Depuis son éviction du poste de chef du gouvernement en mars dernier, Abdelilah Benkirane est au coeur toutes sortes de rumeurs au sujet de son avenir politique. Surtout depuis le 8 avril. Accueilli en star, ce jour-là à Bouznika, par la jeunesse de son parti, l’ex-chef du gouvernement ne s’avouait pas vaincu. « Je ne vous cache pas que j’avais l’idée de me reposer, mais avec du recul, j’ai changé d’avis, car j’ai pris des engagements envers les citoyens (…) Je ne peux pas me permettre de les abandonner. Je poursuivrai le combat », avait-il lancé sous les acclamations d’une assistance galvanisée.
Seulement, ayant renoncé à son siège de député, son mandant à la tête du PJD touchant à sa fin, comment Benkirane pourrait-il reprendre son bâton de pèlerin, sachant que les statuts du parti lui interdisent de rempiler pour un troisième mandat ? La seule issue pour lui serait que le Conseil national procède à l’amendement du règlement intérieur.
Au lendemain de la mise à l’écart du chef du parti islamiste, certains cadors du PJD excluaient cette option. « On ne change pas les statuts du parti en fonction des hommes », nous déclarait en mai Lahcen Daoudi. Mais depuis, de l’eau a coulé sous les ponts et ses « frères » semblent avoir changé d’avis. « L’homme de la situation, c’est Benkirane », nous disent désormais en substance plusieurs cadres du PJD.
« On a beau dire le contraire, il y a de vraies tensions au sein du parti. En faisant beaucoup de concessions, le PJD a provoqué une crise de confiance même au sein de ses membres« , explique un membre du secrétariat général du parti. Pour restaurer cette confiance perdue à force de lâcher du lest, les lieutenants du PJD ont une seule carte: Abdelilah Benkirane.
Au faîte de sa popularité, Abdelilah Benkirane n’a jamais cautionné les concessions de son remplaçant à la tête du gouvernement, Saad Eddine El Othmani. Et les deux hommes forts du parti de la lampe ne semblent pas partager la même lecture de la situation.
Quand, par exemple, El Othmani vante la transparence des négociations, Benkirane, lui, parle d’un « séisme qui a frappé le parti ». Quand le premier se vante d’un dénouement réussi après cinq mois de blocage, le deuxième évoque une défaite.
Leçon du Hirak
Lors de la dernière réunion du secrétariat général du PJD, des tensions qui s’accumulent depuis plusieurs mois sont remontées à la surface. « Le ton est même monté entre le secrétaire général et Mustapha Ramid au sujet du projet de communiqué final. Le ministre d’État chargé des Droits de l’homme voulait y insérer une formule dénonçant les accusations de traîtrise proférées à l’égard des figures du PJD qui ont accepté de participer au gouvernement Othmani. Une requête refusée par Benkirane, qui a finalement décidé de ne publier aucun communiqué à l’issue de la réunion« , explique le site de l’hebdomadaire Jeune Afrique. Une information qui nous a été confirmée par des sources au sein du PJD.
Mais, pour les dirigeants de la formation islamiste, l’enjeu est ailleurs: redorer leur blason terni par de longs mois de querelles intestines, étalées au grand jour dans les médias. « Dans le contexte actuel, El Othmani, qui n’est pas très populaire, ne doit pas prendre la tête du parti« , tranche un proche du chef du gouvernement.
Le contexte auquel notre interlocuteur fait allusion n’est pas lié uniquement à la situation du parti, mais aussi à celle du pays, qui vit au rythme de manifestations à Al Hoceima. « La leçon qu’il faut retenir du Hirak, c’est qu’on a besoin de partis forts. Seul Benkirane peut rendre sa force à un PJD affaibli« , nous confie une source au secrétariat général du parti de la lampe.
L’idée d’un troisième mandat de Benkirane fait son chemin. Selon plusieurs sources au sein du PJD, une réunion du secrétariat général est prévue dans les deux semaines à venir pour discuter du congrès, qui doit se tenir en décembre au plus tard. « Benkirane sera reconduit à 90 %« , estime un membre influent du parti.
Qu’en dit le patron du PJD ? « Il est prêt à continuer », nous confie un de ses proches. Seule une barrière l’en empêche encore: les statuts. Et cela semble n’être plus qu’un détail, nous souffle-t-on. Pour que l’amendement soit adopté, il faut que le Conseil national soit saisi par le tiers de ses membres (90), par le secrétariat général du parti ou par le propre bureau du Conseil national – présidé par Saad Eddine El Othmani. Question de procédure.
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