A seulement 24 ans, Arielle Ahouansou fait preuve d’une détermination et d’une sagesse impressionnantes. Celle qui a créé la « carte d’identité médicale universelle », une plateforme qui retrace tout le circuit sanitaire du patient pour assurer sa prise en charge en toute sécurité, sait parfaitement ce qu’elle veut : » je suis convaincue qu’en tant qu’entrepreneure, je serai plus utile que dans une clinique. Au lieu de soigner 100 patients par jours, c’est des millions d’africains que je pourrai toucher« .
Lancée il y a 7 mois, son entreprise « KEA Medicals Pharmaceutics & Technologies » a déjà permis d’équiper 43 000 patients de la carte d’identité médicale, matérialisée par un QR code, qu’ils portent généralement sur un bracelet, mais qui peut être imprimée et collée sur tout support. Ainsi , quel que soit l’origine du patient et le lieu où il se trouve, toutes les informations concernant sa santé sont accessibles en scannant le QR code.
Il est possible de s’inscrire via un compte Facebook ou en ligne, en fournissant simplement des informations sur son identité, sa santé, et le numéro de téléphone d’un proche, à prévenir en cas d’urgence.
Le QR code est relié à une plateforme en ligne, qui contient tout le dossier médical des personnes inscrites. Les médecins et les hôpitaux doivent également s’équiper du logiciel pour accéder à cette technologie. « A l’heure actuelle, une cinquantaine de médecins interagissent sur la plateforme. Pour assurer la sécurité du patient, nous vérifions en amont que les médecins qui s’inscrivent soient certifiés« , précise Arielle Ahouansou.
Si l’adhésion est évidemment gratuite pour les patients, les structures hospitalières devront payer pour disposer du logiciel, après la phase test d’un an qui est gratuite. Ainsi, le business-model est rentable et s’appuie, en plus des logiciels, sur les ventes de bracelets et des commissions pratiquées sur les différents actes médicaux. « Pour un investisseur, c’est safe », assure la jeune médecin-businesswoman.
« Elle est décédée à cause de 4 dollars »
Cette brillante idée lui est venue d’une triste histoire : « Un jour, j’étais de garde quand j’ai reçu une jeune dame, Charlotte, qui venait d’accoucher de jumeaux et qui avait beaucoup saigné. Elle était entre la vie et la mort. Charlotte avait juste besoin d’une transfusion sanguine pour avoir la vie sauve, qui ne coûtait presque rien, mais elle n’avait pas les moyens de l’acheter et elle n’avait aucun garant à proximité pour honorer la facture. Elle est décédée à cause de 4 dollars« , se rappelle la médecin béninoise. « Cette situation est le défi quotidien de nombreux patients dans les pays africains. Tant qu’aucun parent n’est garant pour payer, le patient meurt, car il n’y a pas de couverture sanitaire universelle pour garantir les besoins des populations. Au Bénin par exemple, 90%de la population n’a aucune couverture médicale. On comprend donc que la santé est un enjeu au cœur du développement de tout le continent« , poursuit-elle.
C’est pour cela qu’Arielle Ahouansou ambitionne également d’interconnecter le dossier médical à une assurance maladie, et a déjà mis en place un partenariat avec un groupe d’assurance africain NSIA. L’objectif: « doter d’ici janvier 10 000 femmes et enfants dans le besoin d’une couverture universelle, car la femme est le socle de toute la famille« .
Elle travaille également avec le gouvernement béninois pour équiper toutes les structures hospitalières du pays du logiciel. « Nous préfinançons les équipements« , précise-t-elle. Un partenariat de sponsoring est par ailleurs déjà conclu avec le Rottary Club concernant les bracelets, et les ONG ont également vocation à être partenaires.
« Mon espoir : équiper 500 millions d’africains d’ici 5 ans »
Arielle Ahouansou voit déjà loin : « Nous comptons atteindre 100 000 inscrits d’ici janvier 2018, et mon espoir, d’ici 5 ans, est d’équiper 500 millions millions d’africains. En effet, nous voulons étendre la solution aux autres pays d’Afrique. En Côte d’Ivoire, nous sommes en train de sceller un accord avec des cliniques privées. Nous avons besoin de mécènes de compétence qui pourraient nous accompagner pour étendre la solution au-delà des frontières béninoises. Et en améliorant la santé en Afrique, par ricochet, nous aurons un impact positif sur le développement économique du continent ». Avec son équipe de seulement 15 personnes, la jeune femme à l’énergie débordante est en passe de soulever des montagnes et de devenir une actrice majeure de l’accès aux soins pour tous en Afrique.
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