Mohamed Rahj, universitaire et fiscaliste: "Le PJD, c’est ce loup auquel on a enlevé les canines"

Telquel.ma s'est entretenu avec l'universitaire et fiscaliste Mohamed Rahj de la question des budgets des portefeuilles ministériels et leur impact sur la scène politique.

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Le fiscaliste et professeur à l’ISCAE, Mohamed Rahj Crédit: DR

À peine le gouvernement a-t-il été formé que les budgets gérés par les ministères du RNI et du PJD suscitent les interrogations. Pour quel parti la balance penche-t-elle? Et quid du fonds de développement rural de 50 milliards dont Aziz Akhannouch, qui n’a plus le statut de technocrate, garde encore le contrôle? L’universitaire et fiscaliste Mohamed Rahj, connu pour sa maitrise du sujet, répond à nos questions.

Telquel.ma: Au lendemain de la nomination du gouvernement, un débat clivant s’est imposé autour des portefeuilles respectifs du RNI et du PJD. Lequel de ces partis contrôle le budget le plus important selon vous?

Mohamed Rahj: Ce que je sais, c’est qu’il y a un budget fixé par l’ancien gouvernement et qui a été retiré pour réaménagement technique. Il y a des ministères qui ont disparu, il y a de nouveaux ministères et des directions qui ont changé d’affectation. Par voie de conséquence, le ministre des Finances a fait retirer le texte, mais pour simple réaménagement. Il faut donc tenir compte de la nouvelle architecture. Pour les questions de fond, je ne pense pas qu’il y aura un changement pour la raison simple que le gouvernement n’a pas encore présenté son programme devant le Parlement. Une fois que ce sera fait, il faudra vérifier les aménagements apportés. Prenons comme exemple le ministère des Droits de l’Homme qui n’existait pas, mais qui aura désormais un budget à part. Je prends aussi comme exemple des directions qui ont disparu de certains départements et qui ont été affectées à d’autres ministères [comme le transport aérien qui est passé du ministère du Transport à celui du Tourisme, NDLR].

Les réaménagements au niveau du budget seront-ils importants?

Il faut attendre que la déclaration gouvernementale soit présentée devant le parlement. Il faudra aussi patienter probablement quelques mois pour savoir si le gouvernement aura la possibilité de présenter un budget rectificatif comme le prévoit la loi organique des finances, ou s’il maintiendra le cap comme en 2011, c’est-à-dire en exécutant le budget tel qu’il a été conçu par l’ancien gouvernement. On attendrait dans ce cas jusqu’en 2018 pour voir les nouvelles orientations.

Pour revenir à la question initiale, dans quelle mesure le budget détenu par les ministères du RNI pourrait-il le renforcer sur le plan électoral ?

L’argent, c’est le nerf de la guerre. On peut avoir un ministère important, mais sans moyens. C’est ce que j’appelle les ministères politiques. Prenons comme exemple celui des Droits de l’Homme. Il peut être important au niveau politique, mais sans grande influence. Ce n’est pas avec ça qu’on gagne des voix lors des élections. Il faut dire aussi que le PJD a obtenu des ministères techniques, mais sans grands moyens sur le plan financier.

À l’opposé, les ministères gérés par le RNI sont très importants, voire omnipotents, sur le plan du budget de l’État (Finances, Agriculture…). Le RNI – façon de parler, car ce sont des ministres technocratiques à qui on a fait porter des habits du RNI – détient donc des ministères budgétivores avec des impacts importants sur les plans économique, financier et politique.

D’ailleurs, même le PPS qui n’a obtenu que douze sièges dispose, grâce au département de la Santé, d’un budget plus important que tous les ministères du PJD réunis. En plus, le ministère de la Santé peut avoir de l’influence. Par exemple, si demain il baisse ou augmente les prix des médicaments, les gens y seront sans doute sensibles, contrairement à l’énergie qui ne dit pas grand-chose aux gens. Le PJD, c’est ce loup auquel on a enlevé les canines et qu’on somme de manger.

La question du fonds de développement rural de 50 milliards de dirhams se pose aussi. Retiré à l’ancien chef du gouvernement pour éviter le risque d’une instrumentalisation à des fins électoralistes, il a été confié à Aziz Akhannouch, alors technocrate. Maintenant qu’il préside le RNI, est-il judicieux d’en laisser le contrôle au ministre de l’Agriculture?

Tout le monde est convaincu que le fonds du développement rural est un programme de Sa Majesté. Par conséquent, peu importe l’argument, cela reste un budget qui relève d’un ministère de souveraineté. En fin de compte, qui va en être le grand décideur? Les projets essentiels de la stratégie royale sur le plan économique sont entre les mains de gens qui vont exécuter ces programmes.

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