Visionnaire pour les uns, despote pour les autres, M. Kagame, 59 ans, brigue un troisième mandat de sept ans face à deux candidats passés quasiment inaperçus dans une campagne phagocytée par le Front patriotique rwandais (FPR), parti contrôlant toutes les sphères de la société de ce petit pays de la région des Grands Lacs. Paul Kagame est l’homme fort du Rwanda depuis que le FPR a renversé en juillet 1994 le gouvernement extrémiste hutu ayant déclenché un génocide qui a fait 800.000 morts entre avril et juillet 1994, essentiellement parmi la minorité tutsi.
Les bureaux de vote, installés dans des écoles et autres lieux publics parés pour l’occasion des couleurs nationales – bleu, jaune et vert -, ont fermé vendredi vers 15H00 locales (13H00 GMT), et le dépouillement a commencé. Les premiers résultats sont attendus vendredi soir avant une annonce probable des résultats complets samedi. Dans la journée, le président de la Commission électorale Charles Munyaneza s’est félicité d’un « processus qui se passe bien, sans problème majeur » et d’une « élection pacifique », évaluant le taux de participation à 80% vers 13H00.
Le chef de l’Etat, salué pour avoir mis un terme au génocide, a voté avec son épouse vers 11H00 dans une école du centre de la capitale Kigali où la sécurité avait été renforcée, notamment à l’aide d’un portique de détection de métaux et d’un chien renifleur. Dans ce même bureau de vote, un entrepreneur de 54 ans a illustré le fossé séparant M. Kagame de ses deux concurrents, louant l’ancien rebelle avant d’avouer ne pas connaître Frank Habineza, leader du seul parti d’opposition toléré au Rwanda (le Parti démocratique vert) et Philippe Mpayimana, candidat indépendant. Paul Kagame « a libéré le pays, il a stabilisé le pays, et maintenant on peut marcher dans tout le pays nuit et jour sans problème« , a soutenu Jean-Baptiste Rutayisire. « Il a fait beaucoup pour le pays et il continue (…), c’est un homme exceptionnel« .
Le candidat d’opposition Frank Habineza se voulait toutefois positif, lui qui a voté tôt vendredi à Kigali. « C’est la première fois depuis 23 ans qu’un parti d’opposition se trouve sur les bulletins de vote », a-t-il déclaré par téléphone à l’AFP. Dans le Rwanda post-génocide, seuls des candidats indépendants ou alliés à M. Kagame ont pu se présenter à l’élection présidentielle. En amont du scrutin, MM. Habineza et Mpayimana s’étaient plaints de nombreuses difficultés, dont le peu de temps à leur disposition pour lever des fonds et faire campagne. Lors d’un récent meeting, M. Habineza avait assuré à l’AFP que placarder les couleurs de son parti avait été un vrai défi: « On nous a dit qu’on ne pouvait pas mettre nos drapeaux là où le FPR avait mis les siens, mais malheureusement le FPR a mis les siens partout! ».
La victoire de M. Kagame ne semble faire aucun doute depuis le plébiscite par référendum en décembre 2015 – 98% des voix – d’une modification de la Constitution, critiquée par les observateurs, lui permettant de briguer un nouveau mandat de 7 ans et potentiellement de diriger le pays jusqu’en 2034. Il a d’abord été vice-président et ministre de la Défense, dirigeant de facto le pays, avant d’être élu président en 2000 par le Parlement. En 2003 et 2010, il a été reconduit au suffrage universel avec plus de 90% des voix.
M. Kagame est crédité du spectaculaire développement, principalement économique, d’un pays exsangue au sortir du génocide. Mais il est aussi accusé de bafouer la liberté d’expression et de réprimer toute opposition. De nombreuses voix critiques ont été emprisonnées, forcées à l’exil et pour certaines assassinées. Des observateurs assurent que les candidatures de MM. Habineza et Mpayimana ne sont qu’une « façade » à destination de la communauté internationale. Selon Robert Mugabe, un des rares journalistes rwandais ouvertement critiques, « il n’y a pas d’élection au Rwanda, juste un couronnement ».
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