Cédéao: une demande d'adhésion et des questions

À moins de trois jours de la Conférence des chefs d’État de la Cédéao, de nombreuses interrogations subsistent quant à l’approbation de la demande d’adhésion marocaine.

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Nasser Bourita et son homologue ivoirien Marcel Amon-Tanoh, en 2017. Crédit: MAP

Le Maroc intégrera-t-il la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao), cet espace économique de 300 millions d’habitants? C’est tout l’espoir. Le 4 juin prochain, la capitale libérienne, Monrovia, accueille la Conférence des chefs d’État de l’organisation sous-régionale ouest-africaine à laquelle le Maroc souhaite adhérer après avoir formulé une demande dans ce sens au mois de février. Celle-ci sera traitée par les 15 chefs d’État des pays membres de l’organisation.

Si le projet venait à se concrétiser, le Maroc trouverait une alternative à la moribonde Union du Maghreb arabe (UMA) en rejoignant un ensemble régional où sont présents certains de ses plus proches alliés comme la Côte d’Ivoire et le Sénégal. Alors que la diplomatie marocaine se montre confiante quant à son adhésion, et bénéficie du soutien de près d’un tiers des pays membres de l’organisation, de nombreux doutes subsistent à moins de 72 heures de l’évènement.

Le Maroc est-il un pays d’Afrique de l’Ouest ?

Alors que le royaume venait de formuler sa demande d’adhésion auprès de la présidente libérienne Ellen Johnson, une source diplomatique marocaine affirmait à Telquel.ma que le royaume « est en conformité avec les dispositions du traité fondateur de la Cédéao » tout en précisant que le Maroc « satisfait totalement aux critères d’adhésion » de l’organisation.

Or, le texte signé par les 15 membres fondateurs de la communauté ouest-africaine en 1975 spécifie dans le deuxième paragraphe de son premier article que les membres de la Communauté « sont les États qui ratifient ce Traité et tout autre État de l’Afrique de l’Ouest qui y adhère« . Le royaume étant, géographiquement parlant, considéré comme un pays d’Afrique du Nord, il reviendra aux diplomates marocains de convaincre les 15 chefs d’État de la Cédéao que le Maroc peut être considéré comme un pays de l’Ouest africain.

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Si le Maroc parvient à franchir l’écueil de la délimitation géographique, il devra ensuite obtenir le soutien des chefs d’État des pays membres pour adhérer à la Cédéao. À ce jour, il est impossible d’évaluer le nombre de soutiens que le Maroc doit obtenir pour adhérer à la communauté ouest-africaine, car la dernière version du traité de la Cédéao, adoptée en 2005, ne prévoit pas l’adhésion de membres. Le texte indique seulement que les décisions des chefs d’État des pays membres de l’organisation « sont prises selon les matières à l’unanimité, par consensus, à la majorité des deux tiers des États membres« .

Quatre soutiens officiels

Jusque-là, quatre pays ont affiché leur soutien au Maroc. Le dernier en date est le Burkina Faso dont le ministre des Affaires étrangères, Alpha Barry, avait déclaré: « notre position est celle de bienvenue. Nous appartenons au même espace et le Burkina se dit très disposé à examiner la question de l’adhésion du Maroc à la Cédéao« .

Le diplomate burkinabé, qui s’exprimait lors d’une conférence de presse tenue le 29 mai à l’issue d’une rencontre avec son homologue marocain Nasser Bourita, avait également finalisé un accord sur la suppression des visas. On notera que la Cédéao ambitionne de supprimer les « obstacles à la libre circulation des personnes » dans l’article 3 de son traité révisé consacré aux « buts et objectifs« .

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Au mois de mars, à l’occasion d’une tournée de l’ancien ministre des Affaires étrangères Salaheddine Mezouar, trois chefs d’État ouest-africains avaient affiché leur soutien à la demande d’adhésion marocaine. À Niamey, le président nigérien Mahamoudou Issoufou affirmait que son pays comptait « appuyer favorablement la demande du roi Mohammed VI« , tout en soutenant que la Cédéao est « un espace naturel pour le Maroc, compte tenu des liens historiques d’amitié entretenus par le Royaume avec les pays de la région ».

Même son de cloche du côté du président sénégalais Macky Sall qui déclarait avoir « beaucoup apprécié » la démarche marocaine. La candidature du royaume a également bénéficié du soutien du président bissau-guinéen José Mario Vaz qui s’est dit « 100% disponible pour soutenir l’intégration du Maroc dans la Cédéao ».

Alors que la candidature marocaine bénéficie du soutien de près d’un tiers des membres de la Cédéao, aucun pays membre de la communauté n’a affiché son opposition, comme l’affirmait le ministre des Affaires étrangères Nasser Bourita au mois d’avril. « Nous n’avons pas eu de pays réticents. Bien au contraire. Beaucoup de pays se sont exprimés soit oralement soit par écrit » avait déclaré le diplomate marocain dans une interview accordée à RFI au mois de mai sans pour autant spécifier le nombre de soutiens au Maroc.

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Absence d’ordre du jour

Autre détail, et pas des moindres, aucun ordre du jour relatif au sommet des chefs d’États ouest-africains n’a été publié jusque-là par la Cédéao. Dans l’entretien qu’il a accordé à RFI, au mois de mai, Nasser Bourita avait déclaré que la candidature marocaine pouvait aboutir le « mois prochain« . On notera également qu’aucun représentant de la Cédéao ou des pays membres n’a indiqué que la candidature marocaine serait traitée lors du sommet de Monrovia. Selon nos informations, des représentants du Maroc sont actuellement présents dans la capitale libérienne où ils espèrent une réponse favorable le 4 juin prochain. Contacté par Telquel.ma, le ministre des Affaires étrangères n’a pas répondu à nos sollicitations.

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