Phénomène: les goûts et les couleurs de la Tariqa Karkariya

Depuis quelques jours les djellabas façon Arlequin et Rubik's des membres de la Tariqa Karkariya font buzz sur les réseaux sociaux. Au-delà des apparences, qui sont ces hommes hauts en couleur, qui inquiètent nos voisins algériens?

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Les Fuqara (les pauvres) de la Tariqa Karkariya sont au coeur d’une vive polémique sur le web en Algérie. Des dizaines d’adeptes sillonnent l’Ouest algérien depuis plusieurs jours pour effectuer un pèlerinage entre le mausolée de Sidi Lakhdar Ben Khelouf à Mostaganem et celui de Ahmed al-Alawiy dans la même région.

Sujet à controverse, ce pèlerinage est fortement décrié dans les médias algériens. Pis, l’association des « Oulémas musulmans », une ONG locale algérienne, a lancé un appel au ministère des Affaires religieuses afin de le pousser à prendre des mesures concrètes pour parer à la propagation sur le territoire algérien de ce qu’elle qualifie de « secte« , selon Jeune Afrique. Une levée de boucliers qui étonne les adeptes de cette confrérie soufie.

Je ne comprends pas cet acharnement contre les adeptes de la Tariqa. La Karkariya partage les mêmes pratiques que les autres confréries soufies qui prolifèrent en Algérie depuis de nombreuses années […] On s’étonne que la Karkariya provienne du Maroc, mais la grande majorité des voies soufies algériennes sont originaires de ce pays.

Bourahla al-Hamel, adepte de la confrérie au micro de France 24.

Le journal algérien Echourouk présente la Tariqa comme une « invasion prosélyte« . Ce journal évoque même l’hypothèse d’un « complot marocain » en faisant intervenir Touhami Majouri, responsable de l’association des « Oulémas musulmans » qui déclare que « ce phénomène d’invasion en Algérie devient visible. Chaque fois, on relève des sujets anormaux destinés à discréditer et déstabiliser la société. C’est une atteinte aux mœurs de la société. Et ceci par tous les moyens, sachant que l’aspect religieux est le plus important« .

« La Tariqa est arrivée dans une région très conservatrice, qui ne subissait aucun manque en termes de religion. Il n’y avait aucun vide pour que l’on importe ce courant du Maroc. Où est la constitution religieuse ?« , s’insurge Ouda Filahi, ancien conseiller du ministère des Affaires religieuses, dans un entretien à Dzaïr TV.

De plus, Belkacem Bennani, le représentant de la Karkariya à Mostaganem (nord de l’Algérie), a été convoqué par la police mardi 22 août d’après le site algérien Elbilad.

La genèse

C’est dans les années 1990, près de Nador que le Cheikh Mohamed Fawzi al Karkari a créé la Tariqa Karkariya. Au-delà de la dimension soufie, l’idéologie de la zaouïa s’articule essentiellement sur le rôle du cheikh qui offre à ses disciples une éducation spirituelle.

Sur son site officiel, la confrérie explique que sa philosophie réside « dans le suivi de la Sunnah par les paroles (aqwal), les actes (af’al) et les états (ahwal), ainsi que dans le fait d’obtenir l’ouverture spirituelle (fath) rapidement« . Cette Tariqa réunit d’ailleurs toutes les écoles soufies existantes.

D’après Abdelhafid Ribati, un des fidèles de la Tariqa, cité par Yabiladi, ce mouvement est considéré par ses fidèles comme étant « authentique et présent dans la société marocaine« . Il rappelle également que c’est la tenue vestimentaire des membres de la confrérie « qui attire l’attention ces derniers temps« .

Le disciple explique que « cette tenue avait déjà été évoquée par les premiers soufis comme étant un des moyens de l’élévation de l’âme. Quant aux couleurs, c’est en référence à l’univers« . Le site officiel de la confrérie explique pour sa part que le vêtement incite le fidèle à ne plus se soucier de ce que les autres pensent de lui, car « il ne voit plus que son seigneur« .

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