Le mercure affiche 24 degrés. Les rayons du soleil caressent délicatement les somptueuses criques qui abritent quelques une des plus belles plages méditerranéennes du pays. Au loin, de jeunes MRE (Marocains résidant à l’étranger) s’amusent sur leur jet-ski tandis que des enfants jouent sur la plage, au milieu des estivants.
Cet instantané de l’ambiance en ce moment à Al Hoceima n’est pourtant pas la première image qui nous vient à l’esprit quand on pense à cette ville. Le secteur touristique de la « perle de la Méditerranée » est au point mort, frappé de plein fouet par les conséquences de neuf mois de protestations, d’affrontements entre manifestants et forces de l’ordre et d’arrestations qui se comptent par dizaines.
Les touristes se détournent de cette destination, associée désormais au Hirak et à une présence policière particulièrement visible, notamment sur la place principale Mohammed VI, comme nous avons pu le constater.
« Les gens pensent que c’est la Syrie ici! », se désole Khalid Bachrioui, président du Centre provincial du tourisme (CPT), lui-même propriétaire d’un bateau et d’un hôtel dont seulement 10 chambres sur 90 sont occupées. « Je ne regarde plus le site Booking.com, car je ne vois plus que des annulations. Les réseaux sociaux et les sites nous ont déstabilisés », se plaint-il, réclamant à la fois « aux jeunes d’arrêter de manifester, aux autorités de lever le dispositif sécuritaire, et au gouvernement de mettre en pratique ses promesses » pour développer la province.
C’est que la situation est critique. À la date du 13 juillet, le taux d’occupation des quelque 1.000 lits de 32 hôtels classés et résidences hôtelières affichait un maigre 15%. Rien à voir avec les 70% des années précédentes, notamment en 2016 où la destination avait en plus bénéficié de l’effet post-ramadan.
Sauver la destination Al Hoceima
Al Hoceima est d’habitude prisée par les MRE des Pays-Bas, de Belgique et un peu de France et d’Espagne. Cette année, ces derniers se sont détournés de la ville au profit d’autres localités du nord du Maroc. À tel point que même le discours officiel n’y va pas par quatre chemins : il faut « sauver la saison touristique« .
Pour cela, des actions à court, moyen et long terme ont été ou seront lancées, à commencer par un billet d’avion subventionné, qui permet le trajet Casablanca-Al Hoceima à 800 dirhams aller-retour. Les hôteliers fondent beaucoup d’espoir dans cette opération qui va coûter 17 millions de dirhams.
Elle permettra de dérouler le reste des actions pour remonter la pente: proposer des tarifs bas pour attirer la clientèle locale peu coutumière de la destination et des prix réduits de moitié pour les établissements proposant, hors promo, des tarifs situés autour de 600 à 900 dirhams la nuitée par personne.
Les professionnels étudient aussi à l’écriture de ces lignes des packs voyage à tarifs préférentiels. « L’association régionale des agences de voyages de Casablanca va négocier avec les hôteliers d’Al Hoceima les prix sur la base des prévisions d’occupation des chambres« , nous confirme Rabia Talhimet, directrice communication de l’ONMT (Office national marocain du tourisme).
Un établissement quatre étoiles pourrait ainsi proposer des prix allant de 1.600 à 2.000 dirhams par personne pour un week-end à Al Hoceima. C’est sur ce type d’offre que table Ouafa El Kemali, directrice de l’hôtel Mercure (groupe Accor), dont l’établissement accuse aussi un taux d’annulation de 50% ce mois. Tout comme ses autres confrères de la ville, elle espère une remontée vers le 20 juillet, date habituelle des pics d’affluence, et moment espéré pour le lancement des packs.
En plus de cela, si des efforts de communication sont poursuivis, cela pourrait convaincre des vacanciers d’organiser des départs de dernière minute. « Il y a encore de l’espoir. Il y a beaucoup de walk-in [arrivée sans réservation] pour cette destination », espère El Kemali.
Nightlife Hoceimi?
Un professionnel nous confie toutefois en off que la pente sera très difficile à remonter. « Entre nous, la saison estivale est perdue. Notre espoir repose plutôt sur la basse saison », déclare cette source. Si d’ici décembre les packs sont attractifs et attirent une clientèle de cadres des grandes villes pour des week-ends, la saison touristique pourra être sauvée, nous résume-t-on. « Il faut en plus de cela que des séminaires, des conférences, et pourquoi pas un festival soient organisés dans la ville », poursuit notre interlocuteur.
Le délégué provincial du tourisme à Al Hoceima, Aziz Dahna, ne dit pas autre chose. Il pousse pour que la ville se dote davantage d’animation, notamment nocturne: « Il faut qu’on arrête de véhiculer l’idée que les Houceimis ne sont pas ouverts. Les mentalités évoluent ». Pour l’heure, à part de rares restaurants, la ville n’offre que peu d’activités la nuit.
Al Hoceima a beaucoup d’autres atouts à faire valoir, notamment son arrière-pays et ses plages aux eaux turquoise peu connues du touriste lambda. Une offre qui peine à se développer, en premier lieu à cause de la rareté des transports.
« Il faut développer le terroir, l’écotourisme, les randonnées pédestres et cyclistes… », énumère Rabia Talhimet de l’ONMT. Faissal Ammi, 19 ans, a remporté un prix onusien grâce à une photo de sa ville. Ce jeune Houceimi passionné de randonnée connaît par cœur les montagnes entourant sa ville et tous les paysages. « À 30 minutes en voiture de la ville, il y a par exemple la plage de Cala Iris. On se croirait aux Maldives », nous lance-t-il.
Son professeur de philosophie, Faouzi Koudia est de Taza. Il nous raconte avoir redécouvert la ville grâce aux trésors que lui ont montrés ses élèves: « Il faut se réveiller à 7h du matin et aller à la découverte, sinon tout ce qu’on va vous dire ici c’est ‘voici l’hôtel, la plage et la place pour prendre un café’. Par exemple, rendez-vous à l’île de Badès, dont une partie est occupée par l’Espagne. Le décor est à couper le souffle ».
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