Transparency Maroc écartée de la commission nationale de lutte contre la corruption

Le gouvernement Othmani a annoncé la création d'une Commission nationale de lutte contre la corruption. Une initiative dont la société civile a été écartée, malgré sa contribution en la matière.

Par

Chez Transparency Maroc, le directeur de l’observatoire de la corruption Fouad Zirari ne décolère pas après avoir appris « par la rumeur » que la société civile ne serait pas conviée à la nouvelle Commission nationale de lutte contre la corruption. « Nous avons été partie prenante dans la préparation de la stratégie nationale de lutte contre la corruption adoptée il y a deux ans. Il ne manquait qu’à mettre en place la commission anticorruption. Et nous apprenons que le gouvernement a finalement décidé de faire cavalier seul…« , déclare-t-il, déçu.

 

Interpellé à la Chambre des représentants le 23 mai, Saâd Eddine El Otmani avait dessiné les contours de cette commission chargée « du suivi et de l’exécution des différentes orientations stratégiques (…) susceptibles de renforcer la transparence, de lutter contre la corruption« . Cette commission est le fruit d’une politique entamée dès la fin des années 1990, et renforcée par la constitution de 2011 qui criminalise « les infractions relatives aux conflits d’intérêts, aux délits d’initié, au trafic d’influence et de privilèges, à l’abus de position dominante et de monopole« .

Le gouvernement Benkirane avait injecté plus de 3 milliards de dirhams dans la lutte contre la corruption. De son côté, le gouvernement El Othmani a accéléré l’adoption de la stratégie nationale de 2015 qui affiche deux ambitions majeures: « inverser la tendance de manière irréversible et visible tout en renforçant la confiance des citoyens« , et « améliorer l’intégrité des affaires et le positionnement du Maroc à l’international« . La nouvelle commission devra concrétiser ces objectifs.

« Tout ceci n’est qu’une vitrine »

La commission devra notamment « accompagner les différents secteurs concernés par la politique générale relative à la lutte contre la corruption« , selon le chef du gouvernement. Un souhait partagé par Transparency Maroc qui a contribué à l’adoption de la stratégie nationale de 2015. L’ONG déplore d’ailleurs le retard dans la mise en place de la commission « qui aurait dû voir le jour il y a deux ans« , d’après Fouad Zirari. Aujourd’hui écarté du projet, le directeur de l’observatoire contre la corruption remet en question les objectifs de l’Exécutif. Le directeur de l’observatoire de la corruption de Trasparency Maroc estime que « le gouvernement n’a pas réellement la volonté de lutter contre la corruption. Sinon, il aurait intégré la société civile sans qui rien ne serait possible dans ce combat. Tout ceci n’est qu’une vitrine pour faire bonne impression sur la scène internationale« .

Malgré les moyens humains et financiers colossaux mis en oeuvre depuis plus d’une décennie, Transparency Maroc déplore le fait que la lutte contre la corruption ne se résume « qu’aux discours« . Lors de son intervention à la Chambre des députés, le chef du gouvernement a pourtant rappelé que 2.992 poursuites pour corruption ont été enregistrées en 2016. Il a également indiqué que 57 affaires avaient été soumises par la Cour des comptes au ministère de la Justice. Pas de quoi rassurer Fouad Zirari. « La lenteur de la justice, les grands scandales étalés dans la presse, les indicateurs d’instances internationales… Tout nous indique que nous sommes dans le rouge« , déplore-t-il.

Lire aussi : Corruption: un magistrat de la Cour d’appel de Rabat arrêté en flagrant délit

Les acteurs de la société civile et le gouvernement sont d’accord sur au moins un point: l’urgence de la situation. En janvier 2016, le Maroc perdait 8 places dans l’Indice de Transparency International de perception de la corruption, passant ainsi de la 80e à la 88e position, sur 175 pays. Si elle est déjà sujette à la polémique, la Commission nationale de lutte contre la corruption ne manquera pas de travail. Ses actions seront minutieusement scrutées par la société civile qui ne risque pas d’être indulgente.

Rejoignez la communauté TelQuel
Vous devez être enregistré pour commenter. Si vous avez un compte, identifiez-vous

Si vous n'avez pas de compte, cliquez ici pour le créer