Comment Abdelattif Zaghnoun compte-t-il transformer la CDG?

Sortir de l’opérationnel pour se concentrer sur la maîtrise d’ouvrage déléguée, le cofinancement et l’investissement. Voici la nouvelle stratégie lancée par Abdellatif Zaghnoun pour donner un nouveau souffle à la vieille dame de Rabat.

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Abdellatif Zaghnoun, directeur général de la CDG.

Deux ans après sa nomination à la tête de la Caisse de dépôt et de gestion (CDG), Abdellatif Zaghnoun sort de son silence pour annoncer la nouvelle stratégie de son institution à l’horizon 2022. Ce nouveau plan stratégique a pour mot d’ordre de sortir la CDG de l’opérationnel.

« La façon actuelle de faire consomme beaucoup de fonds propres, et présente beaucoup de risques. Ceci limite notre capacité d’intervention », affirme Abdellatif Zaghnoun lors d’un point de presse tenu le 20 juin. Autrement dit, la CDG de demain entend rompre le cordon avec les pratiques anciennes et ne s’engagera plus à tout va.

Exit donc la politique de diversification menée par Mustapha Bakkoury et poursuivie par Anas Alami. Rien que sur la période de 2011-2015, « plus de 45 milliards de dirhams ont été investis » par la caisse selon son patron.

La rentabilité d’abord

Sans freiner les investissements, Zaghnoun veut recentrer la vieille dame de Rabat sur ses activités historiques: la gestion de l’épargne et la prévoyance, la finance et le développement territorial. « La CDG doit rentabiliser ses investissements pour rémunérer l’épargne qui lui est confiée et garantir la pérennité de ses fonds propres« , estime le management de la caisse.

Il est vrai que l’institution publique a été appelée à maintes reprises à la rescousse pour de grands projets structurants au nom de l’utilité publique et l’intérêt du pays. Un rôle antinomique avec les objectifs de rentabilité. C’est ce qui fait dire à Zaghnoun que la rentabilité des investissements est une priorité tout autant que le désengagement de l’opérationnel.

« Nous ne sommes pas là pour concurrencer le secteur privé, mais pour apporter une additionnalité« , ajoute Zaghnoun. Pour ce dernier l’action future de la CDG doit apporter une valeur ajoutée sans se substituer aux acteurs publics ou privés ou avoir un impact significatif sur le secteur ou la problématique traitée, de manière directe ou indirecte.

Comment cela se fera-t-il ? Le nouveau plan stratégique de la Caisse privilégie trois modes qui lui permettront de « gagner en capacité d’intervention« , de « faire jouer l’effet de levier« , et de « mieux gérer les risques pour le groupe« .

La caisse interviendra désormais comme expert, en mettant son savoir-faire au service de l’État, des régions ou de tout autre opérateur en étant maitre d’œuvre délégué sur des projets. Le cas de MEDZ a été évoqué. Cet opérateur, filiale de CDG, se charge actuellement de concevoir, incuber, aménager, développer et gérer des projets de développement territorial comme des zones industrielles ou technologiques.

Selon la nouvelle approche, cette filiale se limitera à la maîtrise d’ouvrage déléguée alors que les projets, eux, seront portés par l’État. « On achetait jusque là le foncier, qu’on inscrivait dans notre bilan, pour ensuite réaliser les travaux d’aménagement, de développement, avant de passer à la commercialisation. Ce schéma d’intervention est très lourd. Désormais, nous allons nous contenter d’effectuer la maîtrise d’ouvrage pour l’État« , explique le DG de la Caisse.

Investir, mais rester minoritaire

La CDG peut également intervenir en tant que cofinanceuse. « Nous pouvons contribuer au financement de projets, à condition qu’ils soient rentables, via des fonds lancés avec d’autres banques et acteurs institutionnels. Mais on ne va pas se substituer aux banques », insiste le directeur général de la CDG.

L’institution planche sur la mise en place de lignes de refinancement mises à la disposition des institutions financières pour adresser les collectivités locales. Elle étudie également le développement de produits de garantie et cofinancement des PME (en partenariat avec le secteur bancaire). Dans ces deux cas, la CDG entend intégrer une offre d’assistance au montage de projets et d’ingénierie juridico-financière pour garantir une forte additionnalité.

Le troisième et dernier rôle que peut jouer la CDG pour intervenir dans l’économie marocaine est celui d’investisseur. Abdellatif Zaghnoun veut encourager le développement du tissu productif et lancer une dynamique notamment au niveau des métiers mondiaux du Maroc. L’industrie, l’agro-industrie, les NTIC et les énergies renouvelables sont des secteurs prioritaires de l’institution publique.

Son objectif est de faire émerger de nouveaux acteurs nationaux et lancer des projets à impact structurant. Mais la CDG entend rester minoritaire dans ces projets et fera autant que possible appel à d’autres opérateurs dans les tours de tables. Le directeur général de la vieille dame de Rabat donne l’exemple par le projet PSA dans lequel la caisse détient 5%, avec une option pour monter à terme à 10%. « Le plus important n’est pas d’être actionnaire majoritaire ou pas, mais plutôt sécuriser l’emploi généré par ce grand projet« , affirme Abdellatif Zaghnoun.

Pour ce faire, il faut pousser les entreprises marocaines à se rejoindre cet écosystème en création. La CDG n’exclut donc pas l’idée de créer un fonds d’investissement qui rentrera dans le capital de ces PME pour leur donner les moyens de développement et de croissance.

Réduire la voilure du groupe

Au-delà de la redéfinition du rôle de la CDG, une réorganisation interne d’actualité. Le groupe se restructure autour de quatre métiers: la gestion de l’épargne, le développement territorial, le tourisme et la banque & investissement.

Abdellatif Zaghnoun opérera « une simplification et clarification des processus de pilotage » en nommant un patron pour chaque pôle. Le directeur général de la CDG compte également réduire la voilure du groupe en termes de taille.

Le nombre d’entités consolidées dépasse les 142 contre 80 seulement en 2007. Un problème que la Cour des comptes avait déjà soulevé dans son rapport sur les entreprises et établissements publics. « La création de certaines filiales a été faite pendant des périodes données où on pouvait comprendre que leur intervention a servi à quelque chose. Mais ce qu’on ne sait pas faire au Maroc de manière générale c’est se retirer à temps. Une fois que le secteur est mature et que le privé est là et remplit bien ses missions, il faut partir« , explique une source proche du dossier.

Du coup, la Caisse a pris un poids que Zaghnoun est bien décidé à alléger. « Il y aura des fusions et des synergies pour diminuer le nombre d’entités consolidées« , promet-il. Des cessions d’actifs non stratégiques, notamment dans le secteur du tourisme, seront également opérées. Un vaste chantier en perspective.

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