"Anaaq", l'exil rifain méconnu raconté dans un documentaire

"Anaaq" est un documentaire réalisé par Mohamed Bouzia qui retrace l’immigration rifaine en Algérie et en Europe. 

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« Anaaq » signifie « exil » en rifain. C’est aussi le titre d’un documentaire de Mohamed Bouzia et Kacem Achahboun, diffusé le 4 avril à la Bibliothèque nationale de Rabat une semaine après sa sortie aux Pays-Bas. Le film se penche sur l’immigration des Rifains en Algérie, puis en Europe.

Le documentaire, en langue tarifit et sous-titré en arabe, livre les témoignages de Rifains ayant migré en Algérie au début du XXe siècle. Ils quittaient alors le Maroc dans un contexte de sécheresse. En face l’Algérie, alors colonisée par la France, manquait de main-d’oeuvre. La première hijra (immigration) a eu lieu dans les années 1880/90. Une seconde génération de Rifains s’est rendue en Algérie dans les années 1930.

C’est notamment le cas de Mohammed Dirari, considéré comme le Marocain le plus âgé de la ville de Harlem aux Pays-Bas. Il quitte le Maroc pour l’Algérie alors qu’il n’a que 15 ans. Son périple le mènera notamment dans les rangs de l’armée du général Franco pendant la guerre civile espagnole (1936-39), puis aux Pays-Bas.

À l’instar de Mohamed Dirari, des milliers de Rifains ont quitté le Maroc pour l’Algérie. D’après l’un des témoignages recueillis lors du tournage du documentaire, le besoin de main-d’œuvre était tellement fort chez le voisin de l’Est que les colons français ne vérifiaient même pas si les Rifains qui arrivaient disposaient des attestations délivrées par l’administration espagnole de l’époque, et qui les autorisaient à quitter le territoire.

Une espèce de sélection naturelle se faisait au niveau de l’oued Moulouya à Oujda. Moyennant une rémunération, les bons nageurs aidaient à la traversée de cette rivière à proximité de la frontière maroco-algérienne, mais nombreux sont ceux qui ont perdu la vie dans ces eaux.

Pour ceux qui atteignaient l’Algérie, l’objectif n’était pas de s’y installer indéfiniment. Après un retour temporaire au Maroc, ils repartaient en fait vers l’Europe, notamment les Pays-Bas et l’Espagne. Cette Espagne qui entrava d’ailleurs le retour d’un bon nombre de ces Rifains au Maroc. En effet, pendant la guerre du Rif (1921-1926), les Espagnols craignaient qu’ils grossissent les rangs d’Abdelkrim Al Khattabi.

Lors de la projection à la Bibliothèque nationale, l’apparition d’Al Khattabi dans le film suscite les applaudissements de l’assistance, alors que cette figure historique du Rif n’a pas encore retrouvé ses lettres de noblesse dans l’histoire du Maroc. « Les archives sont pauvres sur le sujet« , signale Mohamed Bouzia, interrogé par Telquel.ma. Il a fallu au réalisateur six ans pour boucler son documentaire. « Le but est d’inscrire cette histoire souvent méconnue dans la mémoire collective marocaine, » insiste-t-il.

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