14 étudiants marocains décolleront pour le Japon à la rentrée 2017. S’ils ne savent pas encore à quoi s’attendre, les deux promotions d’étudiants qui les ont précédés peuvent déjà partager leur expérience du programme « African business education (ABE) Initiative for the Youth » lancé en 2013par le Premier ministre japonais Shinzo Abe dans le cadre d’une coopération maroco-japonaise. Parmi les 1.000 étudiants de 54 pays africains, le Maroc a déjà envoyé 44 étudiants depuis 2015.
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Meriem Bouchtaoui, 29 ans, passionnée du Japon depuis cinq ans
La technologie de pointe cohabite avec la tradition
Fascinée par la culture japonaise, j’ai travaillé pendant quatre ans à l’ambassade du Japon au Maroc au service culture et communication. J’ai étudié la langue japonaise pendant ces années-là. Mais tout était théorique, car je n’avais jamais visité le Japon. Je voulais que cette passion devienne une expérience, j’ai donc postulé à la bourse de l’ABE Initiative.
Depuis septembre 2016 je poursuis des cours dans le cadre d’un master en business international à l’université Rikkyo, à Tokyo. J’habite seule dans un appartement dans le quartier Saitama qui est à 30 minutes de l’université, car la vie est moins chère et les appartements sont plus grands. La vie à Tokyo est assez chère, la bourse couvre les frais universitaires et mes besoins primaires. La ville est énorme, il est difficile de s’y retrouver, surtout que les transports ferroviaires sont parmi les plus compliqués au monde.
J’étais impressionnée dès que j’y ai mis les pieds. C’est un monde à part, tout est grandiose. La première chose qui m’a frappée, c’est la similarité avec le Maroc : la modernité et la technologie de pointe cohabitent avec la tradition, où l’identité japonaise a été préservée.
Mon intégration a été plutôt facile, car je parlais déjà japonais et peu de personnes parlent anglais. Si je me débrouille dans la vie de tous les jours, je ne maîtrise pas suffisamment le japonais pour travailler ici. La prononciation est facile, mais l’alphabet est difficile. Pour lire un journal, il faut connaître 2.000 caractères, j’en connais à peu près 300. J’arrive à lire 70% d’un texte. Mais quand je parle, les Japonais sont surpris et cela leur fait plaisir que je fasse l’effort d’apprendre leur culture et leur langue, cela m’encourage à en faire plus.
Je suis tout de même perçue comme un « Gaïjin » [une étrangère, NDLR], parce que je ne ressemble pas à une Japonaise et je n’ai pas reçu la même éducation. J’ai quand même réussi à avoir principalement des amis japonais en dehors de l’université, car j’en avais rencontré avant au Maroc. J’étais par exemple déjà habituée à manger avec des baguettes et à respecter l’heure.
À l’université, j’ai pris des cours de langue japonaise pour le business, où nous apprenons le jargon, mais aussi les manières à adopter dans le monde du business. Par exemple, quand on rencontre quelqu’un dans le cadre professionnel, il faut connaître la façon spécifique dont on s’échange les cartes de visite, ainsi que les formules et postures de politesse. C’est un processus codifié qu’il faut absolument connaître pour pouvoir intégrer le monde des affaires japonais.
J’ai fait un stage de trois jours à Yamaha Motors où j’ai présenté au département du marketing international les besoins du consommateur marocain. Nous avons aidé un groupe de designers à dessiner de nouvelles motos et des accessoires qui seront commercialisés sur le marché africain et marocain. Alors que Yamaha travaille beaucoup avec l’Europe, le marché africain lui reste inconnu. Mon objectif serait ensuite de travailler pour une entreprise japonaise au Maroc – ou créer mon business – pour être un pont entre les deux pays.
Younès Idrassi, 37 ans, de retour au Maroc cet été, après 2 ans au Japon
Les Japonais peuvent être choqués par nos habitudes très tactiles
Je suis parti au Japon en 2015 avec la première promotion. Je travaillais comme conseiller d’entreprise dans un cabinet comptable à Meknès pendant 10 ans, après avoir étudié à ENCG de Settat de laquelle je suis sorti en 2003. J’ai intégré un MBA de l’université internationale du Japon (UIJ), qui se retrouve dans la préfecture de Niigata, à quatre heures de route de Tokyo. C’était mon premier contact avec le Japon et j’y suis resté deux ans, sans revenir au Maroc. Avec 8 ou 9 heures de décalage horaire, il était difficile de garder le contact avec la famille et les amis.
