Des villageois saisissent la Cour suprême sénégalaise contre Afri Partners, du groupe Sefrioui

Un collectif de villageois a saisi la Cour suprême au Sénégal pour annuler la concession de terres au groupe Sefrioui. La société dirigée par Anas Sefrioui a le projet d'en faire une riziculture de 10 000 hectares.

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Des cultures de riz dans la vallée de la rivière Sénégal, Podor. Crédit : Africa Rice Center/Wikipedia

Un collectif de villageois résiste face au projet d’Afri Partners, filiale africaine du groupe marocain Sefrioui, de construire une riziculture de 10 000 hectares sur les terres des communes de Dodel et Démette, dans la région de Podor, au nord du Sénégal à la frontière avec la Mauritanie. « Nous avons saisi la Cour suprême sénégalaise le 28 août au matin« , nous assure Assane Diama N’diaye, avocat des villageois et président de la Ligue sénégalaise des droits de l’homme, dont nous avons le document. « Il semble que l’Etat a déclaré le projet d’utilité publique mais cela n’altère rien à notre détermination« , a-t-il affirmé.

cour supreme senegalaiseTout a commencé le 24 mars, quand la commune de Dodel délibère et cède les terres municipales à la filiale du groupe marocain Sefrioui, Afri Partners, alors qu’elles sont exploitées par les paysans locaux. Très rapidement, 2 435 villageois, de 23 villages établis dans les communes de Dodel et Démette, se regroupent pour contester cette décision. « Nous avons commencé la mobilisation il y a cinq mois, au mois de mars, quand nous avons eu connaissance de la délibération de la commune« , se rappelle un des militants, le professeur Aboubacry Lam. « Les travaux n’ont pas encore commencé mais une équipe est venue évaluer la superficie et étudier le terrain en faisant des levées topographiques. Les populations n’ont pas hésité à s’opposer physiquement« , nous raconte Aboubacry Lam, précisant que ces accrochages ont eu lieu vers le début du mois de juillet.

« Ces 10 000 hectares vont engloutir des villages, on ne peut pas admettre leur disparition« , martèle l’avocat N’diaye. Dans la presse locale sénégalaise, des habitants témoignent que ce projet éliminerait une grande partie des terres exploitables et habitables. « Plus de 30.000 paysans de la zone risquent d’en pâtir« , estime leur porte-parole Amadou Sakho dans le journal Dakaractu.

Nous demandons l’annulation de la délibération pour violation de la loi et pour atteinte aux droits fondamentaux des populations. Cette saisie n’est pas suspensive du projet, nous déposons aussi une requête pour qu’aucun travaux ne soient réalisés en attendant que la Cour suprême statue sur ce cas.

 Assane Diama N’diaye

Les accusations

Les villageois se mobilisent car ils critiquent le fait que la commune de Dodel a délibéré sans prendre leur avis. « La procédure aurait voulu qu’une audience publique soit organisée pour savoir si les populations sont d’accord de céder les terres, ce que la municipalité prétend avoir fait contrairement à ce que l’on a remarqué« , déroule l’avocat. « De plus, il n’y a eu aucune étude d’impact environnemental, sur l’élevage ou les pâturages pour le bétail« , ajoute-t-il.

Autre anomalie juridique revendiquée par Assane Diama N’diaye : « Le conseil municipal n’est pas compétent pour décider de l’octroi de terres, surtout à une société étrangère. L’Etat est censé octroyé le bail en fonction de son évaluation de l’intérêt pour la nation« . Enfin, il explique que « la constitution doit normalement protéger le domaine foncier pour les populations, alors que ces terres servent à leurs cultures et élevages« , invoquant la nouvelle constitution sénégalaise.

Contacté par Telquel.ma avant que la saisie ne soit déposée, le groupe Sefrioui nous affirmait ne pas être au courant de ce conflit dans les communes de Dodel et Démette, expliquant que les travaux n’ont pas commencé et sont au stade d’études. Depuis que la saisie a été faite, nous n’avons pas eu de retour du groupe.

Ce qui a été promis par Afri Partners

La municipalité met en avant le développement économique de la région, comme la construction d’écoles et d’hôpitaux, pour convaincre les habitants. « Un accord a été signé entre la commune et Afri Partners qui prévoit des dédommagements financiers et une relocalisation notamment sur la commune voisine de Démette« , détaille Assane Diama N’diaye.

Le projet de riziculture, où le groupe Sefrioui comptait investir 1,2 milliard de dirhams, prévoit de produire 115 000 tonnes de riz par an, soit 12,5% de la production sénégalaise en 2015. Le groupe promet aussi la création de 1 500 emplois pour les habitants. « Nous savons que les paysans sont attachés à leurs terres qu’ils préfèrent garder plutôt que devenir ouvrier agricole pour une société multinationale« , raconte l’avocat.

En 2013, nos confrères du 360 Afrique rappellent qu’un projet similaire de 20 000 hectares porté par des investisseurs italiens avait échoué à cause de la mobilisation des habitants, soutenus par des organisations internationales.

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