En Marche Maroc se mue en think tank pour travailler avec la société civile

Au lendemain des législatives françaises, le référent national d’En Marche au Maroc, Saïd Benhamida, veut en faire un think tank pour que la société civile s’inspire du mouvement lancé par Emmanuel Macron. Interview.

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À la ville, Saïd Benhamida est banquier d’affaires. À la scène, il est, avec Jean-Olivier Arfeuillère, le nouveau référent national du mouvement La République en Marche au Maroc depuis le retrait de Hamza Hraoui le 18 mai.

Initialement séduit par l’aspect européen du programme d’Emmanuel Macron, c’est finalement « la synthèse entre un progressisme social prônant les libertés individuelles et une vision économique plus offensive, favorable à l’investissement pour relancer la croissance » qui a achevé de convaincre le Franco-Marocain de rallier le mouvement.

À ses collègues et son entourage qui s’étonnent de son engagement, Saïd Benhamida répond qu’il souhaite « démontrer par l’exemple qu’on peut avoir un impact sur la scène politique tout en restant membre de la société civile, grâce à une action politique et citoyenne à la mesure de son temps disponible« . « Je veux démontrer que c’est possible, qu’il est nécessaire – par les temps qui courent – d’être engagé pour lutter contre la montée des extrêmes et construire, pièce par pièce, un modèle de société auquel on croit« , explique-t-il encore.

Un témoignage personnel qui sonne comme un appel à grossir les rangs des 600 adhérents d’En Marche au Maroc. Après avoir suscité un engouement pour le candidat (Emmanuel Macron est arrivé en tête au niveau de l’électorat français du Maroc avec 31,6 % dès le 1er tour de la présidentielle), puis limité la casse dans au cours de législatives compliquées pour l’unité du mouvement dans la 9e circonscription des Français de l’étranger, le mouvement En Marche au Maroc est amené à évoluer en think tank. L’objectif est de servir la politique d’Emmanuel Macron consistant à renforcer le rôle de la société civile dans les jeunes démocraties.

Telquel.ma : L’élection de M’jid El Guerrab comme député dans la 9e circonscription marque-t-elle, enfin, la fin d’un climat délétère parmi les « marcheurs » au Maroc ?

Saïd Benhamida : Nous nous félicitons du résultat parce qu’il prouve la force du mouvement auprès des Français de l’étranger. La majorité présidentielle remportant 10 circonscriptions de l’étranger sur 11, c’est l’engagement des présidentielles qui est confirmé. Dans la 9e, nous sommes heureux que ce soit un candidat qui a été soutenu par En Marche qui se retrouve à la tête de la circonscription et qui plus est un binational. Nous regrettons l’imbroglio qui a créé une confusion auprès de nos adhérents et des électeurs malgré les différents communiqués d’En Marche Maroc, et nous regrettons que certains comités n’aient pas suivi la ligne que nous avions recommandée. Nous respectons toutefois les convictions de chacun et nous sommes désormais en mesure de reconstruire une unité autour d’une nouvelle dynamique pour le mouvement au Maroc.

Sachant qu’En Marche Maroc n’a tout de même pas fait campagne pour M’jid El Guerrab, allez-vous pouvoir travailler ensemble?

En Marche Maroc a toujours été en ligne avec la position du QG et nous avons apporté notre soutien à M’jid El Guerrab dès le choix définitif de candidat arrêté par le mouvement. Donc, oui, nous allons bien évidemment travailler ensemble et j’espère très vite. Nous avons félicité M’jid El Guerrab le soir de son élection, et son travail de député commence dès le lendemain comme il l’a rappelé lui-même. Il y a beaucoup d’espoir chez les électeurs. Aussi, le mouvement et M’jid El Guerrab ont désormais une responsabilité collective de taille pour réussir le renouveau politique attendu. Le rôle des référents et des comités va être capital pour cela. Ils sont une excellente plateforme d’échange entre le mouvement, les élus et les adhérents, pour rester toujours proche du terrain.  

Désormais, il n’y a plus d’échéance électorale avant 5 ans. Est-ce que le rôle d’En Marche se borne à être comptable des promesses de campagne, à la fois au niveau local auprès du député, et national auprès du parti ?

Nous n’avons pas un rôle d’observateur qui s’assurerait que les promesses de campagne sont bien tenues. Notre rôle est de continuer de développer le mouvement au Maroc et de créer davantage de passerelles entre La République En Marche et les Français et binationaux résidents au Maroc. Nous allons redéfinir En Marche Maroc à travers deux axes.

Le premier, va consister à tenir régulièrement des ateliers, dans chaque ville, sur des thématiques proposées par les comités et qui seront propres aux Français de l’étranger. Il pourra s’agir des conditions d’accès à l’enseignement français à l’étranger, de la couverture sociale, des moyens consulaires, etc. Ce sont en fait des problématiques concrètes sur lesquelles nous allons continuer de réfléchir avec nos adhérents afin d’alimenter le QG en recommandations issues du terrain.

Le deuxième axe est une vision à plus long terme. Il s’agit de créer un espace de réflexion de type think tank au sein duquel nous traiterons de questions de fond sur le rôle de la société civile en politique ou encore la place des binationaux dans la promotion d’une France ouverte sur le monde. Nous souhaitons dans ce cadre promouvoir les échanges avec des partis politiques marocains, des associations, des acteurs de la société civile bien sûr, et voir comment l’expérience du mouvement en France peut inspirer davantage d’engagement citoyen.

En parlant de la France et du Maroc, lorsqu’il était à Rabat le 14 juin, Emmanuel Macron a déclaré: « Je pense que nous pouvons conduire dans la même direction des politiques africaines qui ne sont pas totalement similaires, mais dont l’objectif et les finalités sont largement partagés: la stabilité politique et démocratique, le développement des sociétés civiles, et une croissance soutenable sur le plan environnemental« . Ce think tank En Marche Maroc sera-t-il donc un outil d’influence pour appliquer la politique africaine d’Emmanuel Macron?

Les prochains mois seront capitaux pour la réorganisation du mouvement. Le QG a lancé une consultation élargie auprès des comités à l’étranger pour établir les prérogatives et rôles de chacun. Néanmoins, celui d’En Marche Maroc sera plus de l’ordre du partage d’expérience que de l’influence. Les démocraties sont jeunes dans cette partie du monde et elles ont l’occasion de s’inspirer d’un mouvement qui a prouvé sa pertinence en France pour créer une nouvelle dynamique politique. Une dynamique qui a permis de sortir des vieux schémas politiques de jeux de partis qui, dans le cas de la France, ont démontré leurs limites. En ce sens, l’intervention d’Emmanuel Macron à Rabat était très inspirante, et je suis, pour ma part, comme beaucoup de binationaux, très heureux de voir les liens entre le Maroc et la France renforcés par cette visite chargée en symboles.

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