Le 21 juillet prochain, le gouvernement El Othmani débutera par la région de Beni Mellal-Khenifra une tournée nationale qui le mènera dans les 12 régions du royaume. Cette tournée, annoncée par le chef du gouvernement, est organisée près de trois semaines après la colère royale au sujet des retards dans la mise en oeuvre du projet de développement « Al Hoceima, Manarat Al Moutawassit » dont la concrétisation est réclamée par les manifestants du Hirak. Mais pourquoi donc cette tournée, qui a pour but de rassurer les régions du royaume qui « n’ont pas bénéficié des retombées du développement de ces dernières décennies », débute-t-elle par la région de Beni-Mellal et Khenifra ?
La deuxième région la plus pauvre du royaume
La réponse la plus évidente est à chercher du côté du Haut-Commissariat au plan (HCP). Dans son rapport, consacré à la pauvreté, l’institution révélait que la région était, avec un taux de pauvreté de 9,1%, la deuxième région la plus touchée par le phénomène, après la région Draâ-Tafilalet. À titre indicatif, le taux de pauvreté national se situe à 4,8%.
Avec un indice volumétrique de pauvreté de 1,9, la région fait également partie des deux zones où le déficit global des revenus des pauvres par rapport au seuil de pauvreté est le plus important. Cela signifie donc qu’un transfert des ressources important est nécessaire pour porter la dépense de consommation de toute personne pauvre au niveau du seuil de pauvreté.
Beni Mellal-Khénifra présente également l’un des indices de sévérité de la pauvreté les plus hauts du Maroc. Cela signifie que la pauvreté est « plus grave » dans cette région du royaume et que l’écart entre le seuil de pauvreté et les dépenses de consommation des pauvres est l’un des plus importants sur l’ensemble des 12 régions.
Dans son étude menée en 2014, le HCP relève que 17,3% de la population de la région sont susceptibles de basculer dans la pauvreté. Un chiffre qui fait de la région Beni Mellal-Khénifra la deuxième du Maroc, derrière la région Draâ-Tafilalet, en termes de vulnérabilité.
Tenir les « promesses »
En plus de la pauvreté, la région Beni Mellal-Khenifra connait également des retards en termes de développement. Pourtant, le Conseil régional a adopté, au mois de mars, un plan de développement prévoyant 1.682 projets couvrant les secteurs de l’agriculture, de l’industrie et du tourisme.
Mais depuis son adoption, la population de la région est « dans l’attente » selon Lahcen Haddad, député Istiqlal de Khouribga, et ancien ministre. Une attente qui peut s’expliquer par le financement de ce plan estimé à 36,3 milliards de dirhams selon nos confrères de L’Économiste. La même source précise que la région n’a pas les moyens de financer ce budget et qu’elle contribuera à hauteur de 26%. Reste désormais à savoir si l’Exécutif contribuera au financement du projet.
Lahcen Haddad déclare également que d’autres projets « sont à l’arrêt« , alors « que des promesses ont été faites à la population« . L’ancien ministre du Tourisme espère que la venue du gouvernement El Othmani ne se « concluera pas par des paroles, mais des actes ». Pour lui, le développement des « secteurs de l’industrie, de l’agriculture et du tourisme » est la priorité pour cette région.
Une agriculture développée, mais pas d’industrie agricole
La région Béni Mellal- Khénifra est connue pour être une région agricole. Un atout majeur. Selon une monographie effectuée par le ministère de l’Intérieur sur la région, celle-ci concentre, avec 948.826 hectares, un peu plus de 11% de superficie agricole utile au niveau national. En 2011-2012, la contribution de la région à la production céréalière nationale s’élève à 13%.
Pourtant, malgré la mise en place d’une agropole de 108 hectares inaugurée en 2017, la région a toujours « besoin d’un coup de pouce de l’État » pour encourager le développement de l’agro-industrie dans la région, nous affirme Nourredine Darbouchi, le directeur du Conseil régional d’investissement (CRI) local. Le responsable espère qu’une intervention du gouvernement permettra d’attirer des « locomotives dans le secteur de l’industrie agroalimentaire » dans la région.
Nécessité de créer un écosystème OCP
En plus de l’agro-industrie, Nourredine Darbouchi espère également un développement d’autres pans du secteur industriel dans la région. Une affirmation qui peut paraître étonnante lorsqu’on sait que Beni Mellal-Khenifra abrite le gisement d’Oued Abdoun à Khouribga, qui représente près de 40% des ressources nationales en phosphate, et que la ville est connue comme la capitale marocaine du phosphate.
Bien que Beni Mellal-Khenifra abrite des sites miniers de l’OCP, elle ne bénéficie pas de la présence du groupe qui transforme son phosphate en dehors de la région. L’OCP compte néanmoins participer à l’industrialisation de la région, puisque des projets d’envergure y ont été lancés. Au mois de mars, le CRI annonçait l’approbation de 12 projets initiés par l’OCP pour un montant de 16 milliards de dirhams portant sur les secteurs des mines, des industries et des services.
Le groupe prévoit notamment la construction de la plus grande laverie du monde à Beni Mellal, pour enrichir le phosphate et le préparer pour le transport. L’OCP avait également lancé au mois de mars le projet de mine et de puits de Ben Amir qui contribuera « fortement à l’industrialisation de la région« , d’après Nourredine Derbouchi. Le but est de créer à terme un « écosystème OCP » dans la région, d’après le responsable.
Les investissements de l’OCP suffiront-ils pour autant à combler la faible présence de sites industriels dans la région ? En 2011, les 325 unités industrielles que comptait la région ne représentaient que 1% de la production industrielle nationale, 1% du chiffre d’affaires à l’échelle nationale, et 1% des investissements au niveau national.
Pour remédier à cette situation, le directeur du CRI de Beni Mellal-Khenifra espère que le programme de développement régional adopté en mars contribuera au développement de l’activité industrielle dans sa région à travers la mise en place de zones franches. Ce projet, qui sera porté par le ministère de l’Industrie, permettra de remédier aux besoins en foncier des investisseurs.
Un secteur touristique moribond
En dehors de l’industrie, la région espère aussi qu’une attention particulière soit portée au tourisme. Malgré des atouts tels que le barrage de Bin El Ouidane, les cascades d’Ouzoud ou encore les rives du fleuve Oum Rbiâ elle peine à attirer des touristes. En 2012, elle ne représentait que 1% des nuitées passées au Maroc.
Un chiffre faible qui s’explique, selon Nourredine Debourchi, par le manque d’infrastructures touristiques: Beni Mellal-Khenifra ne comptait que 65 établissements classés pour une capacité d’un peu plus de 3.000 lits en 2012. Par ailleurs, la région compte essentiellement sur le tourisme intérieur qui représentait 69% du tourisme local.
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