Habib Belkouch, SG par intérim du PAM: "Nous n'avons pas peur du RNI"

Habib Belkouch s'explique sur la démission d'Elomari, explique ce qu'il faut attendre du congrès du Conseil national du parti et évoque l'avenir du PAM. Interview.

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Habib Belkouch, secrétaire général par intérim du PAM. Crédit: R. Tniouni

L’annonce fracassante de la démission d’Ilyas Elomari de la tête du PAM, deuxième parti en termes de nombre de sièges au parlement, n’a pas encore livré tous ses secrets. Les arguments avancés par ce dernier (sa responsabilité politique concernant la performance de ses élus et les entraves qu’ils subissent) n’ont pas convaincu médias et observateurs.

Son remplaçant par intérim, Habib Belkouch, assure que le départ d’Elomari du PAM était une surprise, et qu’il n’y a « rien à cacher ». Il n’élude pas l’effet du discours royal et de la situation à Al Hoceima, alors que son prédécesseur à la tête du parti au tracteur avait affirmé que les manifestations dans le Rif n’avaient rien à voir avec sa démission.

Lire aussi: Ilyas Elomari: « Je ne reçois pas d’instructions, et mon départ n’a rien à voir avec Al Hoceima »

Habib Belkouch explique que le PAM est en train de mener une profonde introspection, en remontant le fil des neuf années depuis sa création. Objectif: donner un nouveau souffle au parti. Se sent-il acculé par l’émergence du RNI, qui tente de se positionner comme alternative au PJD, en lieu et place du PAM? Habib Belkouch dit accueillir toute concurrence politique sereinement : « personne ne (nous) fait peur ».

Telquel.ma: Pouvez-vous nous raconter la fameuse réunion où Ilyas Elomari a annoncé sa démission? Cela a-t-il été une surprise pour vous et pour les autres membres du bureau politique?

Habib Belkouch: La démission d’Ilyas Elomari était une surprise pour tout le monde, y compris les membres du bureau politique. Beaucoup n’ont absolument rien compris à ce qui venait de se passer. Il a exposé ses motivations au cours de la conférence de presse et à travers le communiqué du bureau politique. Il n’y a rien à cacher.

Nous avons écouté les arguments du secrétaire général et à la fin il y a eu consensus pour refuser la démission sur le principe. En ce qui concerne la validation, ce sera au Conseil national de trancher. Le bureau politique n’est pas habilité à décider dans ces cas. Il y a eu discussion entre les membres du bureau politique pour savoir s’il fallait rendre publique la décision à ce moment-là ou non. Il a finalement été décidé qu’elle serait annoncée, et qu’Ilyas Elomari allait organiser une conférence de presse.

Se pourrait-il que la démission d’Elomari soit refusée par le Conseil national ?

Il serait difficile de vouloir le maintenir à son poste alors qu’il a pris sa décision. Mais c’est au Conseil national et à Ilyas Elomari de trancher en fin de compte.

Ilyas Elomari a justifié son départ par la responsabilité politique collective, notamment après avoir pris connaissance des déclarations et exposés d’élus qui ont démissionné, dénoncé leurs conditions d’exercice, ou n’ont tout simplement pas fait leur travail… Si ce sont là les seules raisons, pourquoi démissionner maintenant? Pourquoi après un discours royal très critique à l’égard des politiques?

C’est à Ilyas Elomari de s’exprimer sur le timing. Je pense qu’il faut se fier aux raisons qu’il a avancées. Cela étant, on ne peut ignorer la teneur du discours royal sur les partis politiques, car leur responsabilité politique est évidente, notamment en ce qui concerne l’encadrement des citoyens, le rôle de médiation qu’ils doivent jouer en tant d’acteurs, ou à travers leurs élus.

Pour réagir à ce diagnostic, il faut assumer ses responsabilités et prendre les mesures nécessaires pour remédier aux dysfonctionnements identifiés. Il ne faut pas se limiter à saluer la teneur de ce discours. À partir de ce constat, on ne peut que saluer la décision d’Elomari qui est courageuse.

Pourtant, vous dites que le bureau politique a rejeté sa démission. Pourquoi donc?

Peut-être qu’il y a une différence dans l’appréciation de la situation. Ilyas Elomari dit qu’il assume toute la responsabilité.  De notre côté, nous estimions qu’il fallait faire une évaluation globale de toutes les instances du parti et du projet du PAM. Si ce bilan est mauvais, il se pourrait que nous quittions tous nos responsabilités. Mais cette conviction n’est pas partagée par l’ensemble du bureau politique.