Le 22 août 2015, j’ai pris l’avion avec 15 autres personnes du programme depuis l’aéroport de Casablanca avec une escale à Roissy-Charles-de-Gaulle. C’était la première fois que je sortais du Maroc. Arrivé à l’énorme aéroport international de Tokyo après 13 heures de vol, j’ai été frappé par le calme et l’organisation. On a récupéré nos valises et passé la douane en 30 minutes, où nous avons récupéré directement notre carte de résidence.
Tokyo m’a impressionné par ses hauts buildings et la fluidité de la circulation malgré le nombre de véhicules et les 30 millions d’habitants ! Je me suis vite rendu compte que j’allais avoir un problème de communication avec les Japonais qui parlent très peu anglais. Je n’ai pourtant pas appris le japonais, car c’est très compliqué. Il y a trois niveaux d’alphabet et plus de 5.000 caractères (Hiragana, Katakana et Kanji, NDLR).
Le fossé culturel s’est aussi senti au niveau de la nourriture. Ici, les Japonais mangent sans condiment, ils préfèrent le goût naturel des aliments. Les plats marocains m’ont manqué! Et même si le business du halal se développe du fait d’une communauté asiatique musulmane grandissante, il était difficile d’en trouver. Pendant le ramadan, nous étions solidaires entre étudiants maghrébins, mais aussi avec les Chinois ou autres asiatiques musulmans.
Avec les autres étudiants africains du programme, nous avons eu une semaine d’intégration pour nous donner des recommandations afin de nous accoutumer aux traditions japonaises. Les Japonais peuvent être choqués par nos habitudes très tactiles. Il faut rester à distance, s’incliner pour saluer, être très poli et ne pas parler à haute voix. Ce sont de petits détails qui peuvent avoir un impact! Dans la culture japonaise, il est difficile de dire non, il faut garder l’harmonie du groupe et éviter tout conflit, c’est surprenant pour nous.
En plus de mon billet aller-retour payé par l’ambassade du Japon, l’Agence japonaise de coopération internationale (JICA) a payé l’université ainsi que tous les frais de logement, de nourriture, et pour acheter livres et le matériel. J’ai eu le droit à 300.000 yens tous les deux mois, soit 30.000 dirhams, mais ce que représente cette somme dépend du lieu de résidence.
J’ai pris des cours de business généralistes pour connaître le monde des affaires au Japon et les problématiques des multinationales. Sur la centaine d’étudiants du MBA dont certains venaient de Corée du Sud, Laos, Thaïlande, Birmanie ou Chine, un tiers était japonais, souvent envoyés par leurs entreprises.
On avait l’opportunité de travailler avec des professionnels japonais qui sont bien placés dans le monde des affaires et de se créer un réseau. Une conseillère d’orientation nous aidait à rédiger CV et lettre de motivation, mais aussi à nous mettre en contact avec des entreprises. Elle était accompagnée d’une conseillère psychologique, car certains étudiants africains ou asiatiques sont allés à l’hôpital pour manque de sommeil, la charge de travail étant très conséquente. J’ai beaucoup travaillé toute l’année, car 40% de la note vient des projets de groupes que nous devions rendre.
J’ai fait mon stage d’une semaine dans une entreprise technologique (IT) dans la ville Matsuyama, qui crée des sites web, des applications, et logiciels. J’ai découvert des pratiques japonaises en entreprise, comme la réunion quotidienne des employés le matin, où chacun exprime ses objectifs, remercie ceux qui ont apporté leur aide au cours de la journée précédente.
Soudés, les employés participent même au nettoyage de leurs bureaux. Mais comme je ne parle pas japonais, il m’était impossible d’y rester travailler. Je suis rentré le 27 juin et je cherche maintenant un travail au Maroc, fort de mes nouvelles connaissances à la fois sur les entreprises japonaises et multinationales.
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