Cinéma: "Suburbicon" de Georges Clooney, polar sombre sur l'Amérique raciste

Le réalisateur américain George Clooney a dévoilé samedi à Venise son très attendu "Suburbicon", polar sombre et rythmé dans la veine des frères Coen, présentant une Amérique raciste des années 50 qui résonne avec les événements de Charlottesville.

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L'acteur et réalisateur George Clooney. (AFP)

L’idée du film a mûri en écoutant les discours de campagne électorale de Donald Trump sur « la construction de murs et les minorités », a révélé samedi George Clooney devant la foule des journalistes venus écouter le chouchou de Venise. C’est dans la Sérénissime qu’il a épousé voici trois ans sa femme Amal, devenue maman de jumeaux en juin dernier.

Le film déroule deux histoires parallèles dans une petite banlieue blanche de la fin des années 50, rêve américain des classes moyennes, abordable et supposé parfaitement sécuritaire.

Une famille blanche de plus en plus monstrueuse (Matt Damon et Julianne Moore) va être engloutie dans un enchaînement tragi-comique de crimes. Une famille noire, la première à venir s’installer dans ce paradis terrestre, va subir immédiatement les harangues inquiétantes d’une population toute prête à les lyncher.

 

Seul souffle d’optimisme: les petits garçons des deux familles qui jouent ensemble au baseball pour faire mentir la noirceur et la duperie du monde.

Le film s’inspire de faits survenus en 1957 à Levittown (Pennsylvanie), où William et Daisy Meyers devinrent les premiers habitants noirs de la commune. Dans les premières scènes de carte postale de « Suburbicon », le facteur est persuadé que la nouvelle venue est la bonne et s’empresse d’aller alerter les voisins, effarés par cette intrusion inquiétante dans leur univers exclusivement blanc.

Clooney a entremêlé cette histoire vraie avec un vieux scénario de polar nettement plus déjanté des frères Coen, qui offre enfin à Matt Damon un complexe personnage de « méchant » sous l’apparence d’un Américain moyen binoclard et bedonnant.

« Quand on entend des discours sur le besoin de «rendre à l’Amérique» sa grandeur+ tout le monde pense à l’ère d’Eisenhower dans les années 50 », explique Clooney, en faisant référence à l’un des slogans de Donald Trump. Mais « c’était formidable à condition d’être blanc, mâle et hétérosexuel ».

Pour autant, « il ne s’agit pas d’un film sur Trump », mais sur une Amérique qui « n’a jamais abordé pleinement ses préjugés racistes » nés de l’esclavage, et où « des Blancs ont encore l’impression de perdre leurs privilèges », explique-t-il.

« Il y a un nuage noir au-dessus de mon pays en ce moment », décrit néanmoins le réalisateur, dont le film sort dans le contexte chargé de la poussée de violence de Charlottesville (où une manifestante s’opposant aux partisans de la suprématie blanche a trouvé la mort en août).

« Nous sommes en colère contre nous-mêmes, contre la direction dans laquelle va le pays et le monde », dit-il. Et s’il voulait faire un film « méchant et drôle », il avoue que son dernier opus est également rempli de « colère ».

Il s’agit de la sixième fiction réalisée par George Clooney, 56 ans, en lice pour recevoir le Lion d’Or de la Mostra au côté de vingt autres réalisateurs.

L’artiste éclectique a déjà reçu de multiples récompenses, dont l’Oscar du meilleur acteur dans un second rôle pour « Syriana » en 2006, et un Oscar du meilleur film comme producteur pour « Argo » en 2013.

(AFP)

 

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