En Marche! Maroc met sa campagne en "stand-by" après l’investiture de Leila Aïchi jugée "pro-polisario"

L’investiture par En Marche! de la candidate Leila Aïchi aux législatives dans la 9e circonscription des Français de l’étranger a suscité une levée de boucliers au Maroc où elle est jugée "pro-Polisario". Elle évoquait "l'occupation marocaine" au Sahara en 2013. Décryptage dépassionné.

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Leila Aichi et Emmanuel Macron, en campagne le 12 avril à Pau, fief de François Bayrou. Crédit : Leila Aichi / Twitter

Le mouvement « La République En Marche » (REM) fondé par Emmanuel Macron, élu président de la République française le 7 mai, a dévoilé le 11 mai une première liste de 428 candidats qu’il investit pour les législatives qui auront lieu les 11 et 18 juin. Pour la 9e circonscription des Français établis hors de France — qui couvre l’Afrique du Nord et de l’Ouest et compte quelques 150.000 Français inscrits sur les listes consulaires, dont un tiers au Maroc — REM a investi Leila Aïchi, jusqu’alors sénatrice.

Problème: la sénatrice, élue en 2011 avec le groupe Europe Écologie Les Verts, a initié en février 2013 « un colloque sur le Sahara occidental » à Paris. À cette occasion, elle s’était publiquement « alarmée de l’indifférence internationale quant au sort réservé au peuple sahraoui« , et avait « dénoncé l’alignement systématique de la France sur la politique marocaine au Sahara occidental, et ce malgré les graves violations des droits de l’homme constatées par les ONG humanitaires« . Leila Aïchi ajoutait encore que « le Sahara occidental et ses habitants subissent l’occupation marocaine depuis près de quarante ans« .

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En 2015, dans une interview filmée avec le site d’information participatif Chouf Chouf, elle déclarait aussi  que « la question du Sahara est éminemment une question de droit de l’Homme. C’est le dernier conflit colonial qui existe« .

Le Maroc s’en souvient. À l’époque du colloque, d’ailleurs, des associations marocaines et le président du groupe d’amitié France-Maroc du Sénat Christian Cambon s’étaient élevés contre le parrainage par le Sénat de ce colloque. « Il est évident que ce colloque a aussi gêné les autorités marocaines« , déclarait alors Leila Aïchi  au quotidien algérien El Watan. Et d’ajouter aussitôt: « Ceci dit, ce n’est pas parce qu’on critique des positions d’un État qu’on est contre cet État ou contre son peuple« .

Son investiture a suscité une levée de boucliers au Maroc. Difficile d’identifier clairement qui a lancé ce mouvement d’indignation qui se répand comme une trainée de poudre sur les réseaux sociaux. Il pourrait notamment s’agir de Said Laatiris, maire adjoint de la commune française de Grigny, d’origine marocaine…

… ou encore du Cercle Eugène Delacroix, l’association d’élus de la République française de tous bords politique pour l’amitié entre la France et le Maroc pour qui cette « investiture constitue une faute morale de la commission d’investiture ».

S’attendant à l’investiture d’Augustin Augier ou de M’jid El Guerrab en lieu et place de Leila Aïchi, le mouvement En Marche! Maroc « met en stand-by sa campagne pour les législatives« , annonce le 12 mai son représentant.

Hamza Hraoui précise que l’investiture de Leila Aïchi a été proposée par le MoDem. Élue sénatrice sous la bannière écologiste, Leila Aïchi s’était en effet ralliée par la suite au parti centriste. Son président, François Bayrou, était l’un des premiers soutiens à la candidature d’Emmanuel Macron à la présidentielle. Pourtant, « la liste des investitures publiée cet après-midi est celle du mouvement politique En Marche!, elle n’est en aucun cas celle à laquelle le MoDem a donné son assentiment« , déclare Bayrou à l’AFP le 11 mai. Il précise au Monde, « très remonté », que le MoDem et REM étaient « parvenus à un accord sur 120 circonscriptions. Il en restait 25 à trouver, ce qui était évident et facile. J’ai déjeuné en tête à tête avec Emmanuel Macron et il n’y avait plus de discussion autour de cet accord. Jeudi matin, M. Ferrand arrive et nous informe que l’accord ne tient plus et que son parti annoncera ses propres investitures, réservant au MoDem 38 sièges ». Le MoDem a convoqué un bureau politique pour la soirée du 12 mai. « Nous attendons l’issue de ce bureau politique pour en savoir plus, » explique Hamza Hraoui. « Nous sommes les premiers défenseurs des relations entre la France et le Maroc et ce n’est pas un siège dans la 9e circonscription qui peut avoir une influence sur ces relations, » ajoute-t-il.

Du côté des collaborateurs de Leila Aïchi, on réfute clairement l’étiquette « pro-polisario » qui a immédiatement été accolée à la candidate aux législatives. « Elle a été co-responsable il y a quelques années d’un colloque où il y avait quelques Sahraouis. Elle est sénatrice française, et elle a une ligne égale avec tous les pays. C’est aussi ça la démocratie. Elle est extrêmement critique sur la politique des pays voisins du Maroc au Maghreb ou en Afrique et elle n’a jamais eu un mot contre le Maroc, ni contre son peuple, ni contre son roi« , déclare un de ses collaborateurs à Telquel.ma. « Je vois les commentaires qu’a suscités sa candidature au Maroc. C’est l’œuvre d’extrémistes qui n’aident pas à résoudre les problèmes », pense-t-il. « Madame Aïchi est en ce moment au ministère de l’Intérieur pour compléter des démarches administratives. Elle s’exprimera bien évidemment sur cette question, qui est une question parmi d’autres« , promet-il.

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