Présenter une pétition au chef du gouvernement, mode d’emploi

L’installation de la Commission des pétitions par Saad Eddine El Othmani le 18 juillet ouvre la voie à la mise en place d’un outil de démocratie participative attendu depuis la Constitution de 2011.

Par

Saad Eddine El Othmani au Parlement. Crédit: Rachid Tniouni/TELQUEL

Saad Eddine El Othmani a supervisé le 18 juillet la mise en place la Commission des pétitions, prévue par la loi organique 44-14 déterminant les conditions d’exercice du droit de pétition.

Six ans après l’entrée en vigueur de la Constitution de 2011 où il faisait figure d’avancée majeure, le droit de pétition commence à prendre ses marques dans l’univers institutionnel. Déjà en place – et utilisé – dans les collectivités territoriales, ce droit peut désormais s’exercer auprès du chef du gouvernement et des présidents des deux chambres du parlement.

Est-ce à dire que n’importe qui sera en mesure de présenter, selon les termes utilisés, des « revendications, propositions ou recommandations » au chef du gouvernement? C’est là qu’intervient la Commission des pétitions, rouage essentiel du système, chargée de vérifier la conformité des pétitions présentées et de juger de leur recevabilité.

Comment se déroule le processus de présentation des pétitions et qui est concerné ? La procédure apparaît relativement lourde et complexe, mais Mustapha El Khalfi, le porte-parole du gouvernement, a annoncé le lancement d’une plateforme digitale dans les mois prochains pour « fournir des informations pratiques sur les modalités de l’exercice du droit de pétition ».

En quoi consiste le droit de pétition ?

La loi définit la pétition comme « toute demande écrite contenant des revendications, propositions ou recommandations adressées […] aux pouvoirs publics concernés ». Il s’agit d’établir une ligne directe entre le citoyen et les pouvoirs publics, de pouvoir leur transmettre, sans intermédiation, des demandes. La loi reste vague au sujet des matières relevant du droit de pétition et se contente d’annoncer qu’une pétition recevable doit « poursuivre un but d’intérêt général » et contenir des « revendications, propositions ou recommandations licites ».

Elle énonce cependant clairement les cas dans lesquels les documents ne seront pas reçus : ceux-ci ne doivent pas porter atteinte aux « constantes fédératrices de la Nation », ni avoir pour objet des questions de sécurité nationale ou encore des affaires soumises à la justice.

Le web marocain regorge de pétitions: des riverains excédés par les tarifs de stationnement, des citoyens s’inquiétant pour le sort des forêts marocaines, ou encore pour demander le déblocage de la VoIP par l’ANRT en 2016. Seule cette dernière pétition aurait poursuivi son chemin jusqu’au bureau du chef du gouvernement. Il faut en effet 5.000 signataires pour qu’une pétition soit recevable.

Comment présenter une pétition ?

La préparation d’une pétition débute par la mise en place d’un « comité de présentation de la pétition », composé de neuf membres choisis au sein des signataires, qui désignent un mandataire. C’est lui qui fait office d’interface avec les pouvoirs publics et de porte-parole des signataires. Le processus complet, du dépôt à la notification de la décision gouvernementale, peut prendre jusqu’à deux mois et demi.

Une pétition présentée au chef du gouvernement ou au président de l’une des deux chambres du parlement doit comporter au moins 5.000 signataires, avec une copie de leur CIN. C’est dire que le défi est tout autre que celui de lancer une pétition en ligne, et implique une organisation et une logistique entièrement différente. Outre la poursuite de l’intérêt général, la pétition doit être rédigée de manière claire et accompagnée d’une note détaillant les motifs ayant conduit à sa présentation.

La pétition peut être déposée auprès du pouvoir public concerné, ou être transmise à l’autorité administrative locale.  Une fois que la pétition arrive sur le bureau du pouvoir public concerné, celui-ci a quinze jours pour la transmettre à la Commission. Elle dispose ensuite de trente jours pour statuer sur la recevabilité de la pétition, et adresser ses avis et recommandations au pouvoir public.

Le chef du gouvernement ou le président de la Chambre concernée par la pétition est tenu de notifier le mandataire dans un délai de trente jours en cas d’irrecevabilité. De même, le mandataire d’une pétition jugée recevable est notifié par écrit par l’autorité concernée des suites qui seront données à la pétition.

Un projet de loi plus restrictif

L’adoption de la loi organique 44-14 n’a pas été un long fleuve tranquille. Lors du dépôt du projet de loi, le seuil minimal pour pouvoir présenter une pétition était de 7.200 signatures. Ces dernières devaient être légalisées par l’autorité locale.

Les signataires devaient en outre jouir de leurs droits politiques et être en situation fiscale régulière. Les membres de la majorité justifiaient alors ces conditions par la nécessité de garantir la crédibilité du processus.

Face à ces barrières, l’Organisation marocaine des droits humains (OMDH) avait appelé à « un allègement des modalités » de l’exercice du droit de présenter des pétitions et avait soumis un mémorandum et des propositions d’amendements au législateur pour assouplir la procédure. Un appel qui a été entendu, puisque ces conditions ont disparu de la version adoptée.[/encadre]
 

Rejoignez la communauté TelQuel
Vous devez être enregistré pour commenter. Si vous avez un compte, identifiez-vous

Si vous n'avez pas de compte, cliquez ici pour le créer