Votre banquier ne vous en a probablement pas informé, mais, depuis quelques semaines, l’établissement dans lequel vous détenez un compte a l’obligation de vous faciliter la vie si vous avez envie de passer chez la concurrence. C’est ce que prévoit en effet un code de conduite sur la mobilité bancaire, entré en vigueur depuis la mi-janvier. Dans les grandes lignes, cette convention, signée par les directeurs des banques de la place en personne, réunis sous la bannière du Groupement professionnel des banques du Maroc (GPBM), engage les établissements à accomplir un ensemble de démarches au profit des clients pour leur permettre de transférer leur compte d’un établissement à un autre de manière aisée et fluide.
Bien que la signature de ce code remonte déjà à juillet dernier, ce qui fait que les opérateurs ont disposé d’un délai généreux pour se préparer, on ne peut pas dire que tout est au point aujourd’hui, à commencer par l’information du public. Cela a d’ailleurs valu aux banques de se faire tirer les oreilles par le wali de Bank Al-Maghrib, Abdellatif Jouahri, lors du dernier conseil d’administration de l’institution, tenu en mars dernier. Il reste à rappeler que c’est initialement la banque centrale qui avait à cœur de mettre en place un dispositif de mobilité bancaire. “Et en cela, elle est pleinement dans son rôle puisque ce genre de facilités est destiné à libérer la concurrence sur le marché bancaire, ce qui ne peut être que profitable pour la clientèle”, observe un spécialiste.
Une com’ très discrète
Mais ce serait à vrai dire injuste de reprocher aux établissements bancaires de n’avoir rien fait pour faire connaître les dispositions de cette mobilité. Ces derniers ont en effet fourni un effort de communication, mais il reste bien discret. Une petite rubrique “Mobilité bancaire” a fait son apparition ces dernières semaines sur les sites Web institutionnels de la plupart des banques (BMCE Bank of Africa, Société Générale, BMCI…). On y explique aux clients la marche à suivre pour transférer leurs comptes. Les établissements mettent aussi à la disposition de la clientèle, sur leur site, un guide pratique téléchargeable qui détaille la démarche à suivre. On apprend aussi, en coulisses, que certains établissements ont diffusé des notes internes au niveau de leurs agences pour les informer des nouvelles obligations vis-à-vis des clients qui souhaitent changer de banque.
En somme, un chargé de clientèle ne peut plus faire l’étonné devant un particulier qui demande à profiter du dispositif de mobilité bancaire. Quelle assistance est justement en droit d’espérer le client ? “Le grand problème qui se pose quand on change de banque est qu’on est rarement au fait, dès le départ, de l’ensemble des démarches à accomplir, ce qui fait qu’on peut commettre des erreurs qui peuvent coûter cher”, reconnaît un professionnel. Un compte non clôturé et c’est le compteur des frais de tenue de compte qui continue de tourner pendant des années. Un prélèvement dont on oublie de changer la domiciliation et c’est l’incident de paiement garanti… Le premier intérêt du dispositif en place est donc d’informer le client d’entrée de jeu de tout ce qu’il aura à faire.
Pour résumer les grandes étapes, telles qu’elles figurent dans le guide de la mobilité fourni par les établissements bancaires, le client doit en premier lieu ouvrir un compte chez sa nouvelle banque et recueillir auprès d’elle son nouveau relevé d’identité bancaire (RIB). Ensuite, il devra changer la domiciliation des virements reçus (salaires, pensions…) et des prélèvements (électricité, téléphone…) de l’ancien compte vers le nouveau. Les guides téléchargeables fournissent tous les modèles de lettres de demandes (changement de domiciliation…) nécessaires pour accomplir ces démarches.
Divorcer en 30 jours
Plus qu’informer, le nouveau dispositif permet même au client de charger sa nouvelle banque d’accomplir toute la procédure à sa place. Ainsi, celle-ci peut être mandatée pour demander à l’ancien établissement du client la liste des organismes qui prélèvent de l’argent sur son compte ou qui lui en virent. Bien sûr, l’établissement qui perd un client, ayant moins à gagner dans l’opération, il n’est pas exclu qu’il traîne des pieds avant de s’exécuter. Et c’est à dessein que le code signé par les banques prévoit que l’information soit communiquée entre établissements dans un délai de 30 jours, ce qui reste un délai plutôt généreux pour une opération aussi basique, de l’aveu même de directeurs d’agence.
À partir de là, la nouvelle banque du client se charge de transmettre ses nouvelles coordonnées bancaires aux organismes émetteurs de virements. Et elle en fait de même avec les autorisations de paiement en annulant les anciennes rattachées à l’ancien compte et en mettant en place de nouvelles. Là encore, pour rester sur des délais raisonnables pour le client, le tout doit être accompli en 30 jours maximum.
Précision importante, il faut noter que la nouvelle banque n’a pas d’obligation de résultat. En cela, les établissements protègent leurs arrières car l’issue de toutes ces démarches est loin d’être garantie. “Dans les faits, les circuits de communication entre les banques sont loin d’être infaillibles, et cela est encore moins vrai lorsqu’il s’agit de communiquer de nouvelles coordonnées bancaires aux opérateurs télécoms, aux gestionnaires délégués de l’eau et de l’électricité…”, explique un directeur d’agence. En bout de chaîne, le client doit encore clôturer son ancien compte, mais il ne peut charger sa nouvelle banque de le faire à sa place. Le dispositif de mobilité, tout en inscrivant l’opération dans un délai de 30 jours, ne fournit en l’occurrence qu’un modèle de lettre de demande de clôture de compte et attire l’attention sur les précautions à prendre dans ces cas (alimenter le compte pour apurer les opérations en cours, par exemple).
De même, le détenteur de compte ne peut s’en remettre qu’à lui-même pour traiter les éventuels contrats d’assurance-vie ou les prêts rattachés à son ancien compte. “La mobilité aurait pu jouer sur ce plan un rôle intéressant en permettant au client de transférer ses produits vers son nouveau compte”, estime un professionnel. Si effectivement Bank Al-Maghrib avait pensé étendre la mobilité à ces solutions également, les banques auront in fine réussi à faire pencher la balance de leur côté. La révolution se fera manifestement à petits pas.
En ligne avec les marchés développés
Une fois n’est pas coutume, le Maroc a été aussi rapide que les marchés les plus avancés pour défendre les intérêts des clients de banques. Le hasard du calendrier a en effet voulu que les opérateurs nationaux mettent en place la mobilité bancaire à quelques jours de l’adoption d’un dispositif similaire en France. Même en Allemagne, les mesures de facilitation remontent à tout juste septembre 2016. Cela s’est toutefois fait en France à travers une loi (la loi Macron, adoptée le 6 février), et non pas seulement comme au Maroc, dans le cadre d’un code de conduite qui a naturellement une force moindre. C’est sans doute pour cela que les effets sur le marché français ont été immédiats avec des milliers de clients qui ont changé de camp dès l’entrée en vigueur de la loi. À l’international, on est aussi allés plus loin qu’au Maroc en évitant aux clients la corvée de devoir racheter leurs prêts et leurs contrats d’assurance-vie avant de pouvoir changer de banque, ce qui est notamment le cas aux Pays-Bas.
Par Najat Lasri
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