Que pensent nos politiques du Hirak d'Al Hoceima ?

Face au regain de tension dans le Rif entre les autorités et le mouvement de protestation, que pensent les leaders de nos partis politiques?

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18 mai 2017 : une des nombreuses manifestations qui ont agité le Rif. Crédit: Yassine Toumi/TelQuel

À Al Hoceima, autorités et militants se sont longuement exprimés au cours d’une semaine particulièrement tendue, surtout sur la fin. Quid des politiciens, censés jouer le rôle d’intermédiaires? Telquel.ma a donné la parole à un maximum de responsables politiques de premier plan. Ces derniers sont tout sauf indifférents face à la situation qui prévaut dans le Rif depuis plus de sept mois. Toutefois, ils demeurent prudents et mesurés dans leurs déclarations. S’ils s’accordent tous sur le caractère « légitime » des revendications sociales et économiques du Hirak, ils critiquent le refus de militants de dialoguer avec la délégation ministérielle qui a fait la semaine dernière le déplacement à Al Hoceima, mais également l’irruption de Nasser Zefzafi dans une mosquée lors du prêche de vendredi dernier.

Mohand Laenser © Yassine Toumi
Mohand Laenser © Yassine Toumi

Mohand Laenser, secrétaire général du Mouvement populaire

« Que veulent-ils ? Que le secrétaire général des Nations unies fasse le déplacement? »

Tant que les revendications des manifestants traitent de problématiques sociales et économiques, on ne peut que les encourager, car elles sont légitimes. Et tant que les manifestations sont pacifiques et respectent les libertés des autres, on ne peut qu’applaudir cette forme d’expression. Les gens qui soutiennent et appellent à la libération des personnes arrêtées ont le droit de le faire, mais c’est à la justice de trancher. Depuis quelque temps, on a l’impression que les manifestations et le cahier revendicatif du mouvement font l’objet de manipulations. Et c’est intolérable. L’État a émis son désir de dialoguer en dépêchant sur place plusieurs ministres et le fait de refuser de dialoguer est un problème. Que veulent-ils ? Que le secrétaire général des Nations unies fasse le déplacement ? Je mets l’accent sur le dialogue, une clé primordiale pour aller de l’avant.

Nabil Benabdellah devant le comité central du PPS . Crédit : Rachid Tniouni
Nabil Benabdellah devant le comité central du PPS . Crédit : Rachid TniouniCrédit: Rachid Tniouni / TelQuel

Nabil Benabdellah, secrétaire général du PPS

« Ce qui se passe à Al Hoceima démontre l’absence d’encadrement de la population »

Nous avons dès le départ estimé que les revendications sociales des habitants étaient légitimes. Ces revendications sont valables dans différentes régions reculées. Il faut le dire, le Maroc a fait un effort en matière de développement, mais les carences et les insuffisances subsistent notamment au niveau des couches défavorisées. Nous appelons le gouvernement à poursuivre sa politique de réforme, et à résoudre rapidement les problèmes sociaux. Ces protestations devraient être réglées dans un cadre pacifique et sans recours à la violence de la part de l’État et des manifestants. Ce qui se passe à Al Hoceima démontre l’absence d’encadrement de la population. Ceci appelle à la nécessaire remise en cause du paysage politique national, notamment à travers la valorisation des partis politiques et le respect de leur crédibilité. Nous devons aller plus en avant dans la construction du modèle démocratique. S’il y a des débordements, c’est parce qu’il y a carence en matière de partis politiques crédibles capable d’encadrer la population. Il faut remettre en question cette politique.

Ces derniers jours, les développements dans le Rif sont regrettables. L’État a manifesté sa volonté de dialoguer, discuter et résoudre les problèmes en dépêchant une délégation de ministres sur place, mais certains comportements ont troublé cette attitude. Nous sommes pour l’expression libre des revendications sociales, mais nous considérons les actes de provocation comme celui perpétré dans la mosquée sont inadmissibles. La situation aujourd’hui exige calme, pondération et sagesse et strict respect de l’État de droit de la part de tout le monde. Aucun conflit à travers le monde n’a pu se résoudre dans l’instabilité et les désordres.

Crédit: R. Tniouni
Crédit: R. TniouniCrédit: DR

Nourdin Moudiane député à Al Hoceima (Parti de l’Istiqlal)

« Malgré les efforts fournis, Al Hoceima est marginalisée. »

J’ai suivi et vécu ce qui s’est passé à Al Hoceima. J’espère que cette situation va se régler. La tension va se dissiper pour le bien de la nation. Le dialogue est la solution la plus plausible pour régler la plus grande problématique. La population de la province a le droit de porter ses revendications sociales. Malgré les efforts fournis, Al Hoceima est marginalisée. L’État devrait répondre favorablement aux revendications de la population.  Ce qui s’est passé dans la mosquée est une erreur, mais on essaie de travailler afin que les choses se passent de manière pacifique. On doit être intelligents afin de faire primer l’intérêt suprême de la nation.

Ilyass El Omari . Crédit : Aicpress
Ilyass El Omari . Crédit : Aicpress

Ilyas Elomari, secrétaire général du PAM*

« J’ai pris la décision d’ouvrir le dialogue en tant que président de la région »

Si j’ai gardé le silence sur ce qui se passe dans mon village et dans ses environs, ce n’est pas par lâcheté, ou parce que je ne dispose pas de réponse, mais je me suis convaincu que le silence est une victoire pour la nation et la population (…) Dois-je raconter pour que vous sachiez qui est le responsable, ou garder le silence par patience et pleurer en silence afin de préserver les autres ? (…) j’ai écrit au gouvernement au sujet du Hirak et j’ai parlé à plusieurs ministres afin qu’ils réagissent avant qu’il ne soit trop tard. Certains d’entre eux m’ont dit que je n’ai pas le droit de leur écrire. J’ai insisté, en vain. Viendra le jour où j’en dirai encore plus. Personne ne m’a demandé d’intervenir ni en tant que personnalité publique, politique ou partisane. (…) Que voulez-vous ? Que je sorte un communiqué pour pointer du doigt tel ou tel responsable? Que je dépose ma démission afin que vous disiez que je suis un héros?  Non, je ne le ferai pas. Je préfère encore subir toutes les insultes plutôt que de devenir un héros en papier sur les malheurs de la population de mon village (…) J’ai donc pris la décision d’ouvrir le dialogue en tant que président de la région.

* publié sur sa page Facebook

Crédit : Yassine Toumi/TELQUEL
Crédit : Yassine Toumi/TELQUEL

Nabila Mounib, secrétaire générale du PSU*

« Les attentes sont grandes et il faut y répondre en combattant les corrompus »

Nous sommes solidaires avec les manifestants à Al Hoceima et dans sa région. La réponse aux revendications du Hirak du Rif ne doit pas se faire dans la répression et l’oppression. Si on veut préserver la stabilité et la paix au Maroc, il est nécessaire de trouver des solutions aux attentes de la population du Rif. Les responsables devraient donc tendre l’oreille aux revendications des manifestants du Rif, mais aussi d’ailleurs afin de leur garantir la dignité et les droits élémentaires à tous les citoyens. Les attentes sont grandes et il faut y répondre en combattant les corrompus.

*Lors de la manifestation du 28 mai en soutien au Hirak du Rif à Casablanca.

 

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