Après un exposé sur les finances publiques en séance plénière ce mardi 4 juillet au parlement où il a dressé un bilan chiffré de l’institution qu’il dirige, Driss Jettou s’est attardé sur la méthode de calcul du déficit budgétaire. « Nous remarquons que le déficit ne prend pas en considération les dettes de l’État relatives au crédit de TVA et de l’IS ni celles relatives au retard de paiement« , affirme-t-il.
Selon les données de la Direction générale des impôts, le crédit TVA à la fin 2016 est de 24,5 milliards de dirhams. Les paiements en retard se chiffrent eux à 7 milliards. Ces dettes sont le fait de six entreprises publiques: l’OCP, Autoroutes du Maroc, l’ONEE, la RAM, l’ONCF et l’ONDA.
Malgré les efforts pour apurer ces dettes, leur montant total « reste élevé », note le patron de la Cour des comptes. Ce dernier appelle à revoir « la procédure de calcul du déficit en fonction de la loi organique des finances », pour donner une idée réelle et fidèle des finances publiques.
122 milliards de dirhams inutilisés
Durant son exposé, Driss Jettou s’est également attardé sur les comptes spéciaux du trésor (CST) qui « pâtissent de plusieurs dysfonctionnements ». Le premier président de la Cour recense 74 comptes spéciaux. Il a par ailleurs critiqué le recours abusif à ces comptes censés être utilisés exceptionnellement.
Les finances publiques se tournent vers les CST, car la loi prévoit le report du solde d’une année à une autre. Ceci assure une certaine continuité de l’action dans le cadre de la mission affectée au compte sans devoir chaque année repasser par la case vote du budget. C’est un avantage certes intéressant, mais qui ne semble pas être employé dans la réalisation des missions.
Le premier président de la Cour des comptes déplore les montants colossaux immobilisés dans les différents comptes. Fin 2016, les CST affichent un solde de plus 122 milliards de dirhams. Cette importante somme est la conséquence « de la faible programmation des projets ». « Le paradoxe, c’est que les CST disposent de soldes importants qui ne sont pas dépensés et s’accumulent d’année en année alors que des secteurs souffrent de manque de financement », regrette Jettou.
L’ancien chef du gouvernement en veut pour exemple le Fonds d’appui à la cohésion sociale qui affiche un solde de 8,7 milliards de dirhams. Le Fonds pour le développement rural et des zones de montagne, dispose quant à lui de 1,8 milliard de dirhams. Le compte du Fonds spécial de la pharmacie centrale dispose d’une réserve de 1,9 milliard de dirhams, tandis que les secteurs de l’industrie et des collectivités ont respectivement des soldes de 3,5 et 4,4 milliards de dirhams… qui ne sont pas dépensés.
Pour Driss Jettou, il devient impératif de réduire le nombre des CST, revoir leur gouvernance et de n’y recourir qu’en dernier ressort, comme le prévoit la loi.
Retraite et endettement
Le président de la Cour des comptes a beaucoup insisté sur la réduction de l’endettement et l’urgence de la réforme du régime de retraite. Driss Jettou a rappelé que la tendance de la dette du trésor restait à la hausse. « La dette du trésor a atteint 657 milliards en 2016 contre 629 milliards une année auparavant », explique-t-il. La dette publique, y compris celle bénéficiant de la garantie de l’État, a enregistré une nette augmentation, en passant de 810,9 milliards en 2015 à 850,5 milliards dirhams en 2016, soit plus de 39,6 milliards DH.
« Le rythme accéléré de l’endettement s’est poursuivi, en dépit de la conjoncture favorable au cours des quatre dernières années », s’est insurgé Jettou tout en appelant à « déployer plus d’efforts en vue de maîtriser la hausse de l’encours de la dette publique et le taux d’endettement ».
Pour ce qui est du régime des retraites auquel la Cour des comptes a consacré un rapport, Jettou a également rappelé l’urgence de la mise en œuvre de la réforme systémique. Il devient nécessaire « d’élargir le champ de la réforme aux autres régimes de retraite afin d’améliorer leur équilibre financier et prolonger leur viabilité d’une part, et de réaliser un rapprochement progressif entre les différents régimes dans l’optique de faciliter leur intégration sur le moyen et long terme, d’autre part ».
Les magistrats à la CDG, OCP et ONEE
Driss Jettou a révélé que les magistrats de la Cour des comptes ont entamé des missions de contrôle de la gestion des filiales du groupe CDG, en l’occurrence Fipar holding et MEDZ. « Les rapports seront publiés avant la fin de l’année », promet-il. Par ailleurs, une mission de contrôle est en cours au sein de l’OCP. « Cette mission s’est focalisée sur l’activité minière de l’Office incluant les phases d’extraction du phosphate et de son traitement ainsi que son transport et porte sur le contrôle de performance des procédés utilisés tout en accordant un intérêt particulier au volet environnemental« , explique Driss Jettou. Une autre mission s’attèlera au volet industriel, ainsi qu’aux aspects relatifs à la distribution, à l’exportation, au transport, à la logistique, et aux partenariats commerciaux.
Une troisième entreprise publique est également passée au crible par les magistrats. Il s’agit de l’ONEE. « Cette mission porte essentiellement sur la production de l’énergie électrique, notamment par voie de concession, ainsi que ses investissements en matière de réalisation des centrales électriques, en plus d’un diagnostic et d’une évaluation globale des finances de l’office« , confie Jettou.
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