maîtrisés par les services vétérinaires de l’ONSSA« . La commission d’inspection ne divulguera les résultats de son enquête qu’à la fin du mois d’octobre.
Le communiqué de l’Office annonce également un prochain audit, qui fera le point sur l’aval de la filière (établissements d’abattage, de préparation et de transformation des viandes de volaille), pour le mois de décembre prochain. Un dernier audit qui pourrait, selon l’ONSSA, « permettre éventuellement l’exportation des produits avicoles marocains« .
Du chemin à parcourir
L’ONSSA est-elle désormais au niveau? L’organisme, dont la communication des résultats effectifs est floue, affirme que lors du second audit, « le comité a exprimé sa satisfaction de façon informelle et a décidé de rendre visite en fin d’année aux entreprises souhaitant exporter« , affirme Abderrahmane Abrak, directeur de la protection de l’équilibre animal et végétal à l’ONSSA.
La viande que le Maroc veut exporter par l’intermédiaire de l’ONSSA « fait partie intégrante de la production nationale et tiendra compte des recommandations européennes« , précise le responsable. Difficile d’en savoir plus pour l’instant.
Même constat du côté des experts européens, qui nous demandent d’attendre la publication du rapport d’audit d’ici la fin du mois. Selon les acteurs du secteur, certains problèmes prendront plus de temps à régler. « Le comité pointe surtout l’informel. L’abattage de proximité ou encore le transport des volailles dans des conditions peu hygiéniques posent en effet problème« , nous confie-t-on.
Un travail de longue haleine, qui devra être mené selon lui par « les gens responsables de la commercialisation et du transport donc le ministère de l’Intérieur et les communes« . En effet, les chiffres montrent que 14.000 à 15.000 unités et lieux dédiés à l’abattage des poulets opèrent sans permis.
Selon le directeur de la FISA, seules quelques unités de production sont visées pour l’export de la viande de volaille : « notre démarche n’est pas d’exporter à partir de toutes les unités existant au Maroc, seulement les plus grands producteurs de charcuterie du marché qui eux respectent les normes de qualité par rapport à la loi 49-99 qui régit depuis 2007 le secteur avicole« .
Une loi dont l’application serait bloquée par les lobbies selon Bouazza Kherati, président de l’Association marocaine des droits du consommateur. « Ce sont les juges qui déterminent les lignes directrices et les conditions d’abattage de volaille avant la consommation. Ces conditions ne peuvent donc répondre aux normes européennes« .
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