D’où la précision dans votre communiqué qu’il s’agit d’une décision individuelle…

En effet

S’il s’agit des véritables raisons motivant le départ d’Ilyas Elomari, n’avez-vous pas l’impression que cette décision est tardive? N’est-il pas top tard pour prendre acte des soucis et défaillances remontés par les élus?

Je ne pense pas que cette décision soit tardive. On ne peut pas séparer les faits de ce qui se passe à Al Hoceima et le fait que les mécanismes de médiation aient été totalement absents. Cela concerne le PAM et l’ensemble des partis.

En d’autres termes, vous suggérez que vous payez le prix pour tous les autres ?

Le PAM a pris son courage à deux mains et a assumé. Ceci est à mettre au crédit d’Ilyas Elomari.

En même temps, n’êtes-vous pas plus concernés que les autres, dans la mesure où le PAM dirige la région d’Al Hoceima ?

Pas nécessairement. Il faut comparer la gestion de Tanger-Tétouan-Al Hoceima avec celle des autres régions présidées par les autres formations. Il y a un effort  important dans  l’accompagnement de la promotion des investissements à travers des mesures relevant des prérogatives des régions, en plus de l’appui à l’infrastructure de l’enseignement supérieur, la coopération avec la société civile entre autres. Si l’on devait faire un diagnostic global, peut-être trouverait-on des lacunes et des avancées pour chacune des 12 régions!

Quid des cas soulevés par Ilyas El Omari concernant la  responsabilité des élus? Y aura-t-il des sanctions?

Nous attendons de recevoir les propositions de l’instance chargée des élus afin de réagir. Mais il faut noter que cela concerne le respect des engagements politiques du parti, de sa charte éthique et des engagements pris à l’égard des citoyens. Nous ne sommes pas une juridiction ou un organe de purge, mais une instance de régulation chargée de veiller à la mise en œuvre d’un projet politique.

Que va-t-il se passer maintenant? Que prévoit le règlement du PAM? Y’aura-t-il un congrès extraordinaire?

Il n’y a pas de congrès extraordinaire de prévu. Selon le règlement du PAM, le secrétaire général est choisi par le Conseil national qui tiendra une session normale en octobre.

Faut-il s’attendre donc en octobre à la nomination d’un nouveau secrétaire général ?

C’est ce qui prévu, mais c’est à la présidence de Conseil national de fixer la date.

Êtes-vous candidat à la succession d’Ilyas Elomari ?

(Rires) Pour le moment, je me concentre sur la gestion de la phase transitoire, avec l’esprit d’équipe qui doit prédominer.

En tant que secrétaire général par intérim du parti, quelles sont vos priorités pendant cette période de transition?

En tant que responsable chargé par Ilyas Elomari et par mes camarades du bureau politique de gérer cette phase de transition jusqu’à la tenue de la réunion du Conseil national, je veillerai à la continuité du travail déjà engagé par le bureau politique et les autres instances du parti. Dans cette optique, nous devrons réaliser le travail d’évaluation de l’expérience du PAM et finaliser les documents et recommandations à soumettre au bureau politique et au Conseil national.

Nous continuerons à tenir les congrès régionaux déjà prévus en concertation avec les régions. Nous voulons donner un nouveau souffle au projet politique sur la base d’une évaluation objective et profonde sur laquelle nous identifierons nos points forts, nos acquis et nos défaillances. Cela nous permettra de redéfinir nos priorités et de renforcer le rôle du parti, sa vision, et d’avoir l’organisation nécessaire à un parti politique moderne.

Le départ d’Ilyas Elomari est-il annonciateur d’une nouvelle ligne politique? D’un changement dans la politique d’alliances?

Une réflexion est en cours et les choix de positionnement ne peuvent changer qu’à travers les décisions des plus hautes instances du parti à l’issue d’un débat et d’un choix collectif. Nous sommes pour l’élargissement de ce débat à tous les niveaux et à toutes les instances du parti.

L’évaluation du parti est une occasion de permettre aux militants de s’approprier le projet et d’y contribuer afin de donner un nouveau souffle à cette importante composante du champ politique qu’est le PAM.

Certains avancent que ce branle-bas de combat pourrait s’expliquer par la montée de forces alternatives, notamment le RNI…

Merhba, bien au contraire, personne ne nous fait peur. La réflexion que nous menons sur l’expérience du PAM depuis sa création, nous la faisons pour nous-mêmes. C’est pour faire évoluer notre projet et non pas pour réagir à ce que font d’autres partis.

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