A Casablanca, des centaines de femmes dénoncent "la culture du viol"

Quelques centaines de femmes ont investi mercredi la place des Nations Unies à Casablanca, en solidarité avec la victime de l'agression sexuelle dans le bus, mais aussi pour réclamer "l'égalité ente les sexes" et "plus de libertés individuelles".

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© Yassine Toumi/TELQUEL

Une trentaine de personnes s’affairent sur la place des Nations Unies (ex-place Maréchal) de Casablanca, donnant les derniers coups de pinceau aux caractères couvrant les banderoles et les pancartes. Vers 18h00, près de cent personnes – de jeunes femmes pour la plupart – se sont regroupées devant le Café de France. Silencieux, les participants arborent pendant quelques minutes les banderoles où l’on peut lire « les lois pour les hommes, les viols pour les femmes« , « ras le viol » ou encore « n’empêchez pas vos filles de sortir… apprenez à vos garçons le respect« , en réaction à l’affaire de l’agression sexuelle de la jeune Imane dans un bus à Casablanca. Une affaire qui a suscité de vives réactions dans l’opinion publique.

« Pourquoi sommes-nous venus manifester? Car nous voulons la dignité », scande une jeune fille, la vingtaine, au milieu du cercle, entraînant la foule dans des slogans de dénonciation de la « culture du viol » et d’appel à l' »éducation » et « l’égalité entre les sexes ». En quelques minutes, le nombre de ceux qui ont répondu à l’appel à manifester « en solidarité avec la victime du viol collectif dans le bus » lancé sur Facebook s’est élevé à environ 200 personnes. Jeunes et moins jeunes, voilées et non voilées, crient leur ras-le-bol à l’égard des agressions sexuelles et autres actes inciviques qu’elles subissent au quotidien.

« C’est une réaction spontanée à la vidéo odieuse de la fille qui s’est fait violer dans le bus à Casablanca », explique Nawal Skalli, artiste peintre, et une des coordinatrices du sit-in. « Nous demandons l’application de la loi criminalisant les agressions sexuelles et le durcissement des peines punissant le viol », ajoute-t-elle.

Au milieu des femmes, quelques hommes ont répondu présents au cri de ralliement. Oussama Bourouja, vice-président de l’association de défense des minorités Akaliyat et membre de l’UECSE martèle : « nous, hommes, sommes tout aussi concernés que les femmes par la question de l’égalité entre les sexes« . Il estime que « les hommes doivent soutenir les femmes dans leur chemin vers l’acquisition de leurs droits, car ce sont nos mères, nos grand-mères et nos soeurs« .

Tous les hommes présents au sit-in ne sont pas du même avis que le jeune militant associatif. « Ces femmes sont là pour les mauvaises raisons. Au lieu de dénoncer les conditions de travail des femmes travailleuses, des ouvrières et des bonnes, elles réclament plus de libertés individuelles. Nous sommes un pays islamique, et celles ici présentes réclament le droit à s’exhiber dans la rue« , s’insurge Saïd qui tient un sac de provisions à la main. Ce à quoi une des manifestantes lui répond: « nous sommes là parce que nous ne sentons pas en sécurité dans la rue, et ce à cause de vous, les hommes. Nous n’avons pas besoin de vous pour nous défendre, nous ne voulons pas de votre aide. Nous voulons juste que nos choix soient respectés; celui de porter ce que nous voulons« .

En quelques secondes, la jeune fille est encerclée par des hommes qui contestent son point de vue, brandissant pour la plupart l’argument religieux: « ce que tu dis là est contraire à nos valeurs islamiques et importé de l’Occident« .

Alors que le sit-in bat son plein, de petits groupes de discussion se sont formés en marge de la foule. Les prises de paroles sont virulentes et les femmes sont rapidement interrompues par les hommes, qui ne cessent de justifier à demi-mot les agressions sexuelles à l’encontre de la gent féminine.

